Le passé est immuable, l'avenir est incertain.
Tullius Ciceron in "Du destin"; avocat et homme politique romain du dernier siècle de la République Romaine.
Il savait que l'avenir de la République était compté; César devenait tout-puissant, il verra sa chute en -44 mais assassiné comme lui quelques années plus tard, il ne connaitra pas l'émergence inéluctable de l'Empire avec Auguste en -27.
Il savait que l'avenir de la République était compté; César devenait tout-puissant, il verra sa chute en -44 mais assassiné comme lui quelques années plus tard, il ne connaitra pas l'émergence inéluctable de l'Empire avec Auguste en -27.
SOMMAIRE : D'Amelius à Amiel via les Amali * D'où peut venir cet 'h' dans Hamiel et apparentés ? * Hamel Hamelius Hemelius...des noms d'assonance * Amiel du germanique Mil ou Milo ? * Le nom Amiel dans l'Histoire Générale du Languedoc * Le nom Amiel dans les chartes provençales * Amiel, un nom chez les catholiques et les cathares, un prénom chez les vaudois et leurs "oncles" * Amell et autres Amiell en Catalogne * Le nom Amiel apparait finalement quand et on le retrouve où ? * Un patronyme du Lauragais depuis plus de mille ans *
D' AMELIUS à AMIEL via les AMALI :
Il faut bien dire d'abord que nous n'avons pas grand chose pour prouver cette origine, pourquoi ? Et bien il est patent que l'histoire des Francs n'a pas retenu délibérément beaucoup d'éléments de l'histoire des peuples régionaux et la propagande était déjà aussi efficace et malhonnête que de nos jours : d'un siècle à l'autre on n'hésite pas à modifier les textes car ils ne servent plus la politique du moment. L'on sait que sur le territoire gothique de la Francie, la Septimanie, les invasions franques, les arabes, les guerres de religion et surtout l'inquisition au XIII-XIVèmes S. feront, tour à tour, disparaître une grande partie des sources locales. Si les goths ne nous ont pas laissé de grandes constructions (cf. page histoire) il en va de même de leurs traces écrites. C'est vrai aussi pour ce qui nous est parvenu des troubadours alors que leur productions furent très nombreuses et riches. Nous n'avons véritablement qu'une bible écrite en gothique alors que l'on sait que jusqu'au IXème S. on prêchait encore dans cette langue dans certaines églises de Septimanie, où l'arianisme primitif s'était maintenu ! Mais aux XII-XIIIèmes S. l'absolutisme catholique fit que "l'histoire tomba tout d'un coup dans la plus déplorable nullité" (A. Savagner). Avec la répression de la période cathare, ce qui pouvait rappeler ces hérétiques ariens fut détruit impitoyablement par les sbires et scribes de l'Inquisition, car on sait qu'au XIème S. encore, dans une population alors de langue romane, subsistait une infime minorité de langue gothe !
Mais c'était sans compter avec ce que passe l'histoire sans crier gare comme l'onomastique, autant toponymique (cf. page des lieux de l'Aude et Occitans) que patronymique. Il est possible de reconnaître l'origine des noms malgré d'inévitables homonymies dues aux langues proches lexicalement. Les noms individuels sont la règle du temps des goths. Passant par les traductions latines, romanes, française et occitane ils seront déformés, parfois méconnaissables suivant les scripteurs et aussi d'une région à l'autre : Reccarède finira en Richard, Carl deviendra Charles et il n'y aura pas de Wilhem chez les carolingiens, Théodoric sera le français Thierry. Ragin Mund dont un roi des goths du Pont portera le nom en 322 se mua en Rausimond chez les grecs et il deviendra chez nous Raimon/Ramon(d), se mélangeant avec Rà Mil aussi gothique ! Quant à Amalaric, après avoir été très porté au moyen-âge sous la forme d'Amaury dans les pays d'oïl et d'Aimery dans les pays d'oc, il finira en Henri français après avoir été Aïmer en Francie et Heimrich en germain, langue où il prit sa curieuse orthographe.... quand en occitan on continuera à dire [énrik] !
L'éminent onomasticien A. Dauzat rattache bien le nom Amelius à Amalia dont il dit que la racine est obscure mais il pense que ce nom doit son succès et son extension à la famille des Amali, rois wisigoths (cf. le masculin Amill, Ameilh, formes surtout, d'après lui, alpines); évidemment ce ne peut être une origine exclusive selon lui, il parle ailleurs de l'origine latine, bien sûr.
Le latin Amelius a aussi abouti aux Ameil, Ameuil et Amiel(h), noms dits "gothiques" lorsqu'on les rattache aux Amali, les Amales, "les célestes", race de héros célestes, sortes de demi-dieux des peuples goths dont les descendants, les rois amales régneront sur eux aux VI et VIIèmes S. de notre ère dans la région de Septimanie et surtout en Espagne; un nom qui est resté dans nos contrées par celui de l'un d'eux, Amalaric, le "roi Amale" par excellence et surtout Alaric, condensé du précédent, nom de deux rois célèbres, le 1er pour avoir pillé Rome en 410, le second pour avoir été battu par les Francs à Vouillé en 507. Cette défaite contraindra ce peuple, qui occupait une majeure partie de la Francie entre Atlantique et Méditerranée, de la Loire aux Pyrénées et aux Alpes, à se replier via la vallée du Rhône au nord et le seuil de Naurouze à l'ouest dans ce qui deviendra sous leur contrôle, la seule Septimanie (cf. "Mémoires & Bulletins de l'Institut Historique de Provence" Vol. XI, Marseille, 1934), laissant à leurs cousins ostrogoths la partie outre-Rhône de cette Narbonnaise latine, région qui deviendra la Provence et abandonnant aux Franks vainqueurs l'immense territoire de l'Aquitaine et de l'Auvergne. L'Aude, terre wisigothe, nous a conservé le nom et le souvenir d'Alaric II par le toponyme de sa montagne d'Alaric ou une légende dit que ses entrailles conservent secrètement le trésor de trois rois (dont le sien bien sûr).
Un cas, bien que rare, assimile Amalric à Amelius : L'évêché de Fréjus eut, comme tout chapitre cathédral, des prévôts, sorte de présidents du collège canonial et 2ème personnage de l'évêché après l'évêque. Le 3ème connu nommé généralement Amalric II est toutefois aussi nommé dans quelques chartes Amelius, comme quoi ces deux noms sont bel et bien apparentés, l'erreur multiple de copiste est difficilement admissible; il est à ce poste convoité (car bénéficiaire de juteuses prébendes) entre 1104 et 1124. C'est l'avis d'un commentaire sur les noms cités dans le "Cartulaire de l'abbaye St Martin de Pontoise" (J. Depoin, Soc. Hist. du Vexin, 1895, p.247) donc en pays d'oïl, qui parlant d'un Amelius, chevalier du comté de Meulan, dit de ce nom qu'il s'agit "incontestablement d'une forme abréviative d'Amalricus dont on a, par d'autres défigurations (!) tiré aussi les prénoms d'Amatus, Amaleus etc...".
Plusieurs auteurs modernes font allusion au rapport possible qu'il peut y avoir entre le latin Amelii et le goth Amali:
- Dont cette vieille citation en latin : ..qualis et inter Gothos Amalorum regia prosapia saepius Jornandi et Cassiodoro nominata, unde haud dubie etiamnum durat multis principibus feminis usitatum nomen Aemiliae (cf. "Dissertationes" de Jacobi Perizonii, 1740), ce qui peut être traduit par '...tels que chez les goths dont la famille royale est nommé Amales par Jordanès et Cassiodore, qui a encore des descendants dont beaucoup de femmes patriciennes portent le nom usuel d'Aemilia';
- De même La Revue Suisse (1898, p.504) parlant également de l'origine d'Amélie indique, après le grec ameleia (négligence) et aïmulia (affabilité) dont nous savons que ces mots sont une origine des Aemilii latins, la possibilité selon Fôrstemann que ce prénom puisse provenir d'autre part du "vieux mot germanique Amal" pour lequel la signification correspondrait à laborieux mais nous savons maintenant qu'il faut voir dans Amal surtout le nom du dieu ou ancêtre des wisigoths.
- Puis l'extrait d'un essai d'onomastique dont la forme date un peu mais qui explique bien le glissement sémantique : Ce que nous attribuons à la politique ou à la vanité des goths, appartient peut-être à l'orgueil servile des latins, moins humiliés à leurs propres yeux quand ils pouvaient rapprocher des noms qui leur étaient familiers les noms de leurs nouveaux maîtres : C'est ainsi qu'ils purent remplacer par le nom romain Aemilia le nom d'Amalie (Amelie) qui rappelait celui du fondateur de la dynastie régnante gothe. Ils en vinrent plus tard jusqu'à substituer le nom grec Charolaüs au nom teuton Cari dont la signification est différente; et découvrant enfin des racines grecques dans le nom goth de Théodoric, ils l'interprétèrent en l'honneur d'un saint abbé, 'celui qui contemple Dieu' (cf. Ducange "Glossar." verbo Theodoricus cité dans "Essai historique et philosophique sur les noms d'hommes, des peuples et de lieux" T. I Eustache Salverte; Bossange P. & Frères, Paris, 1824).
- Ou un essai d'étymologie un peu plus récent du Baron Antoine de Coston, connu dans de nombreux pays grâce à internet, intitulé "Origine, étymologie et signification des noms propres et des armoiries" dont j'ai déjà eu l'occasion de citer un extrait de la préface, qui dit : Ce nom (Amelius) usité aussi comme prénom, aurait, selon quelques auteurs, la même étymologie qu'Emile (Aemilius) du grec EmûXoç, flatteur, caressant. Selon d'autres, il serait plutôt emprunté à celui d'une famille très puissante chez les Goths, les Amal ou Ameli, tiré d'un radical qui a le double sens de pur, brillant, sans tache, et d'actif, infatigable. (extrait pp. 44 & 187, 1ère édition 1867, toujours republié depuis dans de nombreux pays ce qui en fait une référence).
- L'historien anglo-saxon E. A. Freeman (1823-1892) a pour sa part commis une longue série d "Historical Essays" dont un "Race & Langage" (3ème série, part II, 1879) qui fut repris et commenté dès 1910 d'abord puis plus récemment en 1966 en espagnol. Est émise l'hypothèse qu'il peut y avoir une parenté très ancienne entre le latin 'Aemilii' et le gothique 'Amali', ces deux noms de personnes, de familles de personnes, pouvant dériver de branches d'une même origine, tout comme dans nos civilisations modernes, des familles dont les noms ont été traduits ou adaptés dans leurs propres langues respectives sont sans doute d'une même origine (patronymique et géographique) (passage cité avec cette référence dans "Essays, English & American,..." New-York, P. F. Collier & son 1910, Harward Classics, n° XXVII). L'espagnol reformulera plus simplement : Les Amali goths et les Aemilii romains sont des branches d'une famille divisée en deux avant la séparation entre Teutons et Italiens. Certains suivirent le clan gothique, les autres suivirent celui des romains.
- L'avis de Dauzat enfin : L'éminent spécialiste du XXème S. rattache lui aussi les Amelius à "Amalia, racine obscure", dit-il toutefois, "devant son succès et son extension à la famille des Amali, rois wisigoths".
Des rapprochements qui expliqueraient la très grande diffusion des noms dérivés comme Amélie, Amalie, et Amiel en Espagne anciennement wisigothe ou dans les pays anglo-saxons; voyez par ex. la page toponymie.
D'où peut donc bien venir cet 'H' dans HAMIEL et apparentés ? :
Voilà une origine qui pose de vrais problèmes. En français on rattache généralement Hamel à "hameau" ce qui me semble valable mais ne peut être exclusif; au Luxembourg, où l'on parle aussi français, la forme Hamilius est sans conteste latine et ne peut être par conséquent que reliée à Aemilius. Les belges voisins ne voient pas les choses de la même façon; voici ce qu'ils pensent à ce sujet: "A propos de l'origine de Hamel (aussi forme flamande du neerlandais Hamal) et les dérivés Hamelle, Hammel ainsi que Hamels, vient du latin Hamelius ou Hamilius. 1270 : "Hamels li Cordewaniers", 1285 "Jehans Hamels, cordoniers" à Dettes Ypres; ne doit qu'exceptionnellement représenter la variation non vocalisée (=Duhamel) du français 'hameau'. ("Dict. des noms de famille en Wallonie et à Bruxelles" J. Germain & J. Herbillon; Bruxelles, Ed. racine, 1996). Comme quoi nul n'est prophète en sa région pour une même langue...
En vérité ce qui pose problème c'est ce 'h' qui, pour l'origine latine du moins, parait incongru ! On pourrait pourtant rapprocher cette graphie d'autres noms individuels comme Hugues (Hugo), Hébert, Humbert (Hubert) ou Hélie pour lesquels le 'h' introductif n'existe pas en latin : Ugo, Ebertus, Umbertus ou Iterius qui sont d'origine franque ou Elija qui vient de l'hébreu (Elie). De plus Amiel occitan peut être rapproché de Imbert porté aussi dans la même région qui est l'adaptation romane d'Imbertus wisigoth, il n'y a pas eu adjonction d'un 'h' pour eux par le roman du sud. Ce n'est qu'en latino-roman du nord que l'on a pu écrire précocement donc Hamelius pour Amelius tout comme Iterius donnera Hitier dans cette forme du nord tandis qu'en Occitanie on écrira Itier.
Et là il faut donc nous intéresser à l'onomastique des noms à la romaine mais à consonance germanique. Il s'y trouve des noms fortement marqués par l'emploi de la "vélaire aspirée" qualification savante désignant la prononciation d'un H (CH ou demi-H) qui atteste, par le son comme par l'écriture, le caractère étranger de la dénomination : Hamilius donc mais aussi Hemilius . Comme j'ai pu le signaler pour d'autres langues, peut-être faut-il voir là l'affirmation d'une identité culturelle ou ethnique ? Sans doute mais tempérée toutefois par l'utilisation par les germains des prénoms et surnoms latins inhabituels dans d'autres langues autochtones. (cf. Les noms germaniques... M. Charlier *). Plusieurs ex. peuvent être donnés, même outre-Rhin comme dans le registre matricule de l'Université de Tübingen ou de nos jours outre-Manche et outre-Atlantique. En France le cartulaire de l'abbaye de Cellefrouin (région de Poitiers) pour les XI & XIIèmes S. résume et met d'accord en citant les équivalences entre Amelius, Hamelius et Amiel pour nommer un même personnage, celui d'un "prepositus", c a d un prévôt, de St Junien qui aura cette fonction de 1051 à 1081 (cf. Abb. Augustidienne St Pierre de Cellefrouin, Imp. Dubois, 1936).
HAMEL HAMELIUS HEMELIUS... des NOMS D'ASSONANCE :
La volonté de conserver l'identité culturelle liée à celle de s'intégrer à la romanité a donc produit par homophonie ce que l'on nomme des noms d'assonance. Hamel wallon est à rapprocher du plus parlant Ameel qui phonétiquement est bien la traduction orale d'Amiel en oc et quelquefois en oïl (et pour ses diminutifs comme Amé ou Ami). Ces noms d'assonance ont une perception autochtone a mettre en corrélation avec son cadre géographique : Tel nom pouvant être assimilé comme consonnant en Afrique (du nord) ne le sera pas en Gaule et tel autre ne sera retenu qu'en Germanie. Enfin on ne peut envisager pour ces notions une valeur absolue partout dans l'empire. Finalement exit pour Hamel désignant un hameau !
(=> * "Les noms germaniques : Adaptation et latinisation de l'onomastique en Gaule Belgique et Germanie Inférieure" in "Les noms de personnes de l'empire romain." M. Charlier; Bordeaux, 2011).
AMIEL du germanique MIL ou MILO ? :
On peut trouver quelquefois une telle origine germanique : mil signifie bon, généreux; milo travailleur, des qualités humaines en tous cas. Ce fut le nom emblématique de grandes familles seigneuriales de Bourgogne, c'est un nom d'oïl. On ne peut voir en lui une origine latine dérivant de "miles" le guerrier. Il se diffuse a/c de l'an Mil (!) et pourrait être le résultat de la fusion de deux origines possibles bien différentes : fondé soit sur la racine germanique ci-dessus soit tout aussi sur l'aphérèse du latin Aemilius, soit sur les deux! Le plus haut dignitaire à porter anciennement ce nom fut Milon de Trèves qui fut au service de Charles Martel et mourut en 753 et son nom le relie à deux grandes familles sénatoriales gallo-romaines, les Syagrius et les Ferréol de Narbonne. Mais la majorité des Amiel sont essentiellement des latins comme on le sait; il faut voir donc dans cette forme une seule pratique de la langue d'oïl. Cette origine a pu donner en cette langue les apparentés en mil- comme Milon, Milleau, Mille ou Millons.
Le nom AMIEL dans l'Histoire Générale du Languedoc :
L'ouvrage fut rédigé au XVIIème S. par deux savants bénédictins qui épluchèrent patiemment pendant des années les archives de toute la région pour écrire leur monumentale histoire; leur œuvre toujours consultée avec intérêt est une base majeure pour l'histoire locale. Le premier Amiel qui apparait est indiqué dans le Tome III, traduit ainsi par les auteurs : "d'Amels" ou "d'Amiels"; en réalité dans le texte référencé le nom est écrit en latin : Raymond Amelii; il est cité dans un acte d'une assemblée tenue à Narbonne en May de l'an 1080 parmi les plus importants personnages de la ville, juste après les évêques, chanoines, comtes, vicomtes et le "neveu de l'archevêque". Un siècle plus tôt vers 950 ou 980 on a le nom de Amelius, vicomte de Carcassonne "par la grâce de Dieu" dont je parle par ailleurs. Tous les Amiel des X et XIème S. qu'ils soient évêques, seigneurs locaux, la vicomtesse toulousaine Amelia, tous sont cités en latin. C'est en occitan que l'on verra écrits ces noms pour la 1ère fois après le latin: Un acte d' ~1112, jurement de fidélité de petits seigneurs au vicomte de Carcassonne Bernard-Aton indique parmi les premiers témoins, ceux de Petre Amels et W(ilhelmus) Amels, puis, plus bas, Amels Auriols. Ces balbutiements du début du XIIème S. concernant notre nom occitan vont évoluer et au milieu du XIIIème S. le latin se laissant influencer par l'occitan retiendra l'écriture Amelii, sorte de compromis entre le latin d'origine Aemilii et l'occitan Amel, mais c'est là une orthographe pour les actes (qui sont encore pour longtemps surtout rédigés en latin) et non la pratique usuelle qui donnera bel et bien dans la plupart des cas Amiel. Les bénédictins useront quelquefois d'Ameil comme d'Hamelin (par ex. pour Amiel de Lautrec, évêque de Couserans). Parmi la cohorte de ces Amiel dans l'HGL on peut retenir : Amelie I ou Jeanne Amélie, abbesse de Rieunette, et l'une de celles qui lui succèderont, Amélie II; Amelie la fondatrice de l'abbaye de Mas-Grenier; d'après eux il y aurait eu trois évêques d'Uzès du nom d'Amelius; les abbés comme Amelius (de Brassac), abbé de St Michel de Cuxa, l'abbé Amelius de Lézat ou celui de St Théodard de Montauban; Amelius Vassal prévôt de St Salvi à Albi, Amels Aton prieur de St Germier de Muret près de Toulouse, Amels de Brucia, prieur du couvent des Carmes de Narbonne, Amels-Pierre, autre prieur de Muret.
Le nom AMIEL dans les CHARTES PROVENCALES :
On appelait provençal la langue d'oc autrefois; c'est donc l'occitan qui était utilisé en Provence tout autant que dans la zone de parler d'oc depuis les temps romans. Dans ces vieux textes relatant les si nombreuses donations, ventes, cérémonies et autres actes passés devant notaire les noms de ces Amiel depuis le moyen-âge sont variablement orthographiés par les scribes et greffiers. Amiel devient souvent Ameil par exemple "Ameil abbas del Luc Deu" (Amiel abbé de Loc-Dieu) ou Ameil d'Albars; on ajoute un 's' comme dans Ameils Audegers (Amiel Audigier), un 'z' comme dans Ameilz Deusde (Amiel de Dieu); Ameilau désignant sans doute un originaire de Milhau; tous voisinant avec un Ameil de Pena (Amiel de Penne) qui peut tout aussi bien être Penne-en-Albigeois ou Penne en Provence, car il y eut des Amiel seigneurs de ces deux lieux, il est vrai fort éloignés pour ne pouvoir être confondus.
Si l'on considère le chartrier d'une famille provençale durant plusieurs siècles, par ex. celui de la famille Porcelet d'Arles, entre 972 et 1520, on note les orthographes Amelh, Amelius, Amil, Amiel et Hamel avec les prénoms de Bertrandus, Guillelmus, Laurencia, Petrus, Raimon, Rainaud et Ugo, puis un Amelh donateur de Montmajour et un seigneur majeur, un Amelh de Fos qui est diversement écrit Amelius de Focide, de Focis ou Fossis ! (cf. "Collections de documents inédits sur l'Histoire de France" Vol. 27 Bibliothèque Nationale, 2001).
AMIEL, un nom chez les catholiques et les cathares, un prénom chez les vaudois et leurs "oncles" :
Si l'on reste dans le domaine du Livre Saint, le nom de gens latine a été celui de nombreux martyrs des temps apostoliques puis de saints au moyen-âge. Devenu par imitation un nom individuel, de prénom il se transformera souvent en un patronyme héréditaire des catholiques après le 1er millénaire comme on l'a vu. Porté couramment dans la zone de langue d'oc dans ce même moyen-âge il sera parmi ceux des cathares et sympathisants comme ceux de nombreux seigneurs faydits, on l'a vu aussi. Le développement remarquable de l'hérésie vaudoise car l'église finira par assimiler ces "pauvres de Lyon" à une déviation doctrinale, fera aussi d'eux des sujets de l'inquisition. Mais tandis que le catharisme fera l'objet d'une lutte armée dès le XIIIème S., d'une croisade pour éliminer ses tenants (l'église n'y étant pas parvenu par la parole, ni non plus les vaudois d'ailleurs sur qui elle a peut-être compté aussi pour y arriver), le valdéisme qui sera actif en Provence, n'en sera l'objet qu'un peu plus tard. Et c'est surtout aux XV, XVI et XVIIème S. que l'on trouvera des vaudois non pas du nom d'Amiel mais du prénom Amiel! J'ai indiqué qu'il fallait devoir cette particularité au fait que ces proto-protestants lisaient textuellement la Bible et donc ont pris précocement des prénoms bibliques dont Amiel, ce nom signifiant dans sa plus ancienne traduction, je vous le rappelle, "Dieu est mon oncle"; il s'appelaient couramment par ces prénoms (les registres inquisitoriaux nous le prouvent). Il ne parait donc pas s'agir ici de la même origine onomastique ni pouvant être en relation avec ceux portant le patronyme Amiel des chartes de l'article précédent. Enfin, bien que l'oncle dont on va parler ne soit pas Dieu comme dans la signification archaïque de notre nom Amiel en hébreu, il me semble intéressant de vous en dire un peu plus sur cet oncle particulier des vaudois.
Les barbes est le terme qu'employèrent les vaudois pour désigner leurs pasteurs ou prédicateurs. Ce nom viendrait du piémontais et se traduirait en provençal par l'oncle, prononcé [l'ounclé] ! Curiosité remarquable mais on l'explique par le fait que ce terme dérive du latin du bas-empire et désigne bien un oncle, l'oncle maternel pour être précis !! Il pourrait dans la pensée vaudoise s'opposer au terme de père par lequel étaient (et sont) désignés les ministres ou prêtres de l'église catholique... pourquoi donc cette opposition ? La lecture de l'évangile de Matthieu en 23,9 donne la réponse : "seul Dieu est votre père". On sait d'autre part, surtout en ce qui concerne notre nom en hébreu, que l'oncle c'est le "frère du père" et qu'il est important dans beaucoup de religions anciennes, mais au moyen-âge c'est le rôle de "l'oncle maternel" selon ce qu'en a conclu Levi-Stauss (cas dans les romans chevaleresques par ex.). Il est vrai que déjà à la fin de la république Romaine on s'est mis à confondre les deux types d'oncles : ceux que l'on désignait par 'patruus' et 'materna' disparaitront au profit du seul "avunculus" tout comme le seul terme "amita" désignera les deux types de tantes. Appeler son pasteur "l'oncle" était pour les vaudois une marque de respect mais aussi d'affection et imposait de respecter la continuité des générations. Chez eux il remplace avantageusement les concepts de soumission et d'obéissance aveugle propre au moyen-âge à l'Eglise Romaine et à ses clercs. Et dans la suite des temps, par la même mémoire séculaire que l'on a vu pour le catharisme en Languedoc, ce terme d'oncle va traverser les générations et parvenir jusqu'à nous en se transformant bien sûr (il n'y a plus de barbes de nos jours, ce sont les pasteurs protestants) : il désigne couramment "l'ancien" du village en Provence et il est toujours un vocable familier d'affection et de respect voire d'obéissance volontaire selon Gabriel Audisio, historien spécialiste du valdéisme provençal. Par l'hébreu Amiel, Dieu n'est plus "mon oncle" depuis des siècles avant notre ère chez les juifs et le pasteur n'est plus "l'oncle" chez les vaudois devenus protestants au XVIème S. !
AMELL et autres AMIELL en CATALOGNE :
Un essai historique de ce patronyme a été publié dans un bulletin d'études historiques locales en Catalogne sud; on y parle de la "Noble familia Amell"; il y est dit qu'il est probable que ce cognomen remonte au Xème S. (un parchemin de 1008 le cite) et qu'il dérive selon les auteurs soit du latin "Amala i" soit du latin Amelius; il s'écrivait anciennement Amelli et dégénéra en "Ameli i" pour finalement parvenir à Amell en idiome catalan. Il s'agit bien de voir en ce nom des Amiel catalans.
(=> Bulleti del Grup d'Estudis Sitgetans 4ème année, n°21, déc.1981 intitulé "La nissaga dels Amell a Sitges").
De même l'étude onomastique "Els lignatges catalans" de Moll indique pour l'origine d'Amell qu'il "procede probalmente del llati Amelius" qu'il est inutile que je traduise ! Ces patronymes de la vaste région catalane que l'on trouve écrits également Amiel Amel sont surtout documentés dans l'histoire ibérique aux XII et XIIIème S. à une époque où les familles de ce nom ont pu, pour certaines, intégrer la noblesse. La forme Amell est la plus importante en nombre et trouvée dans la région de Barcelone; suit la forme Amiel qui est trouvée dans la province de Girona. Les deux autres formes Amiell et Amel sont minoritaires et disséminées dans les quatre provinces catalanes.
Parmi les Amell connus il faut citer Bernat Amell qui vécut à cheval entre les XII et XIIIème. S et eut une grande influence dans la cour du roi Alphonse Ier dit le Chaste et encore plus dans celle de son successeur Pedro Ier le Catholique duquel il fut un ami intime et fidèle conseiller; Joan Amell natif de Lleida, conseiller royal et médecin des rois Jaume II et Alphonse IV; Matias Amell chanoine et vicaire général de l'évêque de Barcelone en 1609, docteur en droits, il assista aux Cortès catalans de 1626. Enfin Fransesc de Amell natif de Villelongue de la Salanque, chevalier de la Principauté Catalane, dignité à laquelle il fut élevé en 1636, il assista lui aussi aux Cortès catalans, en 1662, comme délégué militaire.
Le nom AMIEL apparait finalement quand et on le retrouve où ? :
Il est bien difficile de fixer une date, tout juste peut-on parler d'époque. Cette époque est postérieure à l'an Mil; la population augmente alors beaucoup et il devient nécessaire de compléter le simple nom unique individuel dans les communautés; des communautés qui se multiplient par l'effet des créations ex-nihilo, nouvelles, soit par l'église (les sauvetés) soit par les seigneurs (les bastides) puis par le roi bien plus tard (les Villeneuve, Villefranche). De plus le mariage religieux est officialisé par l'église au XIème S.. Ces éléments conduisirent à l'adoption du patronyme complétant la seule dénomination individuelle et devenant progressivement héréditaire; souvent le 2ème prénom qui avait été maintes fois ajouté en complément deviendra patronymique tout simplement, c'est sans doute le cas pour Amiel pour une partie de ses porteurs héréditaires. A Lapenne (06) où les Amiel sont une famille bien connue, on sait que les chartes de St Victor de Marseille parlent d'eux dès les X et XIèmes S. C'est à cette époque qu'Amelius nom roman est employé sous sa forme romano-provençale définitive Amiel mais l'orthographe est très peu fixée; on le trouve écrit Ameillus comme Emelius par exemple. Dans l'Aude, en Languedoc, du côté de la plaine de Narbonne, c'est aussi au XIème S. que l'on adopte Amiel comme patronyme. A La Palme, sur la côte méditerranéenne audoise, le 1er seigneur prend les deux noms de Amiel-Amelius suivi de son lieu d'attache, d'Auriac; il était seigneur de St Pancrace, descendant de l'une des plus vieilles familles de la région de Languedoc (1071) et possesseur de plusieurs fiefs dans le Narbonnais. L'étude des noms de baptême (prénoms ou plutôt encore noms individuels) dans le Languedoc occidental (toulousain) à la fin du XIème-début du XIIème S. fait ressortir que moins d'une trentaine étaient exclusivement portés par la noblesse ou propres à des familles seigneuriales bien identifiées par les documents; c'est le cas des Roger ou Bérenger et Aimeric mais c'est aussi vrai (encore) pour les Amiel ou Ugo ce qui me semble moins évident. On a vu que ce n'est plus ainsi dès le milieu ou la fin du XIIème S. et surtout dès le XIIIème. (cf. "Cahiers de Fanjeaux -Le monde des chanoines (XIe-XIVe S)" n°24; Privat 1989), par exemple ces deux Amiel qui se disputent devant le juge (royal) de Carcassonne en 1270 une rente assise dans le terroir de Cépian au monastère de Lagrasse (Doat vol.254 fol°1088 v°). Par les multiples Amiel interrogés par l'inquisition durant une majeure partie du XIIIème S. on observe qu'effectivement le nom s'est transmis et fixé dans ce siècle du moins en Languedoc; il a ensuite été largement diffusé au XIVème S. essentiellement au sud de la Loire et le prénom déclinera en proportion inverse pour devenir quasi-inexistant; et l'on ne comptera plus ses formes locales, Amiel, Ameil, Ameilh, Amel pour les principales. On sait que ce n'est qu'en 1539 que l'Edit de Villers-Cotterêts de François Ier rendra obligatoire en l'officialisant et le banalisant le nom patronymique héréditaire mais son orthographe (comme celle du prénom) restera bien longtemps encore aléatoire; par exemple, suivant les registres, un Amelius de Flemalle connu à Chaumont (Hte Marne) au XVIIème S. se verra écrit Amely, Aimel, Ainel, et même Amand voire Aurèle ! Le nom si sujet à variations infinies, ne se stabilisera qu'au XIXème S. (!) avec l'adoption d'un cadre règlementaire strict. Le "Trésor des noms de famille" de J. Caillard (Belin, 1983) réunit dans la même origine patronymique les Amiot (devenus Amyot par un 'y' d'ornement !) les Amiel, Lamiel, Amieu(x), Amiet et même les quelques Amyard (je ne vais pas pour ma part jusque-là). De nos jours Amiel est surtout porté en Languedoc-Roussillon, en Midi-Pyrénées, puis en Provence-Alpes-Côte d'Azur, enfin en Aquitaine et Centre dans une moindre mesure, aussi en Ile-de-France essentiellement par suite des migrations importantes quelquefois imposées par le travail (fonctionnaires aux XIX et XXème S. et dorénavant par la nécessité de mobilité inhérente à l'emploi salarié actuel pour ceux qui ont la chance d'en trouver enfin un). Enfin tout cela est aussi à relativiser; les archives départementales du Finistère, région française très bretonnante s'il en est, conserve elle aussi des Amiel, avec des Amel, Amelin, ou Amellin (Amellin de la Mare par exemple) tout comme celles des Ardennes !!
Un patronyme du LAURAGAIS depuis plus de mille ans :
Issu du latin dès la formation des langues romanes d'oc, le nom Amiel s'est fortement lié à l'aire de cette langue générique. Très fortement implanté depuis ce temps notamment dans le Lauragais, cette région à cheval sur les confins de l'Aquitaine et du Languedoc comme sur ceux des Pyrénées et du massif Central, autour de ce Seuil de Naurouze passage obligé depuis toujours entre ces régions, je cite ici ce qu'en dit l'historien local Jean Odol (Couleurs Lauragais, n°52/2003) dans son article "Baziège haut lieu du catharisme en Lauragais 13ème S." dans le § intitulé "Les noms de famille perdurent jusqu'en 2003"; il y est dit que parmi les déposants de l'enquête inquisitoriale menée en 1245 après le massacre d'Avignonet, habitant Baziège, figurent les mêmes noms de famille que de nos jours, des patronymes portés à notre époque non seulement à Baziège même mais dans tout le Lauragais. Parmi eux se trouve, évidemment celui d'Amiel.