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On appelle "post-mémoire" cette mémoire souterraine et énigmatique, à la fois intime et collective, qui caractérise la transmission d'un traumatisme historique à des générations qui ne l'ont pas vécu. L'exemple le plus récent peut être trouvé dans les générations juives qui n'ont pas vécu l'holocauste de leurs ainés mais cette mémoire peut traverser des générations et probablement des siècles.
Serions-nous d'une part hantés par la mémoire de nos ancêtres et d'autre part gardiens de leur passé ? Quelle voie secrète emprunte ce traumatisme pour se perpétuer et maintenir ses effets chez les descendants des personnes qui l'ont subi ? Comment arrive t-il à se frayer un chemin sur des générations et ressurgir souvent sous forme de troubles psychologiques plus ou moins accentués (anxiété, cauchemars, reviviscences, reminiscences ...) ou bien plus souvent sublimé dans des expressions culturelles comme recherches historiques, généalogie, œuvres d'art, littératures, engagements politiques et religieux, sociaux ou culturels...?
Il arrive aussi que des traumatismes anciens soient recouverts par des traumatismes plus récents : ainsi les drames subis par les protestants aux XVI et XVIIèmes S. ont été si douloureux en eux-mêmes qu'ils ont fait oublier les malheurs aussi grands de leurs pères : le tragédie du Désert a pu recouvrir celle plus ancienne de Montségur. Il a fallu arriver au XXème S. pour retrouver et mesurer l'ampleur de ce qui s'est passé bien avant le XVIème S. dans la même région occitane, au XIIIème S. pour un même motif religieux par les ancêtres cathares dont les protestants sont quelque part les héritiers.
Il s'agit là d'une post-mémoire très ancienne donc, ce que l'on peut même nommer une crypto-mémoire, ravivée par la quête d'identité de lointains descendants, soutenue par des symboles dont le sens avait été plus ou moins enfoui, perdu. Les quelques débris architecturaux du moyen-âge ou des noms de lieux nous reparlent enfin; le signe symbolique de la croix effectué encore lorsque l'on rompt le pain dans les campagnes nous rappelle que cet aliment de base était essentiel pour les parfaits (et non pour sa christianisation imposée par l'église triomphante); nous employons des mots courants comme bonhomme et bonne femme, bougre qui nous viennent directement de ce temps lointain; les enfants, autrefois et encore ici ou là, nomment sur le même qualificatif leurs grands-parents bonne-maman et bon-papa; jusqu'à des bribes du Pater Noster cathare qui ont été entendues au fin fond de l'Ariège par le folkloriste Urbain Gibert en 1850 qui en donne témoignage (cf. revue Folklore n° 128, Carcassonne, 1967, P.122), la prière était prononcée par une vieille femme qui le tenait de ses parents, qui le tenait de ses parents....en un écho séculaire. Et puis des historiens locaux, quelquefois des autodidactes, des associations, des romanciers de l'histoire et autres dessinateurs de BD ont remis au goût du jour tout ce qu'ont vécu nos ancêtres du XIIIème S. dont des Amiel souvent comme je vais essayer de le démontrer dans les pages qui suivent; beaucoup de personnes d'origine lauragaise et languedocienne s'intéressent à cette mémoire passée et volontairement celée par l'Histoire française, enfin retrouvée depuis peu finalement et revenue d'actualité: "L'Aude, pays Cathare" est même devenu une marque (commerciale !) déposée. Enfin beaucoup de personnes à travers l'Occident s'intéressent aussi à cette guerre féodale interne à la chrétienté, en Europe du nord et du sud comme aux Amériques; on vient de très loin visiter les sites de l'Occitanie qui en gardent quelque trace et la mémoire commune, actuelle et future en est ainsi d'autant mieux préservée et diffusée.