NB : On va croiser souvent chez les seigneurs de la région un certain Amelius Simplicius, particulièrement dans cette page; il y a lieu de préciser son nom : celui que la plupart des études nommeront ainsi se serait en vérité nommé Amelius Sulpicius (ou Sulpitius); c'est ce que note par ex. Mme la professeure Debax dans sa relation sur "Les comtes et comtés de Carcassonne entre 940 et 1060" (article sur "Amelius Dei Vicecomes") dans laquelle elle estime que "Simplicius rappelle fortement le bayle de Camon" qu'elle nomme bien pour sa part Sulpitius; Mme Claudine Pailhès, conservatrice départementale des Archives de l'Ariège notera elle aussi ces deux appellations pour un même personnage. Il faut dire que la "bible" des historiens régionaux, l'Histoire Générale de Languedoc rédigée au XVIIème S. ne parle que d'un Amelius Simplicius ! c'est ce nom qui sera généralement repris par eux.
LA FAMILLE AMELIUS ET LES COMTES DE TOULOUSE:
Trois Garsende sont connues dans la famille comtale toulousaine aux IX et Xèmes S.:
- Garsende, héritière d'Albi, née en 845, , qui épousa Eudes comte de Toulouse né en 840 et mort en 918, père de Raymond II grand-père de Raymond IV;
- Garsende, petite-fille de la 1ère, fille du frère de Raymond II de Toulouse, née en 875 et morte après 912, celle-là fut la 2ème épouse de Raymond II Pons Comte de Toulouse (né en 895, comte en 923, mort ~940/44) mais dont elle n'eut pas d'enfants (Raymond III est le fils de la 1ère épouse).
- Garsende, fille du comte Raymond II Pons dont on vient de parler par sa 1ère épouse; cette dernière Garsende est la demi-soeur du comte Raymond III (comte de 944 à 972, né vers 925-930) et elle n'eut comme héritier qu'un Amelius son 'nepos' (descendant) d'après son testament :
Son testament daté de 972 n'indique en effet que "Amelio nepotis meo" (rèf. H. G. L. T. IV, Preuves p.126, col. 2 74) à qui elle lègue "villam meam...Brutia" soit sa propriété rurale de Brousses. On ne lui connait pas d'autre descendance.
Qui était cet Amelius seul héritier de Garsende la 3ème? :
C'est à l'évidence un membre de la famille des Aemilii du Lézatois (cf "La dynastie Amelius Xè - XIIème S" P. de Latour). On sait que, en raison de son lien avec Garsende, le château de Brousse (Brousse-le-château, 12) lui fut finalement légué par elle en 975. A cette vaste et vieille famille il y a lieu de rattacher Amelius Evêque d'Uzès (885 - 912, voir ce nom), Amelius cité en 898 parmi ceux qui témoignent dans le conflit qui implique le vicaire Aton (cf H.G.L., T. V, n° 21), Amelius (le même?) qui fait une donation importante à l'Abbaye de Montolieu en 908 (cf H.G.L., T. V, n° 33 ), et donc Amelius, dernier descendant de la famille de Garsende, dont il fut soit un petit-fils ou plutôt un neveu. Ce personnage doit être identifié sans doute avec Amelius Simplicius, cité de 955 à 997 dans les chartes de l'Abbaye de Lézat et aussi dans celles de l'Abbaye de Camon, autre établissement monastique de la Basse Ariège.
Pour Camon on a le témoignage d'un accord ou "convenientiae" entre son abbé Sulpice et son parent Amiel Simplicius daté de 959 par lequel Amiel reçoit baylie ou commende viagère des alleux de Camon, moyen commode de gestion domaniale pratiqué couramment alors, souvent liée à un lignage aristocratique local, c'est le cas ici; ainsi cette administration légale permet d'assurer à la parentèle des revenus. Quelques détails à ce propos :
"Au début du Xème S. un laïc prénommé Simplicius ou Sulpicius, membre de la famille Amelius proche de Roger le Vieux vicomte de Carcassonne, fonde une abbaye à Camon sous la règle de St Benoît".
En 943-944 il décide de rétrocéder celle-ci à l'Abbaye de Lagrasse, riche et puissante et l'établissement des rives de l'Hers deviendrait un simple prieuré qui aura une redevance à verser à l'abbaye mère. L'abbé de Lagrasse prétend y installer même un prévôt de son choix; Amelius Simplicius ne va l'entendre ainsi et en contrepartie de la rétrocession il demandera et obtiendra le statut de prieuré "jus-patronat" pour Camon, ce qui conduit à réserver le statut de prieur aux seuls membres de la famille Amelius, et donc à celle de son vicomte, Roger le Vieux. L'accord de 959 cité précédemment est authentifié par une bulle du pape Jean XII qui stipule bien que Simplicius Amelius jouit du prieuré en "commande", c-a-d que les revenus prioraux lui reviennent mais il n'exerce pas d'autorité religieuse sur les moines. Ce statut passera aux vicomtes carcassonnais et durant un siècle il en sera ainsi, la réforme grégorienne n'interdira ces pratiques qu'en 1050 seulement. (d'après la conférence de Cl. Pailhès à Camon même). Mais qu'en est-il de sa famille ?
Le nom d'Amelius Simplicius (fils), l'importance des donations que lui et sa famille font à l'abbaye de Lézat et les droits qu'ils paraissent détenir sur ce territoire permettent de penser qu'il fut avec son père Simplicius Amelius (pas d'erreur ici dans l'ordre des deux noms, pratique normale à cette époque dont la suite sera la conservation du 2ème comme patronyme transmis à la descendance) et son oncle, Aton Amelius, parents des fondateurs de cette abbaye; ces derniers n'étant autres que le Vicomte de Toulouse Aton (mort ~940) et son épouse qui s'appelait ....Amelia! Cet Amelius Simplicius parait avoir eu un frère du nom de Amelius Nicezius dont on sait seulement qu'ils sont cités ensemble pour l'alleu d'Ampouillac (près de Tramesaygues et Mazères, rive gauche de l'Ariège) sur une inscription de 969 citée par Doat (vol. 83 f°3 et l'HGL T. VIII).
Il faut préciser que cette Abbaye de Lézat était située sur les rives de la Lèze (dont elle tire son nom) un affluent de l'Ariège, et qu'elle fut fondée vers 940. Elle se trouve à un point de contact entre différents pouvoirs et influences; interviennent dans cette région, simultanément ou successivement les familles comtales ou vicomtales de Toulouse, de Carcassonne mais aussi de Gascogne comme les d'Armagnac ou d'Astarac.
En effet, d'après un récit tardif, le vicomte toulousain Bénédictus aurait péri dans la guerre sanglante de conquête qu'il livrait à ses propres parents. Son fils Aton, neveu du Comte de Carcassonne aurait, lui, obtenu gain de cause grâce à l'appui du comte de Toulouse. Par la suite le dit Aton et son épouse, la vicomtesse Amelia, désolés de ne pas avoir d'enfants, auraient fondé le monastère de Lézat qu'ils mirent sous la protection du noble parent Amelius Simplicius (cf H.G.L., T IV, p. 126-127).
Les Amelius continueront à être présents ensuite : Le cartulaire les cite régulièrement comme d'ailleurs celui du Mas d'Azil de la même région (donation en 1085 par un Amelius de l'église de Montbrun-Bocage par ex.). Trois d'entre eux s'y intitulent marquis; un Amelius est cité comme Vicomte de Carcassonne avant 961 comme on l'a vu (cf. HGL T.V, 243). Certains encore sont dans le cartulaire de Lagrasse (T. I, 54,58,66,76,130), abbaye des Corbières et, chose rare, dans leur entourage figurent les curieux noms de Radvens et Artbertus (nom de l'abbé de Lézat chassé vers l'an mil), des noms qui sont aussi ceux de membres entourant les comtes de Carcassonne; bien que l'on ne sache pas d'où venaient ces Aemilii de Carcassonne, il est certain qu'ils ont été des proches de ces comtes (cf. "La féodalité languedocienne XI-XIIIèmes S." H. Debax; Presses Univ. du Mirail, Toulouse, 2003).
Mais revenons à ces Aemilii proches de Toulouse : Les familiarités entre les comtes de Toulouse et les Amelius de cette époque peuvent effectivement être vues comme celles de parents proches d'Amelia, probablement même des frères et soeur.
Résumé généalogique:
1) L'ancêtre: Amelius cité en 898, il fait une donation à Montolieu en 908 (né en 840, + après 908). Qualifié de Comte de Comminges, de Couserans, de Carcassonne, de Razès & de Foix, cet homme très puissant possédait, en outre, dans l'Albigeois, le Narbonnais et la Catalogne, de grands domaines, au nombre desquels fut le Podaguès, propriété libre & allodiale située dans la partie méridionale du pays toulousain, sous le Lauragais, entre les rivières de l'Ariège et de la Lèze, siège ensuite d'une viguerie. On ne lui connait que :
2) Amelius Simplicius son fils (né en 865) qui épouse Alde (née en 870, + après 917), et lui succède comme Comte dans les mêmes régions. Il aurait eu plusieurs fils (voir compléments pour l'arbre généalogique des autres fils) dont, pour ce qui concerne cette partie :
3) Amelius , Bienfaiteur de Lézat, né en 890, + après 947), qui épousa Guisla (895, + ap. 947), lesquels eurent :
4) Deux fils et une fille:
- Amelia (née 910) qui épousa Aton, ((fils de Bénédictus (Vic. de Toulouse, 880 - + ~909), Vicomte de Toulouse, Fondateur de Lézat, né 905, + sans postérité ~940-48)); elle fut donc Vicomtesse de Toulouse et Co-fondatrice de Lézat avec Aton.
- Aton (né en 915, + après 950), bienfaiteur de Lézat en 950, qui de son épouse Ermesinde eut 3 enfants:
* Amelius, Amelius Simplicius et Benedictus (qui fut prêtre).
* Eudes
* Amelius (né en 935, + après 997), Vicomte de Carcassonne en 961, c'est lui le 'nepos' unique de Garsende ~972/78.
* Amelius (né en 935, + après 997), Vicomte de Carcassonne en 961, c'est lui le 'nepos' unique de Garsende ~972/78.
La présence du Comte Arnaut de Carcassonne dans l'entourage des comtes de Toulouse fondateurs de Lézat peut s'expliquer par le lien de parenté d'Aton avec ceux de Carcassonne. On pourrait penser encore que la parenté entre Amelius et Garsende passait par Amelia, qualifiée non de "vicomtesse" mais de "comtesse" (comprendre 'de famille comtale') mais il n'en est rien. On ne connait pas d'Amelia dans la famille "comtale" toulousaine elle-même. Le mot 'nepos' doit être quant à lui pris pour 'neveu' car il est né vers 930 donc sa mère est sans doute une soeur de Garsende, peut-être est-ce Ermentrude, celle qui apparaît à Lézat au milieu du Xème S.
La présence des noms Benedictus et surtout Aton chez les Amelii témoigne d'un fort lien avec les vicomtes toulousains, peut-être Guisla, femme du premier Amelius Simplicius était-elle la soeur de Benedictus, vicomte de Toulouse?
On connait pour les Amelia, plusieurs porteuses de ce nom, dont une autre de la famille comtale dont la fille Almodis est connue car elle fut mariée une 1ère fois à Raymond Béringuier de l'entourage des comtes de Toulouse et des vicomtes de Carcassonne et Béziers puis surtout à Pons III de Toulouse et enfin eut pour 3ème mari le comte de Barcelone, elle descendait elle aussi des comtes de Carcassonne; il y eut aussi une comtesse Amelia de Périgueux, et une Amelia de la Marche. Amelia de Périgueux née en 995 pourrait bien être une parente (petite nièce) de Amelius bienfaiteur de Lézat (935 - 977) et la tante d'Amelia Comtesse de la Marche (1005/10 - + ap. 1038). Cette dernière enfin est la mère de Ramgarde qui épousera Pierre-Raimond de Béziers.
Pour terminer il faut noter que des Amelius sont associés en 959 aux fidèles du Comte du Poitou, Guillaume 'Tête d'Etoupe' et que plusieurs Amelia sont connues dans cette région au XIème S.
(=> "La noblesse du Midi carolingien: Etude sur quelques grandes familles..." Ch. Setipani 2004).