Poursuivons notre tour d’horizon de la vie quotidienne sous l’ancien régime en ce qui concerne les porteurs de notre patronyme en donnant un aperçu de ceux-ci dans la vie politique locale. Nous avons vu déjà combien les Amiel furent très proches des gouvernants nobles locaux dans la grande région languedocienne pendant le haut moyen-âge; certaines familles disparurent avec le temps, d’autres se maintinrent comme les Amiel de Tréville en Lauragais, qui de marchands puis bourgeois toulousains, élus régulièrement au capitoulat, parvinrent à se lier à la petite noblesse de Vaudreuille (près de Revel) et à se faire un nom qui traversera plusieurs siècles…D’autres plus simplement servirent leurs concitoyens en tant que simples consuls, les représentant auprès des seigneurs laïcs ou religieux, défendant les justes causes de la cité devant les pouvoirs immenses de ces nobles d’épée ou de cape. Ainsi nous trouverons cette autre famille amielienne consulaire de Marseille, notamment Jacques Amiel en 1575, François Amiel en 1588, Pierre Amiel en 1605 (cf « Liber nationis provinciaæ provinciarum » Vol. 1 MM. Monflard 1965) tous consuls de cette métropole ou enfin Louis Amiel, agent consulaire à Tunis, parent sans doute de Nicolas Amiel consul de Tunis en 1591 et des précédents. A Carcassonne quelques siècles plus tôt nous trouverons Guillaume Amiel qui est lui aussi choisi par sa propre communauté pour la représenter en 1184 et à nouveau en 1192, selon la Charte octroyée par le seigneur Trencavel à la communauté du bourg de Carcassonne (l’autre étant bien sûr l’antique et forte cité). Des convocations exceptionnelles des communautés villageoises comme les Assemblées de Baillage seront aussi l’occasion de noter quelques amieliens telle cette assemblée des Trois Etats du Baillage de Sisteron tenue en 1391 pour laquelle le bourg de Valernes va ‘députer’ Pierre Amielh pour être sa voix. Il y a aussi les temps de guerre ou les temps où il est nécessaire de se prémunir des exactions toujours meurtrières et préjudiciables à la vie quotidienne; par exemple en ce milieu du XVème S. où va sévir le trop fameux Prince Noir (Edouard Prince de Galles, futur Duc d’Aquitaine) dans la razzia (1355) où il va ravager toutes les villes qui sont sur sa route comme Castelnaudary, Carcassonne; à Lagrasse, dans les Corbières où le bruit de sa présence parvient, on institue pour se parer de la menace, un capitaine expérimenté qui dirigera la défense de la petite ville; c’est en l’occurrence Jean Amiel, habitant du lieu, qui se propose spontanément pour assurer cette tâche. C’est peut-être le même Jean Amiel indiqué alors Capitaine d’armes qui sera établi quelques années plus tard, en 1363, Capitaine du Château de Comigne (dans la même région) non plus pour se prémunir d’éventuelles nouvelles tournées de pillage anglaises, (la Paix de Brétigny de 1360 a attribué l’Aquitaine aux envahisseurs, le Prince Noir devient Duc d’Aquitaine) mais parce que des bandes de pillards se mirent à écumer la région. Il faudra encore un siècle de luttes (désastre d’Azincourt… chevauchée de Jeanne d’Arc …) pour arriver enfin ‘à bouter’ les Anglais hors de notre pays. Et la Renaissance venue d’Italie avec notamment le roi François Ier pourra alors s’épanouir, mettre fin au moyen-âge, ouvrir de nouveaux horizons … et préparer ainsi les temps modernes, je n’y reviens pas! La vie quotidienne va pouvoir elle aussi renaître dans les campagnes comme dans les villes. On voit par exemple à Villegailhenc, petit bourg proche de Carcassonne, en 1546, le sieur Pierre Amiel propriétaire du Logis de la Pomme (sur le chemin de Mazamet et qui existe toujours) offrir à la paroisse l’unique cloche qui rythmera toute seule la vie du village jusqu’en …1883 par un ‘sol naturel’. Pour la petite histoire le carillon qui lui sera alors adjoint comportera une cloche donnant, elle, le ‘la naturel’ dont le parrain fut André Amiel, l’organiste de l’église, pour le remercier de ses services et pour marraine, son épouse, Augusta Amiel-Lapeyre (poétesse). Ces derniers seront les parents de Denys Amiel (dont je vous parlerai bien un jour), écrivain de théâtre.
Il faut bien s’arrêter à ce tournant de la vie des français que fut la Révolution de 1789. On rédigea alors dans tout le pays les « cahiers de doléances » résumant tout ce qui paraissait injuste, anormal, insupportable aux communautés qu’elles soient villageoises ou urbaines; les demandes étaient si fortes et pressantes que les représentants de la majorité des français résolurent de se passer de l’avis des ordres privilégiés pour se constituer en Assemblée Nationale, début du grand bouleversement. Voici un chier de doléances, celui de Biot, rédigé en 1788 sur lequel on lit les noms de Pierre-Joseph Amiel, second consul, Honnoré (sic) Amiel, négociant, Pierre Amiel et enfin Honnoré-Joseph Amiel et dans lequel comme ailleurs on réclame plus de liberté et plus d’égalité entre les citoyens, termes qui resteront dans la devise française jusqu’à nos jours, mais ne sont-ils pas toujours et encore à revendiquer? comme les droits plus sensibles à l’éducation, au travail, au logement, à la protection sociale, à la santé, à la culture …
Le théâtre est un genre culturel qui va se développer aux XVI et XVIIème S. Plus qu’un genre d’expression, ce divertissement à la base va devenir après un moyen d’édification et d’enseignement au moyen-âge, un moyen d’expression, de revendication même qui aura totalement sa place durant les révolutions par exemple. Un lexique des troupes de comédiens du XVIIIème S. (in « La vie théâtrale en Province » M. Fuchs Paris 1933-1944) indique trois Amiel dont le plus remarquable est Pierre-Antoine Amiel qui se trouve dans la troupe de Mme de Montansier, à Versailles en 1778; on le voit peu après poursuivi par ses créanciers puis chef de troupe à Caen (sans doute régisseur itinérant d’une troupe Montansier) en 1781; il débutera un peu plus tard à la Comédie Italienne (1784) et vers 1800 il devient co-directeur du Théâtre Montansier-Variétés à Paris. Il possédait une belle propriété bien meublée et décorée à St Brice (Val d’Oise) mais j’y reviendrai en son temps.
Un mot sur quelques Amiel liés à la musique, autre genre de divertissements; et un instrument, le violon. On connait un luthier fabricant de violons du nom de Francesco Emiliani, il est italien et fut actif à Rome autour des années 1725-1733 et un futur violoniste au début du XVIIème S. (eh oui il est surtout connu comme apprenti violoniste mais il arrivera quand même à jouer comme ses pairs !) du nom de Bernard Amiel ( ses débuts dans la profession valent d’être contés…). Enfin l’Almanach Historique de la Ville de Toulouse (en fait une sorte de bottin de l’époque) indique un « musicien-chanteur » du nom d’Amiel sans plus de précisions, en 1782.
C’est avec la culture que nous reprendrons notre visite parmi les Amiel des anciens temps, alors qu’il n’y avait pas beaucoup de facilités pour vivre une vie moderne bien différente des quelques siècles précédents. Mais les XIX et XXème siècles ont mis un coup d’accélérateur proportionnel aux découvertes (techniques, scientifiques, industrieles) réalisées; quant au XXIème dans lequel nous sommes tous embarqués même si nous sommes sans doute mal placés pour le juger, il n’y a pas à être grand clerc pour dire qu’il ne tourne pas très bien, peut-être est-ce dû à la vitesse à laquelle nous le faisons passer … et aux découvertes et innovations dont on nous abreuve tous les jours. Regardons le passé et, sans y revenir, tirons-en quelque enseignement, c’est tout ce que je vous souhaite en me lisant!
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Avant de poursuivre sur ce vaste sujet une précision concernant Arnaud Amiel, poète dont j’ai cité le nom dernièrement: Sa biographie dit qu’il était « de langue provençale » et non strictement provençal; il était un gentilhomme de Ribérac en Périgord (à l’ouest de Périgueux) et l’Hist. Génér. du Languedoc (T. V L. 20) nous précise qu’il abandonna les lettres pour se faire jongleur (de mots) dans cette belle langue dont je vous ai souvent parlé mais dans les temps de nos savants bénédictins elle n’était qu’un vulgaire patois, une langue de rustres, de paysans, de pauvres bougres …Nostradamus le provençal a écrit sa vie.
S’agissant de poursuivre le tour d’horizon des Amiel de l’Ancien Régime, je débuterai par le plus lointain ascendant du grand homme suisse dont j’ai résumé la vie dans le premier article de la présente série, Henri-Frédéric Amiel; Il s’agit de son bisaïeul Jean Amiel. Ce protestant était né à Castres (Tarn) en 1708 et exerçait dans cette ville le métier de bonnetier. Il en partit vers 1730-35 en raison de sa religion qui, on l’a vu, n’était pas en ‘odeur de sainteté’ surtout après la révocation de l’Edit de Nantes (par Louis XIV en 1685). Il partit s’installer durablement en Suisse où il est naturalisé en 1743 et meurt à Noyon en 1780. Son épouse Charlotte Morel, était castraise comme lui; elle lui donna un fils, Jean mais cette première descendance s’éteint au début du XIXè S. Il se remariera avec une Vaudoise (canton de Vaud) dont la descendance aboutira à notre diariste et philosophe moraliste genevois. Un Sébastien Amiel, natif de Graveson en Provence, colporteur va, lui, s’installer dans les Caraïbes, sur l’île de St Domingue; il était fils, de Guillaume, marchand apothicaire (pharmacien et épicier!) (cf « Généalogie Haute-Caraïbe » Bulletin 94 Juin 1997). Mais tous les Amiel ne furent pas protestants, beaucoup sont restés en France comme cet affairiste et financier du nom de Jacques Amiel, mort en 1751, co-propriétaire, actionnaire de la Société Girardon-Amiel et Feyt qui possédait des capitaux importants ou cet avocat bitterois Jean-Baptiste Amiel, qui n’hésita pas à se proposer comme Maire de Béziers en 1734 car « bon sujet, agréable à l’évêque sans être fort accrédité » mais la vente de l’office lui échappa (eh oui, tous les postes ‘administratifs’ s’achetaient en ce siècle de tous les excès qui finit par la Révolution!); son fils peut-être fut notaire dans le même lieu de 1744 à 1756 (tout s’achète encore une fois alors). Il y avait quand même des gens plus désintéressés comme Louis Amiel à qui l’on donne la qualité de Maître, curé aisé de Ginestas (Aude) au XVIIè S. qui commande ni plus ni moins la réalisation du retable de l’autel majeur de cette église dont le tabernacle à Jean Noireau; ce dernier devra être réalisé en bois de ’tilh’ (tilleul). Il veut aussi une toile représentant St Louis: c’est son visage à la barbe grise, pense-t-on, qui sera peint par l’artiste, Lavergne pour figurer celui du saint (et du roi). Le mécénat n’implique pas plus l’anonymat que l’humilité: Il fait peindre sur le retable ses armes dites ‘parlantes’ (correspondant phonétiquement à son nom, ce qui nous intéresse au plus haut point et on y reviendra) : « Sous trois étoiles d’or, en chef, le cadavre du lion de Samson au-dessus duquel volent des abeilles, appelées encore des ‘mouches à miel ». Ces armoiries, toujours visibles de nos jours, sont disposées sur les colonnes, surmontées de têtes d’ange, entourées de cordons et de deux glands mais sans chapeau (Louis Amiel n’est quand même pas une dignité épiscopale, mais peu s’en faut!)(ref « Monuments Historiques de la France » n°s 9. 10 Caisse des Monum. Hist. et des Sites 1963 Paris).Mais il ne verra pas sa commande avant sa mort puisque le retable ne fut exécuté et reçu que vingt ans plus tard par l’un de ses proches sans doute, du nom de Pol (sic) Amiel.
Restons dans les arts en passant du côté des artistes; un peintre de Montpellier du nom de Peyre Amiel (Pierre) a peu laissé de traces; on sait juste qu’il pratiquait ce métier (‘penheyre’ en occitan) et qu’il fut reçu « citoyen de Montpellier » en 1423 en récompense apparemment d’ornements dont il para la ville vers 1420.(cf « Diction. histor. et raisonné des peintres de toutes les écoles … » A. Siret Vol 1). Quant à cet Hamiel dont nous n’avons que l’initiale du prénom, ‘A‘, sa période d’activité, entre le XV et le XVIè S., sa nationalité, « tudesque » soit germanique, et son domaine, le dessin, que nous a-t-il laissé? Il pourrait être le même que cet Antoine Frédéric Amiel, peintre de l’Ecole Italienne qui aurait travaillé à Bologne et qui fut l’élève de César Gennari (voir rèf préc.). Quid de Bernard Amiel, maître-peintre de la Ville de Toulouse, Bayle de la Maîtrise (chef du métier) en 1618? Il a notamment peint outre les portraits des Capitouls le portrait du Cardinal François de Joyeuse Archevêque de Toulouse. Nous savons qu’il eut à se plaindre avec quatre de ses collègues aux Capitouls, en 1623, du ‘despotisme et de la négligence’ des deux baillis du métier (responsables de la corporation) qui n’avaient pas fait procéder à l’élection de leurs successeurs, selon les règlements en vigueur. Toujours à Toulouse mais à la fin du XVè S. on note la présence de Amiel de Fontmelha qui exerçait le délicat métier d’orfèvre; sa fille prénommée Guillaumette épousa le fils d’un argentier de la rue des …Argentières. Le système des corporations avait bien d’avantages que la Révolution a supprimé. Dans le même secteur citons Michel Lamiel, enlumineur et Guillaume Amiel, graveur tous deux à Paris, à la fin du XVIIè S. et François-Roustan Amiel, reçu Maître-Orfèvre pour la ville d’Hyères (Var) pour avoir exécuté pour chef- d’oeuvre « une cuiller à encre ». Un architecte luxembourgeois du nom de Jean Amilius (il y a encore des Hamilius au Luxembourg de nos jours) est connu pour avoir avant 1422 (date à laquelle il devient Maître des Oeuvres du Duc de Bourgogne) établi les plans de la Tour Notre-Dame de la Cathédrale d’Anvers (Belgique) édifice remarquable par sa hauteur (466 pieds soit quelques pieds de moins que la tour de celle de Strasbourg!), par son horloge dont le cadran a 90 pieds de circonférence et dont le carillon contient 33 grosses cloches plus deux carillons complets!! Par Amilius ou Amelius on doit peut-être voir un pseudonyme latinisé à la manière de ce temps (comme on l’a vu précédemment); de plus ce surnom était suivi par l’appellation d’origine (non contrôlée!) Bononiensis (de Boulogne (France) ou Bologne (Italie)?). Son nom véritable a été Appelman, Appel faisant penser phonétiquement à Amel (rappel: nom courant en Belgique racine d’ Amelius), soit l’homme Amel, Amelius. Dans le même genre Jean Ameil, Maître d’Oeuvres de La Lande (Vendée) il construisit l’église de Cours (Deux-Sèvres) en 1550. On lui attribue l’église de St Antoine de La Lande, à Parthenay, bâtie à la même époque et qui lui est semblable à plusieurs égards. Enfin un Amiel fut Inspecteur des Travaux Publics du Diocèse d’Alais (Alès, Gard) en 1775. Ne quittons pas la construction avec Barthélémy Amiel, Maître Charpentier à Béziers en 1678 ou toujours à Béziers, Guillaume, Maître Menuisier en 1726. Jean Amiel fut, lui, le Maître d’Oeuvre Maçon d’au moins deux édifices de la petite ville de St Antonin Noble-Val au XVIIè S; il bâtit le beau pont sur l’Aveyron et le Temple Protestant; au même endroit, il y eut aussi Isaac Amiel qui fut sculpteur voire entrepreneur du Couvent des Genofévains (actuelle Mairie), il travailla aussi au Temple et à l’église (médaillons et clef de voûte).
Pour la suite, il faudra lire un prochain article, il y a tant à vous dire sur ces Amiel de l’ombre dont il me semble utile sinon nécessaire de brosser bien trop rapidement à mon gré un court portrait; ils ont autant fait l’histoire que leurs homonymes plus notoires; nous sommes quelque part les héritiers des uns comme des autres.
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Je ne vous ai parlé jusqu’ici que des Ameli-Amiel connus grâce à la « politique locale » quelle soit civile ou religieuse, mais les quelques treize siècles du moyen-âge nous ont aussi laissé les noms de personnes plus ‘ordinaires’ voire même en marge de la société, en tous cas les exemples qui vont suivre donnent, je pense, un aperçu de la vie sociale qui a rythmé la vie de tout ce temps.
Il n’est qu’à consulter pour commencer des recueils d’actes anciens comme les cartulaires ou des répertoires; au haut moyen-âge, dans le Vicariat de Malves ( « in Carcassonna civitate », petite circonscription proche de la ville de Carcassonne) voici les noms Ameliens que l’on trouve: Poncius Amieli (Pons) et son fils Pere (Pierre), Bernardi Amelii, Amelii tout court, Amelii Carbonelli (le charbonnier), Amelii Faber (le fabricant ou l’ouvrier), un Amei (qui a perdu un ‘l’), Stevan (Stephanus) Amelii, Guillem Amei de Serad (du lieu de ce nom); tous ces hommes sont cités sur un même acte concernant des dons de terres à l’église cathédrale St Nazaire de Carcassonne par l’évêque Arnaldus, acte signé par ce dernier mais aussi par quelques hauts personnages de la région dont Ameli de Carcassonna, l’an 1095 de l’Incarnation (de notre ère commençant à la naissance de Jésus). On remarquera que ces noms encore latins ne sont encore ni fixés dans l’ordre prénom-nom, ni dans l’orthographe, ni dans même le respect de la formation des noms correspondant à la langue latine.
Une liste de petits nobles ou simples chevaliers, recouvrant les zones géographiques traditionnelles des Amiel donne elle, une idée des noms dorénavant utilisés à partir du XIIèmeS.: Amiel de Bras, du Luc en Provence; Amiel d’Agout, damoiseau (chevalier en devenir), co-seigneur de divers lieux en Provence au début du XVè S.; Amiel d’Albertas famille provençale des XV et XVIèmes S.; Amiel de Vilar, seigneur de St Michel de Lanès (Aude), au début du XIVè S.; Amiel de Pujol, petit noble du côté d’Alos (Provence) au début du XIIIè S.; Amiel Ignace de Barrigue, seigneur de Fontainieu (Provence); Amiel Giozelas, de la fin du XIIIè S. auquels il faut ajouter ici les Amiel de Tréville, bourgeois de Toulouse dont ils furent régulièrement Capitouls (sortes de conseillers municipaux) seigneurs de ce petit coin du Lauragais dont il prirent le nom par suite du mariage de l’un d’eux avec une damoiselle qui en hérita. C’est sans doute le cas de nombre de ceux dont les noms précèdent ces derniers. On remarquera là pourquoi la particule ‘de’ devint la marque distinctive des nobles au fur et à mesure des siècles, faisant référence à leurs possessions principales, alors qu’ils n’en ont pas l’exclusivité; nombre de roturiers ont aussi leur nom patronymique formé avec ‘de’ suivi du toponyme de leur lieu de naissance ou de vie.
Voici une liste de soldats faisant référence à neuf actes trouvés à l’Hôtel National des Invalides à Paris (fondé par Louis XIV) concernant neuf Amiel qui y ont séjourné aux XVII et XVIIIèmes S. Jean Amielle dit La Jeunesse né à Montségur (Pays de Foix), qui s’y trouve en 1696, mais qui trouvant sans doute le temps long est déserteur en 1712; Pierre Amiel dit Pierrot de Narbonne, tambour (c’est son état militaire pas mental!) sera pensionnaire de 1713 jusqu’en 1750 (!) date de sa mort; Honoré Amiel, de Digne-les-Bains en 1692, Balthazard Amiel dit Belhumeur, né près de Riez (Provence), décoré, y passe les dernières années de sa vie, de 1781 à 1788; François Amiel dit La Douceur, de Toulouse (St Sernin); Jean Amiel de Villesèque (-lande, près de Carcassonne); un autre François Amiel, de Labastide (? en Ariège); Joseph Amiel, de Vinça (Pyrénées Orientales); Jean Amiel, de Carcassonne (St Michel). On voit enfin ici les noms formés et écrits de façon moderne; il faut noter toutefois qu’en ces temps où il n’existe pas encore de signes distinctifs individuels (photos, empreintes digitales, documents d’authentification de l’identité) alors que la population s’est accrue, il est nécessaire de recourir, une fois de plus dans l’histoire, aux surnoms, procédure qui existe encore de nos jours mais qui est du fait des progrès réalisés, tombée en désuétude. Rappelons ici que certains patronymes sont à l’origine des surnoms eux-mêmes (métiers, qualités, défauts, signes distinctifs …), relisez le début du présent article!
Enfin des registres protestants conservés au Musée du Protestantisme de Ferrières (Tarn), offrent les noms de onze Amiel dont trois au XVIIIè, tous originaires de la contrée.
Mais entrons vraiment dans le vif du sujet après ces considérations linguistiques qui me semblaient utiles. A part le menu peuple dont nous avons parlé à l’occasion de la période ‘cathare’ notamment, il y a cette catégorie de la population qui n’est ni noble ni cléricale, mais qui prendra de l’importance au fil des siècles, allant même jusqu’à acheter des charges (et des titres) d’abord, puis exigeant des pouvoirs (aboutissant à la Révolution de 1789), je veux parler des bourgeois; ces familles qui, à force de travail opiniâtre sur plusieurs générations souvent, ont réussi à gagner beaucoup d’argent; en tous cas suffisamment pour pouvoir en remontrer aux classes supérieures et exiger d’elles une place dans la haute société. L’exemple en la matière peut être trouvé en Guillaume Amiel, bourgeois de Montauban (Tarn-et-Gar.) qui s’enrichit avec le commerce des vins (notamment ceux de Gaillac) avec l’Angleterre. Il lègue par son testament de 1268 ses créances anglaises à son neveu, le veinard! Par la cooptation des capitouls son ‘éclat’ financier lui permet de ménager à sa famille un certain pouvoir local; ses descendants vont constituer une véritable dynastie gouvernante de cette ville. Ceci d’autant plus qu’il ne lésinera pas sur les affectations de sa fortune: Il fonde en 1266 un nouvel hospice et y associe ses collègues capitouls pour sa gestion; bien entendu cet établissement porta son patronyme. Pour ce sujet on ne sera pas surpris de trouver certains Amiel d’origine juive; Narbonne, on l’a déjà noté, eut au moyen-âge une importante communauté hébraïque; de même en Provence, en Arles, on trouve les noms de Guillaume et Jacques Amiel, fils de Charles Amiel, damoiseau d’Arles, « Cresque des Enfants (éducateur?), juif et neveu de Salomon… »(cf « Revue des Etudes Juives » collectif 1974); en Espagne enfin, à Epila (Aragon), vivait au XVè S. Abraham Amiello dont le nom nous est connu par le testament de son épouse (1462) en sa faveur sous réserve qu’il paye durant dix ans « cuatro dineros annales para las lamparas de la sinagoga »(cf « La villa aragonesa de Epila en el siglo XV » Marin).
Tous ces documents cités ont le plus souvent été enregistrés (et conservés) par des notaires ou des agents publics (seigneuries, villes, diocèses, sénéchaussées…) dont certains Amiel bien entendu dont il serait fastidieux de vous donner les noms mais sachez que l’on en trouve dans tous ces domaines et pour toutes les périodes.
Autre domaine, celui de l’esprit; je ne vous reparlerai pas de Gausbert Amiel qui fut troubadour de profession et dont l’exacte cadence des vers était vantée mais je dois citer ici Arnaud d’Amiel, poète provençal de la deuxième moitié du XIIIème S. et Guilhem Amelier, de Toulouse, troubadour du XIIème. Ce dernier a laissé des ‘sirventes’ adressés au Comte d’Astarac contre les moeurs du siècle, sur la décadence de la noblesse et de la jonglerie, sur la tyrannie et l’avarice des seigneurs, contre le clergé et les moines…un véritable discours de révolutionnaire. « Ces pièces, plus hardies (!) que spirituelles donnent de curieux détails sur les moeurs du temps » dit le commentateur (cf « L’Univers. Dictionnaire Encyclopédique de la France T.1 Didot Paris 1860).
Il y a ensuite ceux qui soignent le corps, là aussi je ne vais pas passer en revue tous les Amiel que j’ai trouvé dans ce domaine, je citerai seulement Romain Amiel, né à Riez, près de Toulon, qui durant les temps révolutionnaires est passé chez les anglais et devint donc un ‘surgeon’s mate’, en Novembre 1794. On sait que Toulon fut occupé temporairement par les anglais durant la Terreur; il est peut-être passé à l’ennemi avec sa famille alors, ou il était tout simplement d’une famille notable; ce qui est certain c’est qu’il s’agit d’une exception notable en ce temps-là en ce qui concerne les médecins anglais.(cf « Advancing with the army: medicine, the professions, and social mobility in the British Isles 1790-1850″ M. Ackroyd & all. Univ. Oxford 2006). Deux siècles auparavant exerçait Jean Aemilianus, mèdecin de Ferrare (Italie) qui a laissé un curieux traité sur les ruminants: « Naturalis de ruminantibus historia » imprimé à Venise en 1584. A l’époque post-révolutionnaire on peut citer Antoine Amiel, l’un des premiers chirurgiens de cette époque à Toulouse qui fut professeur à l’Ecole de Mèdecine et qui vécut de 1779 à 1842. Dans le même secteur, l’apothicaire Jean Amiel qui exerçait aussi à Toulouse mais bien plus tôt, en 1632. Sa pharmacie fut ensuite tenue par son fils Louis qui a aussi le titre de docteur en mèdecine. Située 24, rue des Couteliers ce fut ensuite la Pharmacie Lahens (à partir de 1788), pharmacie toujours présente au XXème S!
La suite au prochain numéro où nous parlerons des artistes, écrivains,hommes à tout faire des grands, quelques Amiel de langue anglaise, artisans et faits divers, toujours de façon succincte.
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Les saints ont avantageusement contribué à la propagation et à l’installation durable de l’Eglise Catholique en Europe; c’est particulièrement vrai pour les pays où le protestantisme eut lui plus de mal à s’y implanter (Espagne, Italie) où à s’y développer (France). Et sans doute dans ces pays leur culte y était-il plus profondément ancré, correspondant à un certain penchant atavique pour ce genre religieux, souvent très démonstratif, faisant appel aux mouvements de groupe voire de foule pour s’exprimer pleinement; on le voit encore très clairement de nos jours en Espagne ou en Italie, plus rarement en France. Et l’exemple de nos trois saints aemiliens corroborent tout à fait ces remarques: si en France on a totalement oublié (ou presque) l’évêque de Nantes, en revanche en Espagne vous verrez que le saint à la capuche est toujours vénéré et en Italie le clerc de Somasque continue à inspirer l’éducation des clercs de sa congrégation.
Dans l’ordre d’apparition à l’image pourrait-on dire si nous étions dans un film chronologique historique, il nous faut aller du coté de Logrono, en Espagne, dans la province de la Rioja (au sud de la Navarre) et remonter jusqu’au troisième quart du Vème S. soit en 474. Il va naître dans cette région un aemilien qui va devenir l’un des religieux les plus célèbres et les plus populaires de ce pays. Nous connaissons sa vie grâce à un autre saint du nom de Braulion qui fut évêque de Saragosse au VIIème S. et qui l’a rédigée moins d’un siècle plus tard. Voici en résumé ce qu’il nous apprend: D’abord berger dans les montagnes de La Rioja, sa région de naissance, en Aragon, il cherchait toujours les gorges les plus sauvages pour y faire paître ses troupeaux, et « tout en charmant sa solitude par les sons de sa guitare, il apprît à y ouvrir son âme aux accords célestes » c’est St Braulion qui parle. Il se fit ensuite pendant quarante ans ermite et enfin moine puis abbé sous la règle de St Benoît. Bien entendu il fit des miracles et sa vie austère subjuga (séduit) les Suèves ainsi que lesWisigoths (les Suèves ont précédé les Wisigoths en Galice au début du Vème S. et furent vaincus par eux en 585),(ref: « Vie de St Emilien par St Braulio … Act. SS. O.B, T.I p.197). On sait que, sur un plan plus ‘politique’, l’ermite wisigoth eut, pour subsister (tout homme fut-il saint doit se substanter!), des liens avec un ‘potens’ (puissant) qui, de son côté trouva par là une occasion répétée de don ostentatoire qui ne pouvait que lui servir avantageusement et à peu de frais; il s’agit du sénateur Honorius: Aemilius ‘purgea’ sa maison d’un démon (élimina), purge dont il fut remercié par « l’envoi de voitures » chargées de nourriture, livraison qui fut sans doute renouvelée régulièrement et dont ont dû profiter pas mal de ‘voisins’ dudit ermite. C’était en quelque sorte un échange de bons procédés, le sénateur devenant par là très connu et atteignant de ce fait les plus hautes sphères de la nouvelle société qui se mettait alors en place. Mais la notoriété véritable de notre saint homme ne se mettra véritablement en place qu’au XIIIè S. avec sa « militarisation » elle aussi politique. Entre-temps un monastère bénédictin se développera dans lequel on cultivera notamment les lettres, comme on le verra. Mais revenons à cette militarisation: On voit notre Aemilius intervenir aux côtés du fameux Santiago (St Jacques de Compostelle) lors de la bataille de Clavijo ( en 934 selon un faux ‘Privilège des voeux’ calqué sur celui de St Jacques); bataille qui voit la défaite du calife Abd-El-Rahmân face au roi de Léon, Ramire II. Cette histoire est d’ailleurs reprise par la « Vida de San Millan » de Gonzalo de Berceo (avant 1236?). Il est donc très connu en Espagne et sous le nom de San Millan de la Cogolla (capuche), c’est aussi le nom éponyme de la localité où il mourut vers l’âge très canonique (au propre comme au figuré), exceptionnel pour l’époque, de cent ans, vers 574. Le monastère lui est connu pour ses « Codex Aemilianenses » notamment celui du 13 Juin 964 et le codex Aem. 60 de 975 (ou 997): ce sont les plus anciens documents en langues castillane (espagnol) et basque. Le second cité étant riche en annotations, explications et autres ‘gloses’ ce qui explique l’expression utilisée à leur sujet de « Gloses Aemiliennes ». Un très grand saint espagnol donc.
Retour en France et direction Nantes, à l’embouchure de la Loire, environ un siècle après la mort du saint ‘à la capuche’, vers 675. Il nait alors un certain Aemilius dans une noble famille d’origine gallo-romaine illustre à Nantes dit l’hagiographe. Vers 710-720 le jeune Comes Emilien (Comte) de Nantes (qui succède curieusement à un certain Amelon de sa famille peut-être?) est comme son prédécesseur également l’évêque au même siège. C’est alors l’époque des invasions musulmanes venues par l’Espagne (on les appelait les Sarrazins) et elles avaient atteint les régions de Bourgogne: comment arrêter ce désastre autant religieux que politique? Voilà notre Aemilius décidé à agir de son propre chef; Milian (aussi appelé encore Umilian, en référence à son humilité?), enfin bref, Aemilien va conduire une véritable armée bretonne à l’assaut de ces infidèles (le qualificatif peut leur être retourné dans le cas où nous sommes). Cette véritable « Croisade » avant la lettre va amener ces soldats du Christ, en longeant la Loire, jusqu’à Autun, cette vieille ville gallo-romaine située en Bourgogne. Il est sans doute le premier représentant de l’Eglise à organiser et mener une telle entreprise religieuse armée, organisation pour laquelle il prêcha auparavant auprès de ses ouailles la nécessité afin de sacraliser cette tâche armée. Se joignant à l’armée civile de Charles Martel, le futur vainqueur de ces Arabes à Poitiers (en 732 pour mémoire) il périt malheureusement au cours d’une bataille sous les murs d’Autun avec St Médard et peut-être avec ses huit fils (je répète que les évêques pouvaient alors se marier et avoir une descendance). Ce dernier évènement l’a fait surnommer « le nouveau Macchabée » (rappel de l’Ancien Testament, Livre des Martyrs d’Israël) ce qui lui donna au moyen-âge une gloire très spécifique bien oubliée de nos jours. Le lieu de sa mort conserve le souvenir de son sacrifice, il s’agit de la localité de Saint Emiland (auparavant nommée St Jean-de-Luze (non il n’y a pas d’erreur, rien à voir avec la cité éponyme, consonnantiquement parlant, de la Côte Basque). La région de Sens (dont dépendait Autun) conserve d’autres toponymes commémorant le même saint homme tels que Montmiliant à Voisines ou la chapelle de St Emiland à Tanlay. Sa région d’origine ne l’a pas non plus oublié, son lieu (supposé) de naissance porte aussi le nom de St Emiland (de Bretagne) seuls ces toponymes rappellent de nos jours sa gloire passée.
Dernier voyage, l’Italie de la fin du XVème S., en Vénétie. Alors que s’épanouit la fastueuse Renaissance italienne, que la République Vénitienne est à son faîte de gloire, Jérôme Emilien, descendant de la vieille famille aristocratique vénitienne des Aemiliani, alors qu’il n’a que quinze ans (vers 1496) doit défendre sa patrie à Castelnuovo (province de Trévise) et il est fait prisonnier par les Allemands. Délivré miraculeusement suite à ses prières à Marie, (via N-D de Trévise), l’illustre descendant des Aemiliani va vivre dans l’humilité et la charité et « ses collègues patriciens dont naguère il marchait l’égal ne le verront plus dans leurs palais » dit son hagiographe. Il vouera dès lors sa vie aux enfants dont les orphelins, (par exemple à l’autre bout de la terre, son ordre est présent aux Philippines, Collège de Sorgoson) et aux malades incurables. Après avoir fondé plusieurs maisons de son vivant, il fixa la règle de l’Ordre qu’il fonda, La Congrégation des Clercs Réguliers de Somasque, ordre bien vivant encore de nos jours et qui continue sa vocation d’enseignement en Italie et dans le monde surtout dans les pays démunis à ce sujet. Une fois son oeuvre pleinement réalisée il se retire en ermite dans uns grotte de Somasque, près de Bergame. Il y découvre une source miraculeuse qui guérit (c’est souvent le cas). Mais à la suite d’une épidémie il meurt à cinquante-six ans en 1537 (il serait donc né en 1481). Toujours honoré de par le monde et en Italie, son oeuvre si utile continue à bénéficier à beaucoup d’enfants.
Nous quitterons ici le domaine strictement religieux pour nous intéresser à la vie ordinaire des Amelius-Amiel durant tout l’Ancien Régime à travers leurs professions diverses, faits divers etc…donnant un aperçu rapide de ce qui a fait la vie sociale durant des siècles, alors que les changements n’étaient certainement pas aussi rapides que de nos jours, même si l’on ne peut nier qu’elle a évolué, mais à un rythme bien plus à la mesure de l’homme.
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La Renaissance dont nous avons vu les caractéristiques générales vit donc l’Eglise de Rome entreprendre une contre-offensive avec de nouvelles armes dont le but était d’éliminer les idées nouvelles du Protestantisme. Le fameux Concile de Trente eut à organiser la mise en pratique de la contre-réforme. Parmi les nombreuses idées appliquées figure le culte rénové des reliques des saints: glorification de leurs actes, diffusion de leurs « Vies », fêtes et processions, pèlerinages (et indulgences à la clé!), béatifications et sanctifications nouvelles, nouvelles reliques puisées aux Catacombes de Rome (des Martyrs des temps apostoliques) les Saints et Bienheureux furent largement mis à contribution pour redorer (le mot n’est pas trop fort, vu le luxe ostentatoire montré alors dans les églises, y compris souvent les plus humbles ou reculées) la renommée (au sens ancien) de l’Eglise Catholique et Romaine. Et c’est l’occasion pour moi de vous parler de ces saints aemiliens qui furent redécouverts alors; je dis bien des saints des premiers siècles, ceux dont le nom même était aemilien (et non ceux dont le prénom fut émilien, Emile, hors de mon propos), ceux qui ont vécu avant le XIème siècle dirons-nous. S’y ajouteront toutefois ceux dont le nom patronymique est aemilien, ce qui me semble logique. Ainsi il y a lieu par exemple de distinguer St Aemilien de Trévi (du IIIè-IVè S.) dont nous verrons quelques traits, de St Emilien de Faenza qui vécut au XVè S. dans le même Trévi et dont il n’y a pas lieu de parler: vous me suivez!
Et nous commencerons par cet Aemilien de Trévi: Arménien de naissance (IIIè S.) il vînt prêcher l’évangile à Spolète et devînt évèque de Trévi en Ombrie (Italie); pour certains hagiographes (auteurs de vies de saints), il fut martyr avec ses amis Denis et Sébastien en 302, et est honoré en tant que tel depuis le IVè S. à Trévi. Un siècle auparavant eut lieu le martyr des Saint Aemilius et Castus, sous le règne de Septime Sévère, en Tunisie, à Carthage. Arrêtés durant la persécution de Dèce, ils furent suppliciés et se rétractèrent une première fois. Mais ils se ressaisirent et affirmèrent alors leur foi devant le juge avec un grand courage dit St Cyprien, et furent brûlés vifs (les croisés cathares n’ont donc rien inventé à ce sujet). Outre St Cyprien, St Augustin (qui fut leur contemporain) fit aussi leur éloge. Leur martyr eut lieu vers 250. Peu après et dans la même région eut lieu le martyr d’Aemilianus, chevalier romain, arrêté aux environs de Constantine et qui périt à Lambèse avec Jacobus et Marianus, sous Valérien, en 257. Plus détaillé est le martyr de Aemilianus qui eut lieu à Dorostore, en Thrace (confins de la Grèce, Turquie d’Europe et Bulgarie) au IVème S. sous l’empereur Julien l’Apostat. Il n’était qu’un jeune soldat romain lorsqu’il pénétra dans le temple païen, renversa l’autel, brisa les idoles statufiées et jeta au vent les entrailles des victimes du culte et les libations (offrandes liquides). Il vînt lui-même se livrer , le délit étant évident, le procès ne fut pas long. Sur ordre du vicaire du Capitole local il fut frappé toute une journée à coups de nerfs de boeuf et enfin jeté dans une fournaise. Sa jeunesse, son courage, la noblesse de ses aveux, l’horreur de son supplice enfin, tout en fît aussitôt le héros chrétien par excellence: « les magistrats de Julien n’avaient vu que la loi violée, les peuples ne virent que la foi vengée » dirent les chroniques (cf St Jérome, « Chron. »; « Chron. Alex. p 590; Théophane, « Chronographie », ed Bonn 1839). La disproportion entre un si affreux supplice et un si léger tort fit de Saint Aemilien pour l’Eglise, un véritable martyr (cf « L’Eglise dans l’Empire Romain au IVème S. » Part II A. de Broglie Didier Paris 1862). Il est honoré dans le rite slave de l’Eglise Orthodoxe sous le nom grec d’Aimilianos, tout comme cet évêque de Cyzique et du Propontis martyr du même nom. A la fin du Vème S. alors que les Vandales avaient conquis aux Romains la Byzacène (Tunisie), et que ceux-ci n’étaient pas christianisés, les chrétiens, pourtant autorisés à pratiquer leur culte depuis plus d’un siècle selon les lois romaines, eurent à subir des vexations de la part des nouveaux occupants. Ce fut le cas d’Aemilius de Vite, aussi appelé Amiel quelquefois (bien que je le répète il n’y a pas de St Amiel en tant qu’ amielien). Il était un mèdecin âgé et eut son sang répandu en 484 sous le règne du roi Huméric, avec plusieurs autres chrétiens dont Ste Denise et son fils Majoric car ils avaient tous décidé de rester fermes dans leur foi. L’Empire Romain d’Occident prend l’eau de toutes parts en cette fin du Vème S. on l’a vu, et notamment en Europe. L’Europe continentale voit les peuples anglo-saxons déferler et s’installer au sud du Rhin et du Danube, l’Espagne va avoir la présence wisigothe chrétienne pendant deux siècles mais succombera à la déferlante arabe et musulmane. Et les persécutions anti-chrétiennes reprirent bien entendu. Ainsi un diacre du nom d’Aemilius fut martyr avec St Jérémie lors de la persécution du roi (ou calife) Abd-El-Rahman en 852. Un autre Aemilius fut martyr en Sardaigne avec St Lucien et deux autres chrétiens.
Dans une deuxième partie nous verrons trois grands saints aemiliens, l’un espagnol, le deuxième français, le dernier italien, chacun ayant marqué l’histoire de son pays de façon différente mais toujours instructive.
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L’essor de l’imprimerie à la Renaissance va favoriser la diffusion du savoir, des idées dans toute l’Europe dans la langue internationale de l’époque (elle l’est depuis mille ans alors!) le latin. On l’a vu les noms des auteurs vont aussi être soit traduits dans cette langue antique soit empruntés comme pseudonymes à l’Antiquité. La religion dite protestante saura particulièrement en tirer bénéfice pour sa diffusion rapide sur une grande partie du continent, relayée pour sa diffusion extra-continentale par les voyageurs de commerce que cette nouvelle façon d’être chrétien avait séduit: au catholicisme privilégiant l’ostentation , le culte des reliques, l’égalité de tous dans le peuple de Dieu, la hiérarchie ecclésiale et la nécessité du filtre de l’ Eglise pour atteindre la divinité, le protestantisme proclamait la simplicité, l’accès direct et individuel à Dieu, le rejet du décorum et des reliques, une certaine liberté de culte favorisant un épanouissement religieux individuel et dans la vie de tous les jours un certain volontarisme individuel commercial, industriel, technique, financier, palpable jusqu’à nos jours dans ces mêmes domaines. On ne sera pas donc surpris de trouver parmi tous les Amilius de cette époque, plusieurs protestants…
A commencer par Georg Aemilius (1517-1569) pseudonyme de Georgius Aemilius Oemler (d’après le Lexicon Pseudonymorum de Emil Weller). Il était allemand et eut comme beaucoup de lettrés de son époque plusieurs cordes à son arc: botaniste, pédagogue, mais surtout théologien réformateur protestant. Il a une notoriété certaine (cité dans les Archives d’Histoire de la Réforme, dans le Dictionnaire de la Littérature Allemande de H-G Roloff et le Dictionnaire de Littérature de W Killy. Il n’est pas le même que cet homonyme, allemand lui aussi mais de la génération antérieure, jurisconsulte (spécialiste du droit), qui fut professeur de droit à Fribourg-en-Brisgau et le père de Martin Amelius né au même endroit en 1526 Docteur en Droit Civil et Canonique de l’Université de Vienne, protégé de l’Empereur Ferdinand. Il devint ensuite Chancelier de Bade, se mêla d’architecture (il bâtit de nombreuses demeures et la forteresse de Niefernbourg). On sait aussi que cet éclectique personnage écrivit vers 1556 des oeuvres de la réforme. (cf Dictionnaire de Moreri T. 1). Devant la déferlante protestante la vieille Eglise Catholique et Romaine se devait de réagir: Il y eut la Contre-Réforme et aussi l’Inquisition, cette fameuse justice religieuse instaurée au moyen-âge, rappelez-vous, à l’occasion de la trop célèbre croisade albigeoise (contagion à éradiquer par l’élimination comme la peste), il y eut surtout la « mise à l’index » (non on n’était pas « montré du doigt » il s’agissait de l’interdiction de certains écrits comme étant attentatoires aux croyances officielles de l’église de Rome) créée pour l’occasion nouvelle (on avait déjà bien compris l’influence, mauvaise pour le cas, des livres). Cette mise à l’index se traduit par des listes de livres et d’auteurs interdits et les premiers dont nous ayons les noms parmi ceux qui nous intéressent sont notre Georg Aemilius le premier cité ci-dessus; il fut condamné à cette peine de Rome en 1554. Il mériterait plus ample développement, une autre fois! Condamné peu de temps ensuite Alphonsus Aemilius, pseudonyme de Alphonsus Sébastus, pour ses écrits eux aussi réformateurs, entre 1559 et 1564.
Mais il y a toujours une vie en dehors de la Réforme. Petit florilège des aemiliens de la société civile de la Renaissance: Hector Aemilius, auteur d’ouvrages de droit de la fin du XVIème S. allemand d’Heidelberg on a souvent réédité son « Tractabus de testibus et universitate … » de droit public. Joannes Amelius, jésuite (nouvel ordre créé pour accompagner la contre-réforme) et belge (pourquoi pas!) connu sous le nom d’Amelen (ça rappelle Amelius tout en ayant une tournure flamande (normal!); il a publié un épitre à Géraldus Mululus avec d’autres textes en 1519 à Paris ainsi qu’un « Alphabetum Sacerdotum » en 1547. Johannes Aemylianus, auteur naturaliste, il a notamment écrit « Naturalis de Ruminantibus historia » publiée à Venise en 1584. Un autre juriste, Nicolaus Aemylius allemand qui présente sa thèse de droit civil et canonique pour l’accès à la dignité de Docteur en 1599. Et puis ce français (il y en a!) du nom de Carolus Aemilius qui fut un traducteur grec-latin de poésies. Ou cet italien Francesco de Aemilis Veronensis, physicien de Parme, plutôt du XVIIéme mais bon!, de la famille peut-être de cet Aemilius correspondant d’Erasme un siècle plus tôt (il lui écrivait de Brescia en 1529) ou encore parent de Paulus Aemilius de Vérone, cet historien de France sous Charles VIII et Louis XII dont je vous ai déjà parlé, à moins que ces derniers ne soient qu’un seul et même personnage car nous savons que ce dernier rencontra le dit Erasme à Paris entre 1495 et 1500. Erasme appréciait ses études et sa piété dans ses lettres et dans son « Ciceronianus ».
La renaissance eut des prolongements jusqu’aux temps modernes, ce XVIIIéme s. ou siècle des Lumières qui aboutira aux libérations des peuples européens mettant un terme plus ou moins radical avec le global « Ancien Régime » regroupant tous les siècles entre la chute de l’Empire Romain et la fin du XVIIIéme S. La langue latine va devenir une langue accessoire, supplantée par les langues nationales et surtout par le français qui sera pour un temps la langue internationale de l’Europe. Les noms de personnes qui s’étaient latinisés à la redécouverte de l’Antiquité et en son hommage vont prendre eux aussi des tournures plus conformes à la langue usitée dans chaque pays.C’est ainsi que nos Aemilius et autres apparentés latinisés vont recouvrer des consonnances plus modernes. On aura quelques attardés en Waramundus Amelius (auteur catholique allemand du XVIIé.) en Théophile Amelius (pseudonyme de Peter Zorn, il a publié en 1711 une étude sur les passages les plus difficiles du Nouveau Testament) ou en François Milianus (jésuite auteur d’une philosophie naturelle publiée à Rome en 1652. Mais nous aurons beaucoup d’Amiel, un seul exemple avec Amiel Prat, notaire de Marseille au début du XVIIéme S. qui est aussi l’auteur de la relation du siège de la ville de 1524, d’après Jean Thierry. Et puis enfin des noms apparentés au notre prouvant la floraison et le bourgeonnement de la langue française; je citerai ici Jean Amelin (ou d’ Amelin) gentilhomme de Sarlat (Lot) lettré qui publia une traduction de Tite-Live ,des ouvrages en vers français et latins (le latin conservera ses lettres de noblesse longtemps encore!) et même une Histoire de France dont Ronsard a parlé. Un dernier l’Abbé Hubert -Pascal d’Ameilhon, érudit, académicien français (1730-1811) de Paris, il fut pourtant un Révolutionnaire pour laquelle il apporta ses connaissances culturelles; il sauva une multitude de bibliothèques privées et religieuses et organisa la fameuse bibliothèque parisienne de L’Arsenal. Mon goût des livres lui doit donc peut-être beaucoup, peut-être est-ce grâceà cet homme courageux, lettré et dont l’abnégation ne peut être mise en doute que je suis à même d’avoir pu trouver tout ce que je vous livre depuis le début.
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Le moyen-âge que l’on dit si obscur n’était pas si opaque que l’on croit; le système féodal qui le caractérise a posé les bases d’organisation politique, religieuse et sociale qui règneront sur l’Europe pendant mille ans. Et même si les progrès techniques, scientifiques, philosophiques sont plutôt au point mort (ils sont si importants de nos jours, peut-être trop!) l’esprit humain est autant à l’oeuvre que dans le passé. Elle se concentre bien sûr dans la théologie (on a vu combien cet aspect de la vie était principal, grave lorsqu’on tentait de quitter la ligne fixée par l’église), dans les abbayes qui concentraient le savoir souvent hérité des anciens âges (les puissants s’adressaient à ces bibliothèques et bibliothécaires lorsqu’une question n’avait pas une réponse), les religieux étaient aussi des aménageurs de l’espace (défrichements, drainages, cultures …), les nobles assurant la sécurité des premiers et de leurs ouailles, entretenant leur réseau de fidélité propre (familiale, régionale) selon la pyramide féodale dans laquelle ils devaient tenir leur rang familial et politique. D’où les grandes familles vivant autour des seigneurs dans leurs châteaux formant leurs cours aimant les grands repas et les amusements (lorsqu’il n’y avait pas de nuage à l’horizon bien sûr!). D’où cette culture basée sur la langue, des trouvères au nord de la Loire utilisant la langue d’oïl, et des troubadours au sud fidèles à la langue d’oc. Je vous parlerai surtout de la langue d’oc vous le devinez sans doute. Soit dit en passant il faut remarquer que le français est balbutiant au moyen-âge, il ne prendra une légère place qu’à la Renaissance et son âge de gloire ne viendra qu’ensuite! Revenons donc à l’occitan, la langue du sud, celle des cathares mais aussi celle de ces poètes aquitains, languedociens et provençaux …que furent les troubadours. Et il en est au moins un que je me dois de vous citer, il s’agit de Gausbert Amiel. Il était un pauvre chevalier gascon courtois et bon en armes; de plus il savait « bien trouver » (les suites poétiques lui venaient facilement); ses vers étaient plus « mesurés » (construits) que tout autre, voilà ce que nous en dit l’Hist. Gén. du Languedoc Tome X. Mais nous n’avons de lui que très peu de son oeuvre, dont « Breu vers per tal » dont j’aurai bien l’heur de vous parler un de ces quatre!
Les temps vont pouvoir s’ouvrir au monde à la fin du XVème S.; l’interminable guerre de cent ans commencée au milieu du XIVème prend fin peu après le milieu de ce XVème et clôture le Moyen-Âge. C’est le temps alors de quelques révolutions: les grands navigateurs dont Christophe Colomb, l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, le protestantisme d’origine suisse et allemande (Calvin et Luther), et cette doctrine philosophique généreuse qu’est l’humanisme (représentée par Erasme); c’est cela que recouvre l’appellation de cette époque: La Renaissance. Les hommes veulent renouer enfin avec la curiosité, le progrès, la liberté religieuse (dans un cadre chrétien), la culture universelle en un mot ils veulent renaître. Parmi tous ces chantiers figure la connaissance du passé et notamment des penseurs, écrivains, historiens, poètes, grands hommes de l’Antiquité grecque et latine. Et nous allons voir combien le patronyme aemilien va lui aussi renaître avec eux; en effet beaucoup de lettrés de la Renaissance vont adopter ce patronyme, en référence à la notoriété retrouvée et re-reconnue de ces personnages romains, que ce soit pour le droit, la poésie, l’histoire, les idées, la religion, la science, les lettres. On va en effet beaucoup écrire et imprimer, diffuser des textes écrits essentiellement en latin car la langue écrite du moyen-âge est encore omniprésente à cette nouvelle époque. Et les noms des auteurs sont aussi mis au goût de la redécouverte latine, ils sont en latin. A commencer par Paulus Aemilius de Vérone (deux fois aemilien souvenir sans doute du grand Aemilius Paulus le vainqueur du macédonien Persée, rappelez-vous) né à Vérone (Italie) que le Roi de France fît venir en France pour écrire une des premières Histoires officielles couvrant toute la période allant des origines mythiques de la France (Pharamond) jusqu’en 1488. C’était un humaniste dont la notoriété fut assez grande et connue pour qu’un tel emploi lui fut confié. Un autre Aemilius dit de Vérone, qui vivait à la même époque que son homonyme ci-dessus, de son nom exact Johannes de Miliis, était lui juriste et est connu pour avoir publié à Rome en 1475 un répertoire juridique et des nouvelles décisions de la Rote Romaine (justice papale). De fil en aiguille, ce dernier est à distinguer d’Antoine Mélis plus connu sous le nom d’Aemilius, poète en latin (1589-1660). Il tint une chaire de Belles-Lettres à l’Université d’Utrecht pendant plus de dix ans. Il a écrit également, par exemple la biographie de Rénérius publiée en 1639. Il parait avoir aussi enseigné l’histoire au même lieu et fut l’un des plus ardents partisans du cartésianisme (philosophie du français Descartes) de son temps. Il correspondit d’ailleurs avec Descartes. Que dire de Aemilius de Aemiliis (Aemilien des Aemiliens) du début du XVIème, traducteur italien de l »Enchiridion militis christiani » (Manuel du Chevalier Chrétien), dont on a une correspondance échangée avec le grand Erasme en Mai 1529. Et puis s’il fallait vraiment une preuve de cet engouement néo-latin et aemilien en particulier je donnerai l’exemple du jurisconsulte italien Dominique Ferret, né en 1489, qui voulut, en latinisant son nom, le changer en Aemilius Ferretus. Ce personnage fut un enseignant réputé de Valence puis par le roi François Ier Conseiller au Parlement de Paris. Il fut plus tard à la cour de Charles Quint, revint en Italie, à Florence. A la fin de sa vie on le retrouve en France, à Avignon, où il enseigne à nouveau, et y meurt en 1552. Encore un italien d’origine, mais connu en Allemagne cette fois; je veux parler de Quintus Aemilianus Cimbriacus, nom très romain vous en conviendrez sans doute avec moi! Il était un poète de langue latine vivant encore vers 1515. D’origine proche du Frioul, peut-être de Trévise (il est parlé de lui par un autre lettré comme étant un Cénomane), le surnom de Cimbre a pu le faire passer par erreur pour un allemand (ah! ce besoin de s’identifier au peuple chez lequel on vit!). Ses poésies éditées à Francfort valent selon les critiques de l’époque celles des illustres Pontanus ou Strozza autant pour l’épigramme que pour l’élégie (genres poétiques). Il a beaucoup d’agrément disent-ils mais il a encore plus de gravité. Ses oeuvres les plus estimées sont l »Astéride » (ou de la guerre de Rhodes) et les « Encomiastiques » (cinq poèmes dédiés aux Empereurs Maximilien et Frédéric): ces jugements sont rapportés par A. Baillet dans « Jugemens des savans sur les principaux ouvrages des auteurs » Tome III édité à Amsterdam en 1725.
Pour terminer ce premier volet Renaissance je voudrais citer Augustinus Aemilius humaniste lui aussi et ouvert à la reconnaissance, au moins dans les lettres et la connaissance, au droit des femmes, ce qui est là aussi, très révolutionnaire pour cette époque de renouveau universel. Il reçoit en 1487 une lettre de Laura Cereta (1469-1499) humaniste féministe de Brescia (Italie), connue pour la publication, justement, de ses lettres dans lesquelles elle défend un statut de la femme « égale de l’homme, dont elle est issue », selon la Bible). Ma propre lettre, ni féministe ni à proprement parler humaniste même si je désire vous faire partager certaines connaissances très spéciales, toutes amieliennes, s’arrêtera donc ici, pour aujourd’hui.
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Les registres d’inquisition sont une source quasi-journalistique de la vie quotidienne des pays occitans aux XIII-XIVèmes S. On y trouve quantité de noms d’hommes de femmes et d’enfants des communautés touchées par l’hérésie albigeoise; les frères inquisiteurs dominicains ont parcouru beaucoup de chemins pour recevoir des aveux, des témoignages, plus souvent des ragots sur le voisinage, leur permettant de confondre ou du moins de constituer des ‘dossiers’ sur untel, sur lequel on reviendrait ensuite si l’on n’était pas parvenu à prouver, provisoirement, sa culpabilité envers l’Eglise. Ces documents nous sont parvenus et ont été étudiés.
Bernart Amiel, de Fanjeaux, confesse, par exemple, en 1245 à Toulouse, qu’il a « vu des hérétiques marchant dans les rues du Mas-Saintes-Puelles » (Aude), cinquante ans auparavant! Raymond Amiel habitant Bram a accueilli chez lui des cathares vers la même époque. Un autre du même prénom que ce dernier mais de Fanjeaux, parent du premier sans doute, est désigné comme croyant cathare dans les années 1230; on sait de lui qu’il se rendit à Montségur (l’ultime citadelle de cette religion), y a « adoré » les hérétiques « parfaits » et mangé avec eux. Il y a encore à Fanjeaux de nos jours une rue du nom de « Courtine Amiel ». A St Martin-la-Lande (Aude), parmi les sympathisants des hérétiques écoutant un prêche de l’évêque Bernard Marty, en 1243, se trouve Pierre Amiel. Ce même nom est cité dans l’assistance à un autre prêche du même évêque, en 1232, à Génerville ( lieu proche de Fanjeaux) cette fois-ci. Des feuillets de registre inquisitorial ont été retrouvés sur une couverture d’un registre notarial de ce même Fanjeaux, registre d’aveux tenu en 1243 concernant particulièrement Fanjeaux, Laurac, Mas Stes-Puelles et St Gaudéric (Aude): On y trouve le nom du tisserand Pierre Amiel (beaucoup de paysans étaient aussi tisserands et liés au catharisme); il y est qualifié de relaps (hérétique redevenu chrétien mais retombé dans l’hérésie) ce qui lui vaudra sans doute une lourde peine. Peut-être la même que dût subir Jean Amiel « convaincu d’hérésie » qui fut en conséquence « livré au bras séculier » (remis au pouvoir justicier civil) « pour qu’il en fît ce qu’il avait usage d’en faire » (le mettre à mort en termes plus directs). Ce n’était pas toutefois la seule peine applicable, heureusement l’échelle de celles-ci était proportionnée au ‘délits’: Une amende, un pèlerinage, un confiscation, pouvaient parfois suffire pour effacer la faute. Le 9 Novembre 1250 Raymond Autier et Raymond Amiel, de Villemoustaussou (près de Carcassonne) jurent et s’engagent d’employer et d’être garants de Arnaud Narbonne afin qu’il puisse sortir de prison (on n’a rien inventé encore une fois et la solidarité non plus!). Matfre Amiel, seigneur de Penne en Albigeois (famille déjà vue) eut, lui, ses biens confisqués vers 1300. Quelquefois aussi une caution pouvait adoucir le sort de certains cas: Le 22 Mars 1250 le notaire Boni Mancipi rédige un acte de caution donnée par Guillaume Ferrel pour Adalaïs Amiel et Raymonde, femme de Bernard Amiel, de Preixan (Aude). Ce qualificatif de ‘notaire’ était aussi celui des inquisiteurs tant leur propension à tout noter était grande et garante des preuves de leur efficacité. On ne sera pas étonné de trouver un Hugues Amiel dans cette tâche, je vous en dirai quelques mots un de ces jours. Oui tout était enregistré; ainsi le Registre de l’Inquisition de Toulouse (1273-1280) se souvient que près de St-Paul-Cap-de-Joux (Tarn) Grazide reçut (d’après le témoignage de sa fille) de Cerdane, femme de Isarn Amiel, de Blan, souvent tantôt du pain, tantôt des légumes, tantôt des fruits et une fois des poissons salés, « et je crois que cette Cerdane donnait cela à ma mère pour qu’elle le donne aux parfaits » conclut ce témoignage. Un peu plus tard le très redouté inquisiteur Bernard Gui put enregistrer en 1287, la confession d’hérésie de Bernard Amiel, du Mas-Stes-Puelles; connaissant la réputation de ce sinistre religieux on peut penser aux souffrances qu’il infligea sans aucun état d’âme à ce malheureux, « pour la plus grande gloire de Dieu ». L’historien Le Roy Ladurie dans son étude célèbre sur le village de Montaillou (Ariège) à cette époque-là, note plusieurs Amiel dont Pierre, Bernadette et Rixende Amiel. Il faut citer aussi ici l’Histoire Générale du Languedoc somme monumentale de deux bénédictins, Dom De Vic et Dom Vaissette, au XVIIIème S. pour toutes les périodes historiques abordées jusqu’ici et concernant cette région avec par exemple ce fait relaté pour la période ‘cathare’: Une procédure inquisitoriale sur les habitants de Narbonne mais uniquement ceux du Bourg (et non de la Cité) eut lieu avec l’accord de l’archevêque Pierre Amiel en 1234. Ces habitants firent une requête au dit archevêque afin que « par miséricorde et pardon » il leur soit rendu « les bonnes gens qu’il détenait prisonniers » et qu’ainsi « il pourrait y avoir paix et concorde avec les habitants … et… ils ne manqueraient point de faire leur devoir pour la défense de sa personne et de sa terre ». Et c’est par des paroles pleines d’humilité poursuivent les auteurs, que cette supplique lui fut présentée par un « coustelier » qui parla au nom de tous, il s’appelait Jean Amiel, c’était le 1er Décembre 1234, devant le Chapitre de la Cathédrale St Just de Narbonne assemblé, auquel s’étaient joint d’autres dignitaires religieux dont les Frères Prêcheurs en charge de l’inquisition.
Revenons à Bernard Gui, le si redouté inquisiteur, de son nom complet Bernard de la Guionie; il était si imbu de sa personne qu’il fit publier solennellement ses premières sentences dans la cathédrale de Toulouse par un notaire: dans ses premiers « exploits » figure Pons Amiel, de La Garde, près de Verfeil (Tarn) qui fut « livré au bras séculier » pour être jeté aux flammes en 1308; c’était lui aussi un relaps et cette fois il n’abjura pas et fut effectivement brûlé vif! Il était avec un Amiel de Perles (lieu ariégeois de sa naissance, brûlé lui en 1309) un actif prédicateur cathare et tous deux enseignaient l’ancien dualisme absolu (théorie séparant le bien du mal comme n’étant pas de la même origine et ne s’exerçant pas dans les mêmes milieux). Le 13 Juin 1324 par une de ses sentences un autre Amiel est lui condamné au mur (ce qui revient à être enterré vivant); heureusement pour lui cette peine lui est remise le 12 Août suivant et transformée en un jeûne au pain et à l’eau tous les Mercredi et Vendredi pendant deux ans, ce qui ne peut être comparé n’est-ce pas! Un autre inquisiteur connu est Jacques Fournier (il devint pape), nous avons aussi son registre d’inquisition; il nous garde le souvenir de deux hommes de la même famille (père et fils) des montagnes ariégeoises nommés Jean Peyre-Amiel et son père Ascou qui vivaient au début du XIVème S. et furent inquiétés en 1322 (date du registre); ainsi que toute une famille Amiel habitant Mérens dans les années 1318-1325 dont Pierre le patriarche, Bossa Amiel et son épouse Rossane et qui tous passérent devant le Tribunal Inquisitorial de Carcassonne. Et puis il y a le cas de Amiel de Rieux, ariégeois lui aussi, convaincu du chef d’hérésie sur sa confession en 1325, il était pourtant prêtre de l’église romaine et même vicaire perpétuel d’Unac (Ariège); la gangrène avait donc atteint la moelle en la personne de l’église elle-même!
Mais toutes choses ayant une fin, la répression inquisitoriale contre les cathares va considérablement chuter vers les années 1325-1330, peut-être faute de gens à inquiéter, le catharisme ayant ‘bel et bien’ été éradiqué dans ces terres devenues ‘enfin’ et françaises et catholiques: on note pour cette période la condamnation par Henri de Chamay (un du nord sans doute vu le patronyme) de Guillem Amiel à la prison pour hérésie ‘tardive’!
Je l’ai déjà dit cette répression inquisitoriale qui double la Croisade Albigeoise fut surtout l’occasion de mettre au pas ces vastes régions méridionales qui avaient un peu trop de velléités autonomistes autant en ce qui concerne la religion que la politique et l’administration sans compter sur les profits sonnants et trébuchants à y faire sur le dos de ses habitants qu’ils soient nobles ou manants. Un seul exemple, celui de Simon de Montfort (père de l’horrible Amaury) premier grand chef croisé qui, en 1211 fait enlever la possession de Villedaigne (Aude) à son légitime possesseur Bernard de La Redorte car il était un chevalier ‘faydit’ (défendant l’hérésie et sa liberté) et la « donner » à titre de fief à un certain Bernard Amiel, riche bourgeois et notable narbonnais, sous l’albergue annuelle de cinq chevaliers (à la condition d’entretenir ces hommes). Il est vrai que ce riche personnage avait auparavant acheté plusieurs morceaux de la dite seigneurie au co-seigneur du lieu, Raymond de Montbrun, mais quand même! Vous voyez que là aussi encore nos gouvernants n’ont rien inventé, l’argent arrangeait déjà beaucoup de choses!
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Si les protestants du XVIème S. demeurent des chrétiens fidèles aux textes bibliques, la Bible constituant leur unique référence, ils rejettent par contre tous les dogmes catholiques édictés au fil des siècles par de multiples conciles pour ‘aménager’ la pratique religieuse et ‘fixer’ les ouailles à l’Eglise de Rome. Aux XIIè-XIIIème S. la contestation allait beaucoup plus loin, jusqu’aux contestations des vérités premières de nature philosophique (sur le bien et le mal, la nature de l’homme sur terre, son devenir après la mort …), de nature religieuse (statut de Jésus, vérités bibliques dont ils ne conservent que quelques textes, prières et rites très limités n’ayant pas grand-chose à voir avec la liturgie catholique romaine …), tant et si bien que l’on a pu parler alors d’ « hérésie » dans cette féodalité si catholicisante de nature. Bien sûr en ces temps de telles idées ne pouvaient raisonnablement se propager comme se propagea le protestantisme trois siècles plus tard: la connaissance de la Bible n’était l’apanage que des clercs, des nobles et des rois, la « piétaille » était ‘priée’ de se conformer en matière de religion à ce que lui affirmait son desservant (d’ailleurs on ne devait pas se poser beaucoup de questions à ce sujet) et à pratiquer exactement selon les rites (dérivés des dogmes). Mais pourtant avec le catharisme on a là une idée qui vient de loin, de l’Orient peut-être, colportée par les marchands ou les voyageurs (on se déplaçait pas mal malgré ce que l’on peut croire sur ces siècles dits ‘obscurs’). Et cette nouvelle façon de penser et de voir les choses de la religion trouva en Languedoc et particulièrement en Lauragais, Toulousain, Carcassés, Pays de Foix, Agenais, Biterrois… une belle terre où s’épanouir et s’enraciner. Les habitants de ces régions trouvèrent là « chaussures à leurs pieds » si je puis dire. Et leurs seigneurs tout autant. Il faut dire que l’esprit d’indépendance, de liberté, les idéaux d’amour de son prochain et une foi simple cadraient avec ces populations, leur culture (les troubadours autant que leurs moeurs (le ‘fin amor’ par exemple ou le ‘paratge’), leurs lois (écrites depuis les temps gallo-romains). On n’a jamais aimé ici se faire dicter quoi que ce soit, beaucoup de communautés possèdent leurs chartes de droits reconnues par les seigneurs dès ce temps-là. L’on est donc volontiers si ce n’est ‘croyant’ en tous cas ‘sympathisant’ cathare, du ‘bas-peuple’ jusqu’au comte de Toulouse et sa famille élargie (et les vassaux idem). Une véritable ‘gangrène’ pour l’Eglise Catholique qui perd de son influence et des avantages qui vont avec; les dommages doivent être circonscris, la propagation endiguée, le mal connu sera détruit! Et les hommes d’Eglise incapables par la persuasion d’arrêter le mal (St Dominique lui-même aura beaucoup de difficultés durant son court apostolat en Lauragais) feront appel « à la guerre sainte », la Croisade va être décidée par le Pape avec le Roi de France (qui put voir les avantages énormes qu’il pouvait tirer de ce combat pour ‘la foi’). Je l’ai déjà mentionné mais il faut insister sur ce point: cette Croisade fut menée pour hérésie contre des populations chrétiennes même si leur tort était de ne plus obéir à l’institution officielle de l’Eglise papale. Je ne vais pas ici vous raconter cette « Epopée cathare » (titre de l’oeuvre de M. Roquebert) mais utiliser les sources de cette période pour vous parler bien sûr de quelques Amiel de cette période, certains étant des chevaliers ou petits seigneurs des régions touchées par la croisade ou de simples pauvres bougres (c’est en passant le nom que l’on donnait aux croyants cathares, rappelant peut-être l’origine européenne de cette religion, la Bulgarie); ces derniers étant cités dans les nombreux « interrogatoires » de la Sainte Inquisition dont j’ai déjà parlé pour ses pratiques de délation, d’aveux et des peines infligées et dont nous avons conservé des registres avec beaucoup de noms et de lieux, circonstances etc…surtout au XIIIème (où l’inquisition bât son plein si l’on peut dire) mais encore au XIVème S.
Avant le début de la Croisade (1209) on voit que les albigeois (nom donné aux hérétiques par les gens du nord, les envahisseurs croisés) sont déjà bien implantés: les croyants vivent en communautés notamment en Pays de Foix; ces communautés étaient visitées par les seigneurs locaux: par exemple Guillaume Amiel de Pailhers dans les années 1205-1220. Dès 1204 eut lieu à Fanjeaux (Aude) la prononciation solennelle des voeux de Parfaite d’Esclarmonde de Foix, véritable affront à l’église de la part d’une noble, femme qui plus est. Dans l’assistance, comme témoins on lit les noms de Raymond Amiel et son épouse Saure du Mortier, leur fils aîné Amiel et Pierre Amiel de Brau. Autre preuve de cette liberté de penser, celle de Bernard Amiel, chevalier de Pailhès (autre forme de Pailhers) qui au temps de la croisade combattait avec les autres seigneurs du sud « pour la plus grande gloire de Dieu » comme il disait dans un grand éclat de rire; il n’aimait pas du tout les prêtres de Rome et en avait occis (tué) au moins deux de ses propres mains, « coupé les génitoires » à un autre, et dont la réputation de lubricité était connue! Dans le Carcassés autour du seigneur Olivier de Termes (bien connu de ceux que la drame cathare intéresse) nous voyons évoluer Guilhem Amiel de Villalier, Amiel de Rustiques, autour du premier quart du XIIIème S.
Et ‘dieu sait’ si l’on a discuté philosophie et théologie avant d’en venir aux mains; c’était l’époque de Dominique et de ses Frères Prêcheurs; souvent même d’une façon publique dans des débats que l’on appelait « disputes ». Un registre nous conserve le témoignage d’une dispute non pas entre ces deux partis mais entre cathares et ‘vaudois’ (autre sectarisme chrétien de la même époque!): c’est celui de Pons Amiel, notaire de Miraval (Lauragais ou Cabardès) qui, en 1243, se rappelle y avoir assisté 37 ans auparavant (soit vers 1206). Et à cette époque ce genre d’exercice était nouveau. Autre témoignage celui de Bernard Amiel, écolier, qui passant un jour par le chemin qui longeait l’hôpital de Laurac, entendit deux truands, recueillis sans doute dans cet asile de mendicité, qui discouraient sur l’Eucharistie et la valeur de l’hostie consacrée. Ce fait si simple pour nos yeux du XXIèmeS. est pour l’époque et ce lieu des plus curieux: il faut y voir cet esprit de liberté (ici en matière religieuse) qui avait pénétré jusqu’aux couches les plus basses de cette société méridionale et il n’y avait aucune crainte à émettre, dans des lieux publics (à fortiori privés), de sérieux doutes sur les dogmes intangibles de Eglise Officielle. Les femmes, un peu comme chez les protestants bien plus tard, avaient aussi leur place dans cette croyance, à l’égal des hommes et aux mêmes conditions et exigences. On a vu le cas d’Esclarmonde l’effrontée soeur du Comte de Foix, Saura du Mortier, on pourrait aussi citer dans la même famille, Mabilia, épouse d’Amiel du Mortier, fille de Saure, laquelle déclare dans un interrogatoire, qu’elle était en relation, avant 1215, avec un certain nombre de nobles dames « parfaites » et que souvent elle réunissait chez elle d’autres dames de Fanjeaux. Ce n’est pas pour rien que Dominique de Guzman s’installa dans ce lieu comme centre de ses pérégrinations: toutes les maisons féodales des alentours étaient acquises à cette foi, des adultes hommes femmes jusqu’aux enfants voisins, affidés paysans et obligés. La transmission étant assurée par les prédications des parfaits et parfaites mais aussi par l’éducation familiale générationnelle ou sociale des villages et communautés; Mabilia dit même, en 1246, qu’elle avait vu à Fanjeaux et ailleurs les hérétiques (c’est bien entendu le terme du registre inquisitorial) « vivre en toute liberté » ce qui lui semblait logique, normal dans cette société occitane basée sur cette liberté qu’elle perdra par son annexion à la France à l’issue de cette satanée croisade albigeoise.
Un deuxième article sur ce sujet s’avère nécessaire pour pénétrer plus avant dans ces fameux registres inquisitoriaux et voir les noms de quelques Amiel de basse extraction mais qui avaient bien compris sans doute que cette foi irrespectueuse de l’église omniprésente correspondait tout à fait à leurs idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité, trois principes qu’ils pratiquaient depuis bien longtemps, trois principes qui mettront six siècles pour être ceux d’une république dont ils ne pouvaient même rêver.
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Dans cette période notre nom va se faire plus discret au sein des hautes sphères de l’Eglise Catholique mais on le retrouvera cité dans la Réforme, ce mouvement protestant contre les dérives de cette église et qui va réussir à se former en véritable contre-église, notamment dans les pays anglo-saxons du nord de l’Europe. En France la RPR ou Religion Prétendue Réformée comme l’appelaient les milieux catholiques ne s’installera fermement et durablement que localement comme en Cévennes, ou Pays du Tarn en ce qui concerne les régions que nous suivons.
Voyons tout d’abord les quelques fidèles restés à la religion ‘traditionnelle’: En 1551 eût lieu le fameux Concile de Trente, pièce maîtresse de la Contre-Réforme Catholique, convoqué pour décider d’un plan d’action de grande ampleur afin d’éliminer le Protestantisme (on n’osera pas une croisade comme au temps jadis contre les cathares tant le mouvement de contestation est vaste); l’on y décida des mesures concernant la discipline, on y réaffirma et précisa les dogmes tel celui concernant la « transsubstantiation » du Christ dans l’Eucharistie (ou transformation en présence réelle), qui fit l’objet de discussions. L’un de ceux qui émirent un avis sur ce sujet, avis suivi par ses collègues, dont l’histoire a retenu le nom pour ce fait est Jean Aemilien, évêque espagnol du diocèse de Tuy (dans la région de Santiago de Compostelle). Il émit aussi un avis sur « l’attrition » sentiment plus modéré que la ‘contrition’ pour le pardon des pêchés. (cf. Cl. Fleury & J.C. Fabre « Histoire Ecclésiastique » Vol. 30 Frickx Bruxelles 1731).
Mais malgré ce plan de bataille, malgré toutes les manoeuvres auprès du pouvoir civil, la R.P.R continuera son oeuvre de restauration de l’esprit des Ecritures. Au XVIIème siècle, et bien avant le Concile Vatican II (1962) un prêtre du nom de Barthélémy Amilia, eût l’idée de se rapprocher de ses ouailles en leur parlant leur langue natale pour mieux les attacher à l’église de Rome. Il est vrai que lui-même était par sa naissance un locuteur de cette langue et par ses études un grand connaisseur de l’occitan. Je consacrerai quelques lignes à ce brave curé qui est connu dans la région de Pamiers (Ariège) pour avoir écrit en 1673 « Le tableu de la bido del parfait crestia(n) en berses que represento l’exercici de la fe … » oeuvre qui connut un grand succés dans le diocèse ariégeois puisque plusieurs rééditions sont connues (dont la 2ième en 1703) et une republication en …1897! Cette oeuvre (et là ce cher abbé n’y est pour rien, quoi que…) est encore appréciée de nos jours, non pas pour son charisme religieux, mais par les ethnologues, linguistes occitans et les historiens de la religion. Dans la même veine prédicatrice mais d’une façon plus académique, vers la même époque (fin XVIIème) et dans cette même région, il y a lieu de citer le Père Augustin Amiel, de Narbonne, franciscain qui mit, lui, son talent naturel, sa voix, au service du même but, par ses homélies. Ses prêches furent si célèbres qu’ils furent édités (en 1682, 1689 notamment). (cf. Institut Franciscain de l’Univ. St Bonaventure « Franciscan studies » Vol. 7, 1928). Enfin l’éducation à la foi passait bien entendu aussi par l’éducation tout court, domaine entièrement confié sous l’ancien régime à l’église catholique, on ne sera pas surpris de trouver quelques Amiel dans ce domaine comme ce père de la doctrine chrétienne qui enseigna à Gimont (Gers) à la fin du XVIIIème S. dont je vous donnerai quelques détails ou cet Abbé directeur des élèves du Roi au petit séminaire d’Aix-en-Provence dans les mêmes temps pré-révolutionnaires et dont l’histoire a retenu qu’il fut un interlocuteur et un des premiers correspondants de Bonaparte, alors que celui-ci surveillait les études de son frère Lucien, alors élève de cette institution ou enfin ce modeste curé de Valensole né à Roumoules (Alpes Maritimes), qui s’expatria (comme tant d’autres) à la révolution, et revint ensuite pour précher non seulement dans sa région d’origine mais jusqu’à Marseille et même Toulouse! Vous aurez quelques notes complémentaires aussi sur ces deux derniers.
L’installation du protestantisme dans les régions du sud, régions rebelles depuis longtemps aux pouvoirs ‘extérieurs’ tels que le Roi de France ou le Pape de Rome ne se fit pas sans mal; tout comme ailleurs l’église a reçu le coup de main des fonctionnaires royaux pour noyauter ces rebelles à l’église et à l’état. Il fallait au moins contrôler les activités de ceux-ci et la ‘police’ de l’époque s’en chargea. L’Edit de Nantes était révoqué depuis bien longtemps que les protestants étaient toujours actifs; en Languedoc, au XVIIIème S. on voit par exemple l’intendant Le Nain avoir recours à de nouveaux convertis pour mettre en place un noyautage des foyers ‘infestés’ de la région; ainsi doit-on considérer le rôle de Pierre Amiel, marchand de Montpellier en lien avec des protestants du Tarn dans les années 1750. On en reparlera sans doute un jour.
Parmi les premières traces du culte réformé dans le Languedoc et concernant les Amiel, l’histoire protestante a gardé le souvenir de Maître Pierre Amiel, licencié es droits qui représenta la communauté de Limoux (Aude) et fut témoin à ce titre à la cérémonie solennelle pour la reconnaissance dans le Haut-Languedoc des droits reconnus à la communauté protestante le 30 Novembre 1561 par le roi Charles IX. La sagesse du pouvoir politique d’alors contraste fortement avec les effets de la Contre-Réforme Catholique dont la répression périodique et la révocation du fameux Edit de Tolérance par Louis XIV…Mais donc malgré tout la religion réformée s’est maintenue et les convertis furent nombreux: St Antonin-Noble-Val se souvient de son siège et de sa réduction (ré-obéissance forcée) par Louis XIII pour laquelle il y eut la pendaison de douze habitants en représailles (les nazis n’ont rien inventé sur ce sujet), et comme le jour dit il n’y en avait que onze on attrapa au hasard un douzième individu pour que le compte y soit mais ce pauvre bougre n’était pas un habitant de cette ville, il s’appelait Pierre Amiel et habitait à Verfeil; son martyre eut lieu le samedi 25 Juin 1622 (cf. M.A.F Gaujal « Etudes historiques sur le Rouergue » Vol.4 Dupont Paris 1859). Toujours au même lieu, en 1700, dans le dénombrement des nouveaux convertis, comme quoi toutes ces intimidations n’ont servi à rien, je note ces noms : Jean Amiel, maçon et sa femme, Marthe Amiel et Marie Amiel leurs filles, qui se sont mariées au même St Antonin. Enfin notre nom sous sa forme latine fut honoré par quelques lettrés protestants tels que Robert Aemilius prédicateur hollandais de la 2ème moitié du XVIIème S., un plus connu du nom de Georgius Aemilius (son nom patronymique véritable était Oemler) et celui qui est présenté comme son frère, moins connu, Christophorus Aemilius, qui, au 1er tiers du XVIIème S. présente son point de vue, à Mulhausen, dans une ‘dispute’ théologique (discussion), dont les arguments ont été publiés en 1631 par Fabricius.
Ce mouvement protestantiste si essentiel soit-il dans l’Europe de la Renaissance et ensuite ne peut, pour ce qui concerne la terre d’élection des Amiel faire oublier et passer au second plan la période de l’hérésie cathare, qui bien que plus ancienne, a touché tous les habitants du Languedoc et des régions voisines pendant trop de temps et avec tant de hargne de la part des mêmes pouvoirs politiques (le Roi de France) et religieux (l’Eglise Catholique). Nous aborderons ce sujet si sensible encore dans ces régions occitanes et pour ce qui concerne notre nom, trop souvent cité pour ce domaine du moyen-âge et a cause duquel le sud occitan deviendra contre son gré le sud français.
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