Continuons donc à parler des Amiel au XXème S en abordant quelques figures des milieux artistiques, culturels et autre médias.
En peinture il y a lieu de citer Pierre Amiel , peintre non figuratif d’origine franco-chinoise mais roussillonnais de naissance, internationalement connu et toujours actuel; à St Quentin, dans l’Aisne, une peintre et historienne d’art du nom de Jacqueline Amiel, née à Alexandrie (Egypte) a ouvert une galerie d’exposition qui porte son nom, il y a quelques années. Bien avant, dans la première moitié de ce siècle nous devons noter Pierre-Antoine-Joseph-Louis Amiel appelé plus simplement Louis-Pierre Amiel; né à Lézignan-Corbières (11) il est élève à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts puis de Henri Royer dans son atelier du Bld de Clichy à Paris, du grand Jean-Paul Laurens et de Bouchard à l’Académie Jullian (école privée de Paris) dans les années 1920. Il s’installe à Montmartre dans ce quartier foisonnant de jeunes talents et obtient une Médaille d’Honneur au Salon de1930. Peintre impressionniste il peint avec art des natures mortes (« à la bouteille; au fromage et au raisin ») mais il sera surtout remarqué pour ses « nus » (« Nu de dos assis » ca 1920). Son oeuvre est empreinte de plastique, que ce soit en peinture, pastel ou dessin, tout chez lui se ramène à la forme; en fait il est sans le savoir un véritable sculpteur, l’essentiel pour lui est dans la morphologie. Le Dr Girou a tracé sa biographie artistique dans un de ses ouvrages consacré aux célébrités audoises de son temps. Un vrai sculpteur ensuite en Jean Amiel: Nîmois et gardois contemporain il consacre son art à saisir des têtes de taureaux, l’animal roi de sa région.
Dans ce domaine je dois vous dire un mot d’un marchand d’art américain, très connu aux USA dans les années d’après-guerre et jusqu’aux années 1980 du nom de Léon Amiel. Personnalité majeure du monde de l’art, il était alors l’un des plus importants éditeurs d’art moderne outre-atlantique; proche de grands noms de la peinture européenne il sut obtenir de Marc Chagall, Salvador Dali, Pablo Picasso ou Joan Miro avec lesquels il entretenait des relations personnelles d’amitié, l’exclusivité de reproductions lithographiques authentiques signées de leurs propres mains et dûment numérotées, pour les USA. Grand spécialiste de cet art moderne il publia aussi plusieurs livres d’art à ce propos dans les maisons d’édition qui portaient son nom (« Amiel Book Distributors Corporation » et « Leon Amiel Publishing Incorporated »). Sa mort en 1988 permit à ses héritiers (son épouse et ses enfants) d’être à l’origine du plus grand scandale de ce milieu de l’édition artistique qui nous vaudra un bel article en perspective. Mais lui-même ne fut toutefois jamais inquiété à ce sujet, précision importante pour sa mémoire.
Nous sommes aux Usa restons-y pour dire un mot de ce réalisateur de films et de téléfilms qui se nomme Jon Amiel. Bien que britannique de naissance (1948) où il commencera à la BBC, à Londres par des montages et l’apprentissage des réalisations télévisuelles, il en devient une valeur sûre. Son premier film pour le cinéma en 1989, « La dame de coeur » décroche au Festival de Montréal le prix du Meilleur Premier Film; ce film passé quasiment inaperçu en Europe (pourtant montré à Cannes) l’entraîne vers l’Amérique. Son premier film là-bas « Tante Julia et le scribouillard » est remarqué par Hollywood qui l’embauche pour réaliser « Sommersby », le « retour de Martin Guerre » à la sauce ‘Guerre de Secession’. C’est un triomphe qui va le placer définitivement sur la scène hollywoodienne. Il réalisera ensuite le fameux « Copycat » ( un tueur en série est confronté à une flic de choc et à une profiler), puis « L’homme qui en savait trop… peu », comédie sur fond d’espionnage, sans oublier « Haute voltige » assez connu en Europe et il y a peu « Création », long métrage consacré à la vie personnelle de Darwin, où celui-ci est confronté aux opinions de son épouse à propos de ses travaux sur l’ évolution. Cette oeuvre au sujet très sensible chez les Américains a eu beaucoup de mal à voir le jour et n’est diffusée que par la voie des DVD. On ne peux que le féliciter de l’avoir réalisée malgré tous ces obstacles confirmant un certain caractère religieux traditionnellement attaché aux paroles mêmes de la Bible; observation assez anachronique avec ce pays de la modernité, de la science et du savoir. Cette Amérique a produit d’autres Amiel dans le même milieu et dans le théatre dans les années 1970, une actrice du nom de Léonie Forbes Amiel (Amiel est le nom de son mari le Dr Keith Amiel). Elle se produisit également au cinéma et à la télévision. Toujours en Amérique puisque nous y sommes, un mot sur Barbara Amiel, elle aussi anglaise d’origine et juive où elle naît en 1940, à l’enfance assez cahotique; elle part jeune étudier à Toronto, se marie plusieurs fois pour épouser enfin en 1992 Sir Conrad Black. Chroniqueuse auparavant pour plusieurs journaux canadiens ainsi que pour la chaîne de télévision CBC, elle obtiendra la Prix Edgar-Allan Poe pour son travail de journaliste. Ses origines juives l’amèneront à critiquer l’antisémitisme et l’anti-israélisme: on se souvient de la polémique déclenchée à propos de ses commentaires sur des dires d’un diplomate français à ce sujet en 2001. Et pourtant elle défendra un adepte du négationnisme historique ou un politicien d’extrême-droite français…!Chez les journalistes notons aussi le nom de Mohamed Ali El Amiel, arabe celui-ci, lybien de langue française établi à Tunis et travaillant pour l’Agence Jana au début de notre siècle.
Parmi les chanteurs populaires de ces dernières années outre-atlantique citons par exemple cet Amiel, noir connu à Atlanta et à Washington DC aussi directeur général d’un label de disques PMW (Positive Music Worker) ou l’australienne Amiel.
L’Australie encore et enfin puisque je terminerai par là ma présente livraison avec un monsieur très respectable du nom de Charles Amiel: il est le seul que j’ai rencontré dans mes recherches à avoir passé le cap des cent ans de vie et, si l’on excepte le cas de Henri-Frédéric Amiel, le genevois du « Journal Intime », le seul à avoir confié ses archives personnelles à une bibliothèque. Couvrant une large période de sa vie, de 1913 à 1979 c’est en effet la Bibliothèque Mortlock qui a la charge de sa conservation. Passionné d’aviron le Club d’Aviron d’Adélaïde fêta dignement le Centenaire de son plus vieux membre en 2007 (il s’en occupa pendant cinquante ans et ne céda sa place qu’à 96 ans!). Fils d’un émigré anglais il célébra ses six ans sur le bateau qui l’emmenait avec ses parents à Adélaïde où il demeura tout le long restant de sa vie. Banquier pendant près de cinquante ans, il prît sa retraite au début des années 1970 et ne cessa pas d’être quelqu’un de méthodique en tout durant son existence. Ilprenait intérêt (sans jeu de mots!) à tout et malgré son âge très avancé il fût toujours très gaillard comme resta vif son esprit. Très connu dans cet état d’Australie-Méridionale dont Adélaïde est la capitale, plusieurs journaux célèbrent son centenaire. Décédé à 101 ans en 2008, sa fille Helen a voulu créer en sa mémoire, « The Charles Amiel Trophy » pour récompenser « The Most Winning Junior Club Member » dès Mai 2008.
Retour en Europe pour la suite la prochaine fois dans cette saga des Amiel contemporains où nous verrons que le vieux continent n’est pas encore mort: bien que très âgé et bien fatigué sans doute, il est comme notre centenaire amielien, encore alerte, avec l’esprit vif et loin d’avoir dit son dernier mot (comme moi sur notre sujet).
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Les Amiel sont représentés dans quasiment tous les secteurs de l’activité humaine du siècle; ils sont outre dans les sphères supérieures des sciences des arts ou de la culture (que nous verrons plus tard), dans des domaines aussi divers que l’entreprise, le journalisme, le commerce, la création, l’artisanat, le sport, en France comme à l’étranger; nous nous en tiendrons toutefois ici à la France, mais l’étranger sera abordé, lui aussi plus tard.
Dans le domaine de l’alimentation je pourrai citer la société marseillaise de fabrication de pâtes fraîches Amiel qui était encore en activité dans les années 1995 ou la société des vins Amiel de Trèbes (11) toujours active dont les chais constituent une très grande cave de la région Languedoc-Roussillon. La région fut aussi de tous temps une région textile; les manufactures fleurissaient au XVII-XVIIIème siècle et encore dans la première moitié du XXème on trouvait des usines textiles dans certains bassins, comme celui de Lavelanet (09); tout près à Chalabre (11) des ateliers de confection oeuvraient encore dans les années 1930 dont l’atelier Amiel qui employait une vingtaine d’ouvriers. Le bâtiment outre les entreprises générales qu’il serait inutile de lister ici fournit quelques spécialités comme l’entreprise « Peintures Françaises » de peintures pour sols dirigée depuis sa création par une famille Amiel avec Robert Amiel en 1943 et installée à St Brice (95). Plusieurs Amiel ont été des joaillers; installés à Paris les Ateliers Amiel continuent encore aujourd’hui la tradition dans une société nouvelle qui s’est diversifiée en fabriquant aussi des meubles. Vers 1950 près du centre de mégisserie de Graulhet (81), à Briatexte, fonctionnait encore alors la Mégisserie Amiel, utilisant les eaux du Dadou pour traiter ses peaux de mouton. Dans le Tarn encore, à Sémalens, près de Castres, les Etablissements Amiel fabriquaient, je vous le donne en mille, des ruches, il y a encore à peine une dizaine d’années, et d’autres articles en bois, mais la retraite de Henri Amiel semble avoir sonné le glas de cet artisanat original et cocasse quant au nom (et à l’objet) de l’entreprise! Dans le département voisin de l’Hérault fonctionne par contre toujours la Stiram, anciennement Ram (pour Raoul Amiel son fondateur en 1958); à cette époque elle fabriquait des bennes à vendanges puis elle s’orienta vers les véhicules utilitaires légers et bennes. A l’autre bout du pays, à Valenciennes (59) fut implantée par ses fondateurs, Yves et Alain Amiel, en 1995, la fabrique de vélos Quantum, qui devint rapidement le 3ème producteur national et emploiera jusqu’à 180 personnes. Dans les Pyrénées-Orientales fut fondée il y a peu, en 1997, la Société Azur BTP par Bernard Amiel, descendant d’une famille d’entrepreneurs installée dans la région du Conflent depuis les années 1920. A Frontignan (34) un certain Charras-Robert fabriquait il y a un siècle un « apéritif hygiénique » au doux nom mais très fictif de « Saint Amiel », le meilleur des toniques paraît-il sans être toutefois un médicament (précaution nécessaire pour ce vin ‘arrangé’). Il y avait autrefois des producteurs locaux de bières (on ne transportait pas alors ce produit très loin); en Ariège, à St-Girons, se fabriquaient les Bières Amiel, la Brasserie de ce nom était bien connue dans le coin. Et puis faut-il que je reparle du si fameux « Mas Amiel », ce domaine viticole situé dans le cru Maury, au pied des falaises des Corbières? Parfait (en rouge ‘Notre Terre’ par exemple) pour accompagner un bon cassoulet, la spécialité de la région lauragaise, comme savaient si bien le faire les anciens (ma grand-mère Honorine par exemple) ou un certaine Mme Amiel qualifiée de « maîtresse Cordon Bleu » par le très sérieux Mercure de France (vol 214 de 1929) qui décrit un fameux repas qu’elle prépara et dont je ne résiste pas à vous donner les grandes lignes du menu: Foie d’oie de Castelnaudary au naturel pour commencer ,Dorade grillée comme entrée, et bien sûr le roi de la région, j’ai nommé l’extraordinaire Cassoulet de Castelnaudary, ou comme le nomme le grand cuisinier audois du XIXème S. Prosper Montagné: « Dieu le Père » pas moins! devant lequel il n’est pas rare de lire que certains se mettent à genoux devant!!
Pour faire le lien avec la suite je terminerai ce domaine par deux amieliens aux frontières de l’entreprise, de la création artistique et de la création littéraire en citant par exemple, Hanna Amiel, styliste et créatrice d’accessoires de mode qui a créé sa propre marque et commercialise ses propres créations sous ses prénom et nom et ce personnage d’une nouvelle de Elmer Rice, « The show must go on » (Viking Press 1949) nommé Louis -Jean Amiel dont la profession est dessinateur de mode, styliste et couturier internationalement connu.
Quelques amieliens dans le sport pour terminer avec principalement Michèle Amiel, championne de tir à la carabine (handicapés), originaire de St Quentin (60) qui a accumulé les médailles depuis ses débuts en 1988 aux J.O. de Barcelone jusqu’aux J.O. d’Atlanta où elle décroche la Médaille d’Argent en 1996. Elle participera encore aux jeux de Sydney et même Pékin en 2008. Plus modestement Pierre Baptiste Amiel, jouteur de Sète (spécialité locale très prisée surtout lors des fêtes de la St Louis en Août) Vainqueur en 2008 dans la série ‘légers’ des Jeunes Jouteurs ou Jean-Michel Amiel, spéléologue poitevin qui, avec un confrère, émit l’hypothèse de la jonction de La Pierre St Martin avec le Gouffre de Partages, dans les Pyrénées, ce qui fut en effet réalisé dix ans plus tard, en 2008, permettant un réseau continu de 80 km de développement pour 1410m de dénivelé ! Citons au moins deux organisateurs de sport, sans qui beaucoup de choses en ce domaine ne s’accompliraient pas en la personne de André Amiel qui fut pendant 12 ans Président de la Fédération Française de Handball ou de Jean Amiel Vice-Président de la Fédération Française de Natation; et puis quand on s’appelle Amiel et qu’on est provençal (mais aussi languedocien) on est forcément un peu pétanqueur et il y a bien au moins un Amiel qui a bien oeuvré pour ce sport : Le marseillais Emile Amiel implanta en effet cette activité en 1926 à Valence, dans la Drôme, suite à son installation pour affaires dans cette ville. Sa courte biographie dit ceci: « Ce marseillais à l’accent si savoureux ne pouvant s’en passer tant dans la cité phocéenne il tenait la vedette et bien qu’on y jouât déjà à la lyonnaise (rien à voir avec la pétanque provençale, Valence est un peu à la limite des deux influences et pas seulement pour cette habitude de jeux de boules). Un dernier pour la route, si je puis dire, avec Jean-Christophe Amiel, grand coureur devant l’éternel, presque marseillais il est de St Martin de Crauj, que l’on honore dans sa commune en organisant tous les ans une course pédestre qui porte son nom, « l’Amiel », depuis 2003, car il en fut le créateur; c’est une course sportive mais aussi une belle manifestation familiale et récréative pour les gens de la commune: Quel meilleur hommage pouvait-on lui rendre que de lui donner son nom! Eh oui, encore une fois combien notre nom est-il précieux tant il est honoré par certains de ceux qui l’ont porté, le portent et le porteront, que ce soit d’une façon plus ou moins large et publique; Sénèque, philosophe latin du Ier siècle disait « Sans doute les propos de la postérité ne nous toucheront plus, mais bien que nous n’y nous soyons plus sensibles, on nous honorera plus tard; on parlera de nous ». C’est ce que j’essaie de faire pour ce qui nous concerne.
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Trouver un fil directeur pour vous parler des Amiel du XXème S. relève de l’aiguille dans la botte de foin mais il faut bien pourtant que je vous parle de ceux qui, il y a au plus un siècle, autant dire hier à l’échelle de la saga du nom, ont honoré ce patronyme aux origines si lointaines.
Pour commencer restons dans l’une des deux régions françaises d’origine de notre nom générique, le Languedoc. Parmi la longue liste des magistrats municipaux qui ont gouverné localement comme maires les villages ou villes du sud (autant en Languedoc qu’en Provence) et depuis longtemps (on les appelait consuls ou capitouls à Toulouse, les communautés d’alors dans ces régions s’administraient elles-mêmes déja au moyen-âge!) je pourrai citer, après tous les Amiel maires du XIXème S (j’établirai bien un jour une liste de tous ces personnes qui ont contribué à la vie locale) des noms comme Jean Amiel, maire de Chalabre (11) en 1930-31 qui rétablit la halle de ce petit bourg audois démontée par son prédécesseur et fut conseiller général de son canton dans les mêmes dates, ou, dans l’Ariège voisine, le nom de Lucien Amiel qui, bien que né à Toulouse et orphelin dès onze ans, élevé par un de ses oncles, prêtre à Castelnaudary (11) et par ses grands- parents boulangers qui le prenaient en vacances à Amplaing (09), fut maire de Saverdun (09) de 1965 à 1983, et dans le même temps lui aussi conseiller général de ce canton ariégeois. Entre-temps eurent lieu les deux tragiques conflits mondiaux; je vous passerai les noms des nombreux Amiel qui participèrent à ceux-ci mais je dois m’attarder toutefois sur quelques figures remarquables qui ont donné beaucoup pour notre liberté. Une rue ariégeoise porte le nom de Philippe Amiel, qui était au maquis de Roquefixade; le 27 Février 1944 il parvient à s’échapper des mailles de la Gestapo allemande et s’enfuit pour Marmande (47). Dans la Lozère on garde le souvenir de Jean Ameil dit « Zabala » (nom de résistant), né en 1916 à Clermont-Ferrand, inspecteur de police, qui fut responsable du maquis de Haute-Lozère durant l’été1944; il fit partie du Tribunal Militaire de ce maquis, siégeant souvent en conseil de guerre, participa aux condamnations et même aux exécutions, ce qui lui vaudra quelques violentes attaques à la Libération après laquelle il poursuivra les mêmes activités d’ailleurs; ce n’est qu’en1953 qu’une ordonnance de non-lieu le blanchira définitivement; il décèdera libre de toute accusation en 1982. Il y eut aussi des Amiel déportés, certains comme juifs, d’autres parce qu’ils étaient activistes et résistants: Lucie Amiel est morte en déportation à Auschwitz (Pologne) le 14 Novembre 1942; Marius Joseph Amiel, de Tuchan (11), communiste et cheminot à Paris, fut arrêté le 21 Juillet 1941, emprisonné à Fresnes (94), il transita par divers lieux de détention en France pour être, lui aussi, déporté à Auschwitz sous le numéro 45170. Un sous-chef de gare principal dont je n’ai pas le prénom, un Amiel en tous cas, fut arrêté avec d’autres résistants le 15 Décembre 1943 et envoyé avec eux au camp de Buchenwald, où parmi la masse des humiliations subies on les dépouille de tout, y compris de leur nom: L’un des compagnons d’infortune d’Amiel raconte aujourd’hui ceci: « Là, dans les divers bureaux de recensement et d’immatriculation (les SS étaient comme tous bons allemands, très ordonnés et paperassiers), notre nom, notre dernier bien, est remplacé par un numéro« . Comme le numéro 45170 cité ci-dessus les hommes n’étaient plus des humains; c’est à mon sens aussi la suprême insulte, l’acte ultime d’inhumanité, accomplie à dessein par les bourreaux hitlériens pour réduire à néant une partie notable des « non-aryens » et autres « nuisibles » à l’établissement de la chape de plomb que les nazis pensaient pouvoir imposer à l’Europe « pour mille ans ». L’on peut véritablement comprendre par ces exemples malheureux combien notre nom est essentiel: Il nous est propre, nous désigne individuellement, il est notre propriété la plus intime et la plus précieuse; sans lui nous ne sommes plus des humains, tout juste des animaux propres à être utilisés pour le seul bien de la race dite supérieure, des animaux, non, même pas, ces êtres-là sont mieux traités, la preuve, ils ont eux aussi un nom! L’histoire a voulu dans sa grande sagesse faire en sorte que nous soyons et un individu propre et un membre d’une communauté génétique ou généalogique (notre famille au sens plus ou moins strict); nous devons à nos ancêtres, a l’histoire de notre nom, de notre famille non seulement de respecter ce nom mais encore de l’honorer. Comment? Mais tout simplement en faisant ce qu’ont fait tous nos générations précédant la nôtre, en le transmettant à notre propre descendance!
Mais reprenons le cours de l’histoire. A la libération du joug nazi, à Carcassonne, il faut noter les conséquences immédiates de cet évènement: Les administrations durent être rétablies rapidement, au moins provisoirement; c’est ainsi que deux carcassonnais, Louis Amiel, fromager de son état, et la libraire Breithaupt, qui durant l’occupation assuraient les contacts entre résistants locaux et responsables régionaux prirent ces choses en main: Louis Amiel dirigea pendant quelques semaines après la libération de la ville la municipalité de Carcassonne. Il s’occupa de recueillir les restes des résistants ayant péri dans l’explosion de Baudrigues et les fit ensevelir dans le caveau de sa famille au cimetière St Michel, le temps d’établir les liens avec leurs familles pour rapatrier leurs dépouilles. Après guerre, un autre Jean Amiel fut par exemple maire du petit village de Coustouge, dans la belle région méditerranéenne des Corbières audoises, de 1963 à 2000! De plus pendant plus de quarante ans il tînt entre ces deux dates la Régie des Tabacs (c’était en effet autrefois la qualification des débits de tabacs alors privilège d’état); grâce à ce valeureux maire ce coin du massif eut l’eau potable au robinet et le tout aussi indispensable tout-à-l’égout. Un temps administrateur de la caisse locale du Crédit Agricole, il jouit enfin d’une retraite bien méritée (cf « Lurio des Quatre Saisons » gazette du canton de Durban n°4).
Toutefois le personnage à noter durant toute cette période de la Deuxième Guerre Mondiale portant notre nom est sans conteste le Général Henri Amiel , commandant au moment des hostilités en Afrique Française, il prend la direction du Bataillon de Marche n°2 de la France Libre qu’il a auparavant aidé à constituer et participe avec lui à la Libération de nos colonies africaines et du territoire métropolitain. Il devient Général au cours du conflit et est élevé, outre au grade de Commandeur de la Légion d’Honneur, à la dignité précieuse et rare de Compagnon de la Libération par le Général de Gaulle; il aura droit à une notice détaillée, c’est bien le moins que je lui doive. Avec lui , sur les quelque cinquante-mille qui se sont enrôlés dans les « Français Libres » on trouve au moins six autres Amiel dont les noms et une courte notice vous seront aussi données. Après le Général il y eut dans les rangs de l’armée française, après guerre, le Colonel Pierre Amiel, né en 1943 à Toulouse.
Les Amiel ne pouvaient pas échapper en ce siècle de conflagrations mondiales au destin de millions d’humains qui s’illustrèrent souvent anonymement qui périrent tout aussi anonymement ou presque: seuls demeurent aujourd’hui leurs noms sur des stèles commémoratives parfois extrêmement longues mais ces simples noms sont ce qui restera d’eux pour les générations suivantes; l’honneur est dû à ces simples noms de notre part, honneur et respect, car un nom c’est sacré, surtout ceux-là!
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Dans « Il Penseroso » Henri-Frédéric Amiel a publié des pensées en forme de maximes dont celles-ci qui résument outre ses techniques générales d’écriture, le but de sa vie et le souci de son oeuvre à laisser:
« Désordre, oubli, retard nous mettent en servage: Prévois, pourvois, préviens si tu veux t’affranchir. »
« Comme tu vois autrui, saches te voir toi-même; Apprends à te traîter comme un autre prochain. »
« Pour faire un travail étendu Apprends à diviser l’ouvrage… »
« Le vrai secret de la manoeuvre Ne s’apprend qu’en manoeuvrant ».
Ces quasi-dictons qu’il a peut-être entendu lorsqu’il était jeune sont toujours d’une étonnante vérité et devraient encore guider nos actions comme ils ont guidé les siennes. Il publie ce recueil dont il pensait (avec les suivants et ses autres publications) qu’il ferait partie de son ‘grand oeuvre’ en 1858. Nous savons qu’il n’en a rien été et qu’il est surtout connu pour son « Journal Intime ». En 1877 il notait dans celui-ci une phrase prophétique concernant cette oeuvre à laisser après lui: « Laisser un monument aere perennius, une oeuvre indestructible, qui fasse penser, sentir, rêver, à travers une suite de générations, cette gloire serait la seule qui me ferait envie… ». Et sans le savoir, avec les dix-sept mille feuillets de son journal il y est particulièrement bien arrivé!
Quant à sa culture, ce socle incontournable de tout ‘honnête homme’ encore au XIXème S, il la voulait universelle comme de bien entendu: « Mille pensées erraient dans mon cerveau. Je songeais à ce qu’il fallait d’histoire pour rendre possible ce que je voyais…L’industrie, la science, l’art, la géographie, le commerce, la religion de tout le genre humain se retrouvent dans chaque combinaison humaine, et ce qui est là sous nos yeux sur un point est inexplicable sans tout ce qu’il fut. L’entrelacement des dix-mille fils que tisse la nécessité pour produire un seul phénomène est une intuition stupéfiante. » Cette dernière phrase définissant en quelques mots la science, toute la science est un modèle de concision et de perfection qui caractérise son esprit et la parfaite maîtrise de la langue de ses ancêtres paternels. Cet esprit qu’il voulait scientifique (c’est l’époque de l’établissement de ces fameux principes scientifiques je le rappelle), il le résumait dans ces deux mots latins sapere aude, « Voilà la devise des lumières du XVIIIème S. » ainsi que le dit le philosophe Kant en 1784 en réponse à la question « Qu’est-ce que les Lumières? » dans la « Critique de la faculté de juger ». Henri-Frédéric apportait ce commentaire, cette explication de cette devise: » Il faut oser braver l’opinion, il ne faut pas craindre d’être mal jugé lorsque à tout prendre cela en vaut la peine » (J. Intime 1866). Concernant sa propre connaissance de la science des langues (je rappelle qu’il fut un traducteur de langues diverses européennes et un spécialiste de l’allemand et du français) il est le premier à utiliser le terme conceptuel d’ inconscient: Ce mot bien qu’utilisé pour la première fois en 1751 par l’écossais Kames a été introduit par Amiel en langue française vers 1860 avec la signification de ‘vie inconsciente’. Le Dictionnaire de l’Académie Française ne l’admettra dans ses listes qu’en 1878; on sait que c’est Freud qui lui donnera sa pleine définition. Enfin dans ce même domaine il est le seul alors a avoir utilisé et pour la première fois le mot « procrastinateur » qui vous le savez peut-être désigne ‘celui qui remet toujours tout au lendemain’; ce mot étant donc un « hapax » ou mot utilisé une seule fois.
Cet énorme Journal Intime allait toucher et même influencer de grands écrivains comme Léon Tolstoï ou Jean-Paul Sartre parmi tant d’autres. Tolstoï dans ses « Journaux et carnets » écrira par exemple en 1892 « Pour Amiel, je voudrais écrire une préface où j’exprimerais ce qu’il dit en de nombreux endroits… » et en 1907 « Les pensées de Bouddha, de Kant, du Christ, d’Amiel et d’autres constituent une partie de ma vie… » quel hommage du grand écrivain russe! Sartre lui, dans ses « Carnets de la drôle de guerre 1939-1940″ écrira « …je voudrais attraper le style de mes gestes, je me suis fait l’effet d’un maniaque de l’analyse, genre Amiel » ce qui est aussi la reconnaissance d’un maître de la psychologie introspective que le grand écrivain français reconnait en Henri-Frédéric Amiel. Un peu plus près de nous, Erwin J. Bowien, artiste peintre suisse mort en 1972, qui a tenu lui aussi un volumineux journal intime, indépendant jusqu’aux limites de la solitude morale, revendique plusieurs ‘grands modèles’ parmi lesquels on ne sera pas surpris de trouver Amiel. Henri-Frédéric est d’ailleurs son préféré au point qu’il surnomma une de ses amies, « Amiela » ou « Amiele » dans son journal, hommage autant à la sensibilité esthétique du genevois qu’à son idéalisme plutôt panthéiste a travers la féminité.
Je vous l’ai dit, nombreuses sont les citations reprises de ses oeuvres; citations souvent morales, guides de vie autant personnelles, intimes que sociale, il peut encore être un modèle par ses phrases souvent à l’allure de maximes ou de proverbes pour beaucoup; en tous cas les auteurs divers ne se privent pas de le citer. Je ne vais pas vous donner la litanie de tout ce qui est régulièrement repris mais il me semble que ces quelques exemples pourront illustrer mon propos utilement:
« Soyons vrais, c’est la plus haute maxime de l’art et de la vie »
« Le monde est à la volonté bien plus qu’à la sagesse »
« Le nombre fait la loi, mais le bien n’a rien à faire avec le chiffre »
« Il faut porter sa vie et non pas la subir »
et pour terminer « Fais le bien et laisse dire » rappelant le fameux dicton.
Amiel a écrit des études littéraires diverses (sur Mme de Staël, Rousseau ou Calvin..) mais aussi des articles de journaux et parmi ceux-ci des critiques musicales car il fut un dillettante très averti en la matière. Il chanta dans sa jeunesse et suivit a partir de 1850 les séances publiques de musique de chambre au Conservatoire de Genève, dont c’était alors le premier essor. Avec Beethoven, Haydn, Mozart, Amiel fait partie des pionniers d’une nouvelle façon d’écouter la musique, aspect spécial qui devait être noté du personnage.
Icône incontournable des diaristes (auteurs du genre littéraire ‘journal intime’), mais aussi de tous ceux qui étudient la psychologie et la littérature des XIX et XXème S. il est honoré à Genève non seulement par une rue à son nom mais aussi par un Prix Littéraire de l’Université. Les originaux (reliés par lui-même en cahiers et tomes) de son immense « Journal Intime » sont conservés à la Bibliothèque de sa ville natale. Son nom apparait ici et là au fruit de relevés divers, ce qui montre quelque part son universalité. Un « Boulevard Amiel » et il s’agit bien de citer Henri-Frédéric, est présent dans une nouvelle de Jude Stefan et situé dans une ville du midi français (« Les états du corps: nouvelles et variations » II J. Stefan Champ. Vallon 1986 p.74). Jean Monnet, le père de l’Europe, citait paraît-il souvent cette pensée d’Henri-Frédéric Amiel « L’expérience de chaque homme se renouvelle. Seules les institutions deviennent plus sages: elles accumulent l’expérience collective et, de cette expérience, de cette sagesse, les hommes soumis aux mêmes règles verront non pas leur nature changer, mais leur comportement graduellement se transformer » (cf « La déclaration Schuman Mai 1950 Les idées de Jean Monnet » Groupe du PPE-DE P. Fontaine 2000). Plus d’un demi-siècle après il serait peut-être temps d’avoir en effet, les mêmes règles afin que cette sacrée Europe des Peuples et non des Etats (et de leurs gouvernants) se concrétise en une véritable fédération et non pas en une seule inefficace et ingouvernable union.
Amiel fut bel et bien un homme universel dont les idées sont souvent toujours valables et prises pour modèle comme on vient de le voir. Concernant son oeuvre principale , quelqu’un a dit qu’il s’est fait un nom pour avoir su disjoindre et remonter avec la patience d’un horloger genevois la mécanique de sa vie intérieure, c’est un jugement poétique et réaliste qui résume parfaitement ce qu’il vécut jour après jour.
Un jour, après le décès de la doyenne de sa famille lui qui n’avait quasiment pas connu ses parents, écrit: « C’était notre doyenne: ses souvenirs étaient les archives de notre famille paternelle. Elle emporte avec elle notre tradition. Les Amiel n’ont maintenant plus de racines qui les rattachent au passé. Pour moi en particulier, je n’ai plus d’aînés, et c’est sur moi que tombera régulièrement le premier coup de l’inexorable faucheuse ». C’est un regret qu’il a peut-être voulu ne pas reproduire en ce qui concerne ceux de sa famille qui lui ont survécu en laissant régulièrement dans son journal beaucoup de ses relations personnelles familiales; ce qui permet de suivre parfaitement la vie de son entourage familial pour nous qui n’en sommes pas généalogiquement parlant, mais qui en portons toutefois le nom. Ce qui nous permet de nous en revendiquer quelque part les parents bien que lointains; la gentilité, je vous le rappelle ne s’éteignait pas chez les romains de l’antiquité par la seule extinction d’une famille, elle renaissait dans l’une ou l’autre de la même gentilité.
Enfin le plus bel hommage, même s’il est bien humble, peut être trouvé dans cette définition de mots-croisés : « A laissé son journal en partant » ce qui peut paraître bien banal mais qui est un gage certain de sa popularité et de son universalité.
Pourrais-je appliquer les maximes que j’ai cité en tête du présent article dans le cheminement et l’écriture de ce « Monde des Amiel »? C’est ce que je me souhaite en tous cas et comme sur un chemin caillouteux donc semé d’éventuelles embûches, je prendrai bien garde de ne pas y tomber, mais s’il vous plait, dans la mesure du possible, prévenez-moi avant!
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« Se conserver l’âme pure afin qu’elle puisse refléter l’infini, cette idée profonde domina et dirigea toute la vie d’ H. F. Amiel ». Ainsi s’exprime Berthe Vadier dans son Etude Biographique (publiée en 1886) consacrée à celui qu’elle côtoya durant les dernières années d’existence. Amiel dit d’ailleurs lui-même dans son Journal combien la recherche de l’absolu divin ou autre le reliait à la recherche et à la connaissance de lui-même: « La pensée sans infini, c’est comme un paysage sans ciel: on y étouffe ». Son Journal Intime plus que ses oeuvres abouties (poèmes, traductions, études littéraires, cours de philosophie, critiques journalistiques, conférences) nous donnent à découvrir à travers ses milliers de pages un homme. Un homme cultivé, amoureux de la nature et de la féminité (qu’il sut très bien cerner), curieux du monde et des idées des hommes, attentif à leur histoire comme à son présent, cherchant à se connaître pour comprendre les autres, admiratif mais critique de grands écrivains, philosophes, poètes, musiciens même, maniant plusieurs langues mais adulant la langue allemande bien que très à l’aise en français, la langue de ses pères dont il était un fin connaisseur et la pratiquant à merveille. Malgré qu’il soit mort dans une certaine indifférence (ses écrits publiés durant sa vie n’ayant suscité que peu d’enthousiasme) il entrevoyait sans doute toutefois que son Journal pouvait présenter quelque intérêt puisqu’il permit à ses exécuteurs testamentaires d’en publier des extraits (ce qui fut fait dès 1882, l’année qui suit son décès et fut un beau succès de librairie). Encore un qui ne connut pas la célébrité de son vivant, du moins l’a-t-il subodorée; c’est en effet ce fameux Journal qui va le rendre célèbre à Genève dès la fin du XIXème siècle; célèbre et étudié, décortiqué, analysé en Suisse, en France, en Europe; et une fois traduit dans le monde entier. Sa découverte coïncide avec l’expansion des sciences psychologiques, ses écrits sont souvent pris comme exemple dans des études du genre, interprétés, toujours de nos jours. Beaucoup de ses phrases, souvent en forme de maximes sont citées pour illustrer nombre d’écrits littéraires, articles ou études. Mais l’édition complète de cette oeuvre magistrale, écrite jour après jour durant quarante-deux ans ne put se faire qu’a la fin du XXème S.
Cet extraordinaire Journal nous renseigne aussi parfaitement sur sa famille: c’est en tant qu’ oeuvre autobiographique un témoin privilégié des relations familiales de son temps, de son pays. L’amour immodéré mais bien compréhensible des paysages suisses qu’il a chanté régulièrement dans ses poèmes, défendu dans son chant patriotique « Roulez tambours » est bien présent aussi dans cette oeuvre magistrale. On le suit dans sa vie de Professeur de l’Université, après l’avoir suivi dans sa jeunesse d’étudiant et de grand voyageur européen, on connait tout de lui ou presque tant il est possible de le suivre au jour le jour quasiment, autant dans ses faits et gestes que dans sa tête: c’est assez exceptionnel pour l’époque il me semble (plus commun de nos jours où l’internet est là souvent d’ailleurs plutôt comme simple exutoire que véritable révélateur des pensées intimes). Il est patent qu’il ne triche pas avec son âme: son cheminement intellectuel et introspectif n’est jamais pris en défaut de mentir, il se livre véritablement dans ses écrits intimes et c’est peut-être là sa principale valeur.
Il ne fut pas un professeur idéal, il ne put se résoudre à se marier, à être non plus fidèle à une religion (question éminemment essentielle à son époque, surtout dans cette Genève protestante, terre suisse d’accueil de ses ancêtres castrais fuyant les persécutions royales françaises), poète peu loué (seul son dernier recueil « Jour à jour » eut quelque succès), traducteur pas plus estimé (bien qu’il fit l’effort de donner ses traductions en vers rimés), commentateur littéraire et historique parmi d’autres, mais il sut parfaitement se connaître soi-même, appliquant par là l’antique antienne socratique; et en plus il sut nous le faire connaître, si je puis dire, en nous expliquant jour après jour son évolution intellectuelle et son progrès dans sa propre connaissance psychologique. Oui, ce fut un grand monsieur et c’était un Amiel! Voici ce qu »en dit une critique de la première publication (partielle, cinq cent pages seulement) de son authentique journal: « Cette première mouture obtint un succès aussi critique que public en raison de la très grande clarté des idées exprimées, de la sincérité de l’introspection qui s’y dessinait, de l’abondance et de l’exactitude des détails, de la vision mélancolique qu’avait de l’existence son auteur et enfin de l’autocritique qui nimbait le tout. Ces deux modestes recueils étaient donc appelés à influer de manière notable sur nombre d’auteurs du XIXème finissant mais aussi sur les auteurs du siècle suivant. Avec un tel éloge nous sommes amplement autorisés (même obligés) à rentrer un peu plus dans la vie et l’ incroyable journal de cet amielien peu ordinaire, vous en conviendrez avec moi!
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Les meilleurs parmi les hommes peuvent aussi côtoyer en effet, si ce n’est les pires, du moins les plus ordinaires, avec quelques défauts, c’est autant vrai pour les Amiel que pour les autres; les faits divers relatés copieusement par les journaux avec force détails souvent (surtout lors des relations de procès en cour d’assises par exemple) sont là pour nous le prouver si besoin était. On apprend qu’un Auguste Amiel, ariègeois de naissance, garçon cordonnier (apprenti) à Toulouse, blessa mortellement d’un coup de couteau, le 12 Mai1835, un passant au cours d’une virée nocturne venant après une soirée bien arrosée: Traduit en cour d’assises, on lui reconnut la non-intention dans son geste fatal et la seule intention de se protéger, donc la légitime défense; il ne fut condamné qu’à un an de prison alors qu’il risquait en ce temps-là les travaux forcés (qui n’ont rien de commun avec les actuels travaux d’intérêt général!). Dans un autre numéro du même journal (Journal politique et Littéraire de la Haute-Garonne) il est question des suites d’une affaire de banqueroute frauduleuse (fausse faillite) des propriétaires d’une maison de commerce qui avait « pignon sur rue » alors à Toulouse et qui eut lieu en 1838: elle concerne les frères Amiel; Paul avait été déjà incarcéré car reconnu coupable; Auguste, lui, très bien défendu lors de son propre procès, ouvert ou plutôt peut-être réouvert en 1840 sur sa demande (!), fut relaxé; on aura sans doute l’occasion de développer cette affaire un jour. Il y a aussi les affaires politiques dans ce siècle qui a vu se succéder tant de régimes différents. Le coup d’état de Napoléon III nécessita une répression à grande échelle des républicains qui lui étaient hostiles; toutes les victimes de cette mainmise autoritaire du neveu du grand Napoléon Ier sont répertoriées et ont fait l’objet d’études et de publications par les historiens souvent locaux. On y trouve bien sûr des Amiel, et leur implantation confirme d’ailleurs ce que nous savons (Languedoc et Provence). Mais certains parmi ces réfractaires au régime impérial ont continué à agir, localement (ceux-là n’ayant pas été condamnés à la prison ou à l’exil); exemple les frères Victor-Emmanuel et Laurent Amiel, qui en 1853 essaient par de faux documents de renverser la municipalité légitimiste (pro-impériale) de leur localité, Mercus, en Ariège. Arrêtés à temps et jugés, ils reconnaissent devant le tribunal leur antipathie pour le nouveau régime municipal mais nient avoir fait des faux pour attaquer leurs adversaires: Soutenus par la veuve de leur avocat décédé avant l’issue de leur procès, ils sont acquittés (ref même journal 9 et 10 Mai 1853). Sous le Ier Empire et dans un autre registre, la police impériale aura à s’occuper de François Amiel, âgé de seulement douze ans mais ayant déjà des dispositions sexuelles mal venues: Abandonné de ses parents et recueilli par l’Hospice d’Avignon, non content d’être un voleur, il tenta de violer une fillette de cinq ans. Le jugement indique qu’il sera détenu à la maison centrale d’Embrun et assujetti à travailler (là encore je ne pense pas qu’il faille seulement penser à des T.I.G).
Ces quelques exemples journalistiques pour vous donner un court aperçu de la vie quotidienne générale il y a à peine un siècle et demi. Et pour réunir tout cela je ne peux que vous citer cet avoué près la Cour d’Appel de Toulouse qui avait pour nom Louis Marie Félicité Amiel. Il était aussi chercheur d’or en Ariège et natif de Chalabre où il avait vu le jour en 1815. Fondateur d’un journal, « Le Réformateur », républicain convaincu,il fut l’une des innombrables victimes du coup d’état cité plus haut (Décembre 1851) et, comme certains autres qui avaient supporté (dans le mauvais sens du terme) ce régime pendant dix-huit ans il put faire valoir ses droits et obtenir réparation de la part de la jeune IIIème République suite à l’adoption par l’Assemblée Nationale de la Loi réparatrice du 30 Juillet 1881.
Bien d’autres Amiel sont connus de ce temps-là; je l’ai dit les publications en tous genres explosent au fur et à mesure que ce siècle passe. Il y a véritablement une soif de connaître ce que l’on fait ailleurs, que ce soit dans les régions voisines comme à l’autre bout de la France, de l’Europe ou du monde. Les expositions universelles se développent, des journaux qui dureront parfois cent ans ou plus comme L’Illustration, La Croix, Le Figaro, pour ne citer que les plus connus des journaux français, vont semer leurs pages partout; les revues spécialisées vont rendre compte à leurs adhérents de l’actualité qui les concerne (sciences, inventions, disciplines nouvelles, associations culturelles, agricoles…). On essaie beaucoup de techniques : Ainsi les promoteurs de fermes idéales ou de pratiques modernes d’élevage, de productions diverses. Le Languedoc est alors par exemple en pleine révolution viticole: il faut produire plus et mieux, plus intelligemment.Je note le nom de mon arrière grand-père, Guillaume Amiel, alors régisseur des domaines du député audois Jules Buisson à Labastide d’Anjou (Aude), viticulteur puis pépiniériste viticole pour son propre compte (avec plus tard son fils Jean-Marie, mon grand-père et enfin mon père François) dans le volume 25 de la Revue de Viticulture édité en 1906. Dans le registre des Amiel honorés je vois le nom d’un artisan « ferblantier » Amiel à Limoux (objets en acier doux plus étain) qui, en 1851 reçoit la Médaille des Actes de Courage et de Dévouement pour un acte qui lui en valut donc l’attribution, paru dans « le Moniteur Public » repris par le journal de Toulouse cité plus haut (n° du 20 Juin 1851) ou le nom de Antoine-Palmouli Amiel, garçon meunier d’Ercé (09) qui, le 30 Mai 1845 sauva de la mort certaine et au péril de sa propre vie un jeune enfant qui était sur le point de se noyer. Il reçut lui aussi la même médaille (cf le Journal de Toulouse n° 189. 1854).
Sans quitter l’édition nous reviendrons plus longuement la prochaine fois sur le grand homme genevois que fut Henri-Fréderic Amiel, non pas pour décortiquer son Journal Intime et y déceler je ne sais quel aspect de son âme ou de son mental, non simplement pour vous indiquer, à travers des citations reprises de son oeuvre, par aussi quelques originalités concernant la langue ou la culture ou les aspects de sa personnalité, combien il représente ce siècle de foisonnement universel et combien nous avons à apprendre (et à retenir) de beaucoup de ses écrits. Beaucoup plus que des miens, c’est sûr, mais enfin j’espère au moins vous faire découvrir beaucoup de choses demeurées enfouies jusqu’à maintenant et votre plaisir à me lire serait ma satisfaction.
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Si la radio a été le média (comme l’on dit dorénavant) des deux premiers tiers du XXème S., le XIXéme lui, a sans doute été celui des journaux; journaux quotidiens ou à parutions plus espacées il est l’information des foyers et une source appréciable de nos jours pour mieux l’appréhender. On parle de tout dans ces pages, la diversité des informations, opinions, critiques est plus étendue qu’aujourd’hui; enfin on a des nouvelles d’ailleurs, de très loin même et les progrès techniques comme le télégraphe puis le téléphone y seront pour beaucoup. Le progrès est en marche dans ce domaine aussi et l’accompagne bien volontiers.
La banque connait un essor international comme cet établissement parisien de Jean-Henri Hottinguer qui, associé à Jean-Baptiste Amiel avant 1857 joue un rôle important sur le marché des changes, le commerce du coton et participe aux entreprises commerciales du Havre (76) où il possède une sorte de succursale. Cet Amiel fut auparavant responsable de la succursale de Marseille de 1837 à 1840. Un autre Amiel est l’un des premiers souscripteurs de la Banque de La Réunion.
C’est aussi un siècle où les inventions diverses et variées vont commencer à fleurir abondamment, phénomène dû peut-être a l’explosion industrielle et technique, mécaniquement parlant de ce siècle qui, enfin, commençait à affranchir l’homme du poids de sa nature pour lui faire entrouvrir les portes de la modernité en ce qui concerne ses tâches et sa vie quotidienne. J’aurai l’occasion par exemple de vous entretenir plus longuement de ce taillandier (coutelier) du nom d’Albin Amiel, de Lézignan-Corbières (11) qui inventa une cisaille pour tailler la vigne (alors en pleine expansion en Languedoc) et un procédé original pour sa fabrication semi-industrielle; son invention permit de gagner beaucoup de temps dans ce travail de taille et fut utilisé régulièrement jusqu’à la fin du XXème S. où l’invention du sécateur pneumatique vint apporter un confort supplémentaire en supprimant l’effort des bras et des poignets. Parmi ces inventeurs plus ou moins heureux cet Amiel qui s’associa avec un certain Decoeur pour déposer un brevet d’invention concernant le laminage de « bâtis de roues de wagons, tenders et locomotives » l’activité industrielle phare de ce siècle qui permit enfin des voyages rapides et confortables sans commune mesure avec le passé ainsi que des transports de marchandises tout aussi rapides et sur des distances inconnues alors. En 1887, un autre Amiel appelait l’attention du Conseil de Paris sur son invention, « la civière d’ambulance », invention louable mais sans avenir dont je vous narrerai le sort.
Les transports entre continents ont plus tardivement bénéficié des progrès de la traction à vapeur et encore après le milieu du siècle on continuait à naviguer à la voile; on trouve à Marseille en 1863-65 les armateurs associés Fournier et Amiel et un ‘trois-mâts’ leur appartenant, et à la fin de la Révolution, les armateurs Amiel et Duchesne au Havre qui offrent « l’Aimable Henriette » pour une incursion chez les Anglais le 19 pluviôse An VI; ou enfin en 1807 à St Malo (22) « MM Amiel & Cie » et leur « Tilsitt » (nom d’une victoire napoléonienne, on est sous l’Empire!) « à un pont,…armé à la part de St Malo par les dits sieurs …,pour faire la course avec avances » (rien à voir avec une compétition sportive; il s’agissait par là pour des corsaires de poursuivre des bateaux anglais ou autres et de leur subtiliser la cargaison, activité lucrative et autorisée pourvu que le fisc prélève sa part (ce qui diffère des pirates et flibustiers).
Parmi les créateurs de toutes sortes (mode, mobilier, coiffures, applications techniques de la science …) un mot pour ce parfumeur-créateur du nom de Amiel & Cie qui créa et exporta sur le marché londonien un parfum de violette de Parme dont on collectionne aujourd’hui les flacons.
Dans les arts aussi la modernité innove; un musicien Déodat de Séverac créateur avec d’autres noms plus connus de la « Schola Cantorum » (école supérieure d’enseignement musical de Paris) fit ses premiers pas dans son village d’origine, St Félix-Lauragais (31) grâce à un humble organiste de l’église du nom de Louis Amiel (1825-1910):élève dans sa jeunesse de la prestigieuse Ecole de Sorèze (81) Amiel fut son premier Maître et l’initia par les claviers de l’orgue aux arcanes de la musique. Bien entendu il lui apprit les bases du solfège et Déodat, reconnaissant à jamais dédiera à son cher Louis Amiel un choeur à trois voix, « St Félix », sur un poème en langue d’oc de Vincent Belloc. Déodat fonda une chorale à St Félix « La lyre du Vent d’Autan » en 1904, qu’il mit sous la direction de son protégé. Louis Amiel contribua également à l’oeuvre de celui qui devint son Maître en lui faisant parvenir des morceaux de chants populaires du Lauragais et du Languedoc, notés par lui qui les avait entendus dans la bouche de son père sans doute à moins qu’il ne s’agisse d’un travail de copie que Déodat fournit à son vieux professeur pour l’aider à vivre car Louis Amiel finit sa vie dans le besoin. De Séverac a bien tiré parti de ces morceaux régionaux, ressourçant par là la musique savante au riche folklore, et à l’art (de vivre) méditerranéen. Art de vivre au soleil représenté encore par Jacques Amiel, qui a vécu autour des XIX et XXèmes S. Marseillais il honora ses origines provençales en étant connu comme « tambourinaïre » c’est-à-dire joueur de tambourin (tambour typiquement provençal, à fut long et étroit, que l’on bat avec une seule baguette, l’autre main étant souvent occupée à jouer du fifre (petite flûte traversière en bois) avec lequel il accompagna les joyeuses farandoles du pays d’Alphonse Daudet allant de moulin en moulin, de mas en mas à travers la garrigue méditerranéenne. En Roussillon, l’un des autres pays méditerranéens du Golfe du Lion on danse plutôt la Sardane, mais le rythme en est tout aussi joyeux et exprime bellement le même pays méditerranéen. Ici aussi il y a des mas, ces domaines ruraux accoutumés à la rocaille, à la pauvreté des sols, à la sècheresse estivale et à l’écrasant soleil; il en est particulièrement un dont je veux vous dire l’origine, il s’agit bien sûr du Mas Amiel.
Il était une fois un évêque pris par le démon du jeu; on était au début du XIXème S. et il s’agissait de l’évêque de Perpignan, la cité majeure des Pyrénées Orientales. Ce brave homme un jour de grande malchance sans doute n’arrêtait pas de perdre, il avait pour adversaire un certain Raymond Etienne Amiel, ingénieur des Ponts et Chaussées de son état, on dirait de nos jours de l’Equipement, et cet homme était redoutable et quasiment invincible pour le pauvre représentant de Dieu sur terre; mais il ne le sut que trop tard. Aveuglé par son démon il perdit tous ses avoirs disponibles et dut se résoudre à miser le domaine viticole qu’il avait dans le terroir fameux de Maury, adossé à la barrière des Corbières, bien abrité l’hiver, bien exposé l’été et où l’on faisait un vin de messe plus qu’honorable sans doute. Diable, il ne pouvait pas faire autrement que de miser ce qui lui restait et bon dieu de bon dieu il le perdit! Raymond Amiel et sa descendance exploitèrent le domaine post-épiscopal qui prit le nom de « Mas Amiel » en l’améliorant pendant plus d’un siècle, puis ce sacré domaine passa en d’autres mains; il est aujourd’hui toujours magnifié et connu dans le monde entier grâce à un propriétaire volontaire et avisé, produisant des merveilles divines à se mettre à genoux devant, avant de les absorber religieusement, remerciant Dieu ou le Diable, on ne sait, d’avoir provoqué un si heureux sort à ce domaine finalement ‘béni des dieux’.
Dans la même région catalane on connait bien les frères Arago; ils étaient d’Estagel, plusieurs d’entre eux eurent une renommée nationale sous la Deuxième République en 1848 comme hommes politique et scientifique tel François, ou autre comme Jacques Etienne Vincent son frère qui fut journaliste notamment sous le pseudonyme d’Ernest Amiel, nom de l’entourage familial roussillonnais peut-être, républicain sans doute. Ce dernier qualificatif n’est sans doute pas celui que l’on peut prêter à Madeleine Amilia, écrivain moraliste et piétiste catholique de cette même période révolutionnaire préoccupée dans ses écrits de morale des femmes du peuple ou d’éducation religieuse (1852), de religion tout court (« Vérité au peuple du point de vue religieux » 1853; « Le mariage religieux » 1855). Car le peuple commençait sérieusement alors à s’éloigner dangereusement des choses de la religion, le prolétariat ouvrier s’émancipait de ces idées, s’ouvrait à sa condition souvent malheureuse, et le comble commençait à écrire sa propre vie. Un Amiel qui n’était pas français a écrit ses souvenirs de pauvre handicapé de la vie, il avait en effet le corps hideusement déformé par une syphilis latente et il eut à prendre une revanche sur cette existence devenue insupportable. Un deuxième du nom de Paul Amiel, ouvrier tailleur, syndicaliste de la première heure fit aussi le bilan de son existence comme d’autres ouvriers, en écrivant aussi ses « Souvenirs 1844-1913″ imprimés sur 94 pages en 1914 à Angoulème aux Editions Ouvrières, en peu d’exemplaires, signés et numérotés (signe d’une fierté toute nouvelle, à l’exemple des grands de l’édition dont il se considère l’égal au moins en droit?) Il s’agit en tous cas d’une belle biographie ouvrière constituée d’un récit exemplaire destiné à ses petits-enfants racontant depuis sa naissance à Toulouse d’un père aussi ouvrier tailleur, ses débuts comme commis aux écritures à Bordeaux chez un négociant en vins, puis son apprentissage à Paris…mais il souffrit de problèmes oculaires. On le suit comme stagiaire dans les ventes d’une compagnie de matériel chirurgical mais il se dispute avec ses supérieurs. Finalement à quatorze ans à peine, il devint employé d’une maison d’habillement pour hommes. Quelle vie déjà pour un jeune garçon dans cette France du deuxième empire et de la troisième république…
Si les progrès techniques, industriels ou scientifiques sont nombreux le progrès social surtout parmi les classes ouvrières et les employés attendront pas mal de temps encore et en plus il y aura deux guerres mondiales qui vont bouleverser la vie et dont les conséquences seront lourdes à surmonter. Ainsi va la vie, le meilleur côtoyant ou succédant au pire, vie chaotique dans laquelle nous sommes censés avancer. Nous avancerons peut-être ainsi aussi dans la succession des présents articles sur les Amiel, j’y suis pour beaucoup sans doute mais mon sujet, éminemment humain y est pour beaucoup également.
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Le dix-neuvième siècle par la nouvelle profusion des recherches en tout genre voit l’éclosion de disciplines scientifiques authentiques; les anciennes sciences vont, elles, se remettre en question et prendre le virage de cette même modernité. Les savoirs vont également se diffuser plus amplement, se confronter plus largement, s’assurer et préparer leurs propres suites…
Nous allons le vérifier dans quelques domaines et bien sûr par l’exemple de quelques amieliens qui ont vécu dans cette période peut-être aussi foisonnante que le siècle qui suivra.
La médecine s’organise dans les régions; le régime napoléonien met en place des universités plus efficaces que par la passé, des écoles de médecine (qui deviendront des facultés) comme à Toulouse où les « pontes » locaux mettent en place des cours de formation: Le Docteur Antoine Amiel, chirurgien de son état, devient Professeur de cette école toulousaine en 1809 et le restera jusqu’en 1840, il y occupera la chaire de pathologie chirurgicale. Né à Aulon (au pied des Pyrénées haut-garonnaises) en 1779, il devint aide-chirurgien à l’Hôtel-Dieu à la place de Viguerie (promis à un grand avenir) dès l’an VIII (1799) et peu après chirurgien-chef à l’Hôpital de La Grave, il sera professeur suppléant dès la création de l’école en 1807; les carrières étaient alors d’une rapidité foudroyante, il est vrai que tout était à recréer quand ce n’est pas à créer. Et le plus curieux c’est qu’il y a un autre Docteur Amiel connu à la même époque à Toulouse et qui exerça aussi à La Grave, mais celui-là était ‘aliéniste’, il s’occupa des personnes atteintes de maladies mentales (nouvelle discipline médicale à cette époque). Il fut l’un des premiers spécialistes de la folie à Toulouse, après ses maîtres Pinel et Esquirol; il débuta à l’Hospice St Joseph de La Grave entre 1795 et 1809, période où il appliqua des techniques de soins toutes nouvelles et commença sous l’Empire à opérer des classements selon les affections constatées, déterminées par les nouveaux savants de cette nouvelle partie de la médecine. On se souvient de lui pour son écoute particulière du ‘délire des femmes’ dans ses inspections médicales. Enfin il y a lieu de noter en cette période post-révolutionnaire le Docteur Romain Amiel, toulonnais de naissance qui devint chirurgien des troupes britanniques stationnées à Gibraltar et pour lesquelles il eut à juguler une épidémie de fièvre jaune en 1814.
Mais revenons en France pour aborder un autre secteur de la société, celui de la culture et particulièrement celui des arts. Plusieurs Amiel sont cités dans les gazettes spécialisées de ce siècle; j’y ai trouvé les noms de Louis-Félix Amiel, né à Castelnaudary (Aude) pour lequel j’aurai une biographie à vous proposer, il fut l’un de ceux qui eurent plusieurs commandes officielles de portraits de la part du roi Louis-Philippe pour constituer son fameux « Musée de l’Histoire de France », galerie de tableaux à ce sujet qu’il voulut installer dans l’aile nord du Palais de Versailles (où l’on peut toujours voir ces oeuvres), manière pour lui de restaurer le prestige de la monarchie bien mise à mal par la période révolutionnaire; il participa aussi à tous les salons de son temps présentant des portraits, quelques scènes de la vie quotidienne pour lesquelles la critique reconnait ses dons pour le dessin sans pour autant en faire des chefs d’oeuvre. Un autre presque homonyme du nom de Louis Amiel , de St Malo, fut dans le même temps connu pour ses portraits de chevaux et ses qualités de professeur de l’Ecole de Dessin de sa ville natale; on y reviendra aussi. Et puis il y a encore un Jules Amiel dont nous ne savons que peu de choses, peut-être élève d’Ingres (c’est ce qu’il affirme!), copiste au Louvre en 1834 (il demande une carte de copiste cette-année-là), peut-être faussaire; il est certain par contre qu’il fut un ami du peintre et dessinateur romantique Chassériau (un « portrait de Mme Jules Amiel » réalisé en 1845 porte de plus une dédicace en ce sens à la mine de plomb).
Le domaine théâtral dont les prémices de développement sont dus à la Révolution retient le nom de Pierre-Jean Amiel, auteur de théâtre peu connu qui a notamment écrit « Scaramouche ou la statue du Commandeur », ballet-pantomime en deux actes représenté pour la première fois en 1826 au Théâtre de la Porte St Martin, c’est bien sûr la vieille histoire de Don Juan dont le domestique est le fameux Scaramouche; il a aussi écrit « Choix de Fables d’Esope, avec des notes … »
Dans le domaine de la découverte du monde, on commence enfin à explorer l’Afrique, immense continent que l’on ne connait encore que par ses franges, ses côtes. Les Français vont se tailler la part du lion dans ce domaine, explorant des contrées immenses qui vont devenir les colonies d’Afrique Occidentale et Equatoriale Française pour quelques decennies. Un explorateur va même donner son nom à une région, un pays, Savorgnan de Brazza, à l’origine du Congo Brazzaville et de sa capitale; et il ne suffisait pas de découvrir, encore fallait-il se donner les moyens d’y rester; toute une organisation de pionniers suivait l’explorateur; dans cette suite on trouve le nom d’un Amiel, de son métier Quartier-Maître Charpentier de Marine, qui fut naturellement chargé des constructions dans les ‘stations’ terrestres qui furent décidées pour coloniser durablement cette région congolaise. En métropole aussi il fallait établir de meilleures relations terrestres entre les communes et dans les communes même. A Perpignan par exemple, on voit agir dans le département Raymond Amiel, ingénieur des Ponts et Chaussées (il crée, après la Révolution, la belle route unissant l’Aude et les Pyrénées-Orientales par le Col de St Louis, à découvrir pour voir la solution trouvée pour franchir une forte dénivellation avec peu d’espace disponible que je ne vous dirai pas!);cet homme ingénieux fut encore Architecte de la ville de Perpignan poste auquel succèdera son fils Louis de 1815 à 1834. Et la créativité s’exerce aussi dans des domaines très particuliers mais qui concourent aussi à cette modernisation générale de la vie: Dans le domaine horloger il est utile de noter que plusieurs Amiel suisses s’illustrèrent par exemple dans ce secteur. Moquin et Amiel inventèrent de nouvelles pièces d’horlogerie, de nouveaux mécanismes horlogers et furent parmi les premiers industriels à exporter dans ce que l’on appelait encore les grandes Indes (Amériques); dans les années 1778-1821 une Compagnie Melly-Amiel est bien connue à Genève; elle fut fondée par Samuel-Frédéric Amiel, Maître-Horloger, reçu Habitant de Genève en 1788, bourgeois en 1791, c’est le grand-père du grand Henri-Frédéric Amiel. A la même époque l’un des meilleurs ouvriers du Maître-Horloger Bréguet fut un Amiel.
Dernier aspect de cette époque dans le même registre, un architecte: Jules Chambellan Amiel, Comte de Mérindol, dont la descendance toujours présente se nomme Chambellan Amiel de Mérindol et pour lequel j’ai une notice, né à Milan en 1814, mort vers 1890, il fut élève des Beaux-Arts, puis l’un des premiers collaborateurs de Viollet-le-Duc, le grand restaurateur des monuments historiques de ce siècle, et enfin Attaché aux Travaux de la Ville de Paris
Nous sommes loin encore d’avoir fait le tour, le survol de ce siècle fourmillant d’idées, de nouveautés, d’améliorations, d’organisations, inventions…Nous continuerons donc sur cette lancée la prochaine fois, si vous le voulez bien comme le disait naguère un animateur de radio publique bien connu.
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« Laisser un monument aere perennius, un ouvrage indestructible, qui fasse penser, sentir, rêver, à travers une suite de générations, cette gloire serait la seule qui me ferait envie … » rassurez-vous ce n’est pas de ma plume mais de celle du grand penseur et diariste qui fait encore la gloire de notre nom, Henri-Frédéric AMIEL, suisse de naissance, dont je vous ai sommairement donné un résumé de la vie au début de cette ‘saga’ amielienne. Cette volonté d’écrivain relatant dans ses dix-sept mille feuillets et quotidiennement, à travers son existence, ce qui a occupé son esprit autant que son coeur est exceptionnelle. Depuis les premières publications partielles et choisies données peu après sa mort et sur son désir, jusqu’aux modernes « blogs » de cet outil ‘magique’ qui me permet de m’adresser à vous, il ne se passe pas beaucoup de temps sans que l’on ne parle pas de ses écrits: Connu dans le monde entier et traduit régulièrement, son « Journal Intime » est analysé (y compris et surtout dans le sens psychologique voire psychiatrique), commenté et aujourd’hui entièrement édité; une nombre assez incroyable de phrases de ses pensées sont citées comme références; souvent d’une modernité étonnante son oeuvre révèle un homme qui n’a jamais menti sur l’état de son être profond suivant les étapes de son existence et l’état du monde de ce XIXème siècle qu’il a presque entièrement connu. Je ne pouvais pas trouver mieux pour introduire ce temps pas si lointain, c’est celui de nos aïeux les plus proches, c’est le siècle où tout commence à devenir possible, au moins dans les sociétés occidentales pour lesquelles la conjugaison de multiples facteurs va favoriser l’émergence très lente sans doute mais incontestable d’une vie meilleure pour ses membres. Bien entendu notre gloire gentilice moderne, Henri-Frédéric aura droit à de multiples articles, cela va de soi! Parcourons donc maintenant ce siècle riche de mouvements politiques, de progrès scientifiques, techniques, artistiques et donc sociaux à l’aune de ceux qui ont porté le nom Amiel et participé à cette vie foisonnante, continuant en l’amplifiant énormément le siècle précédent, celui des idées nouvelles et des premiers soubresauts de la modernité.
La démocratie se met en place par a-coups en Europe comme en Amérique. En France le Premier Empire d’abord va remettre la France debout en organisant le pays, quelques régimes des anciens temps vont bien essayer de restaurer l’état comme royaume ou comme empire mais plusieurs révolutions et une guerre courte mais avec envahissement du pays sonneront le glas définitif de l’Ancien Régime. Il aura fallu quand même un siècle pour installer définitivement la République. Pour ce domaine il y a lieu de citer la lignée de militaires et barons Ameil dont le premier Jean Joseph Gilbert Ameil (quelquefois noté Amiel dans les oeuvres d’histoire), Général de Brigade qui reçut de l’Empereur Napoléon Ier le titre de Baron, titre héréditaire toujours transmis de nos jours à ses descendants (Mme la Baronne Ameil a été citée par les journalistes dans l’affaire Bettencourt qui agite le milieu politique en ce moment). Ce siècle est aussi celui de Victor Hugo, qui fut aussi un homme politique, on connait son aversion des pouvoirs non élus, sa haine de Napoléon le Petit (nom qu’il donnait au neveu du Grand Napoléon, Napoléon III); il fut proscrit de son pays avec trente-cinq autres compagnons sur l’île de Jersey en 1853, parmi ces irréductibles figure Jean-Baptiste Amiel, dit Amiel de l’Ariège. Auparavant ce républicain convaincu fut déporté à Douera et après Jersey, en 1855, il fut envoyé en Irlande puis enfin en Angleterre. A la chute de l’Empire il put enfin rentrer en France et il s’occupera alors de construire des chemins de fer (il y avait alors fort à faire dans ce domaine). Je pourrais citer plusieurs autres forte-têtes de l’époque qui ont participé à cette émancipation progressive du pays mais je n’en ai pas le temps; notons encore que les communes ont eu de nombreux Amiel comme Maires, souvent d’ailleurs de la même famille (cela se vérifie pour d’autres patronymes) pour un même lieu; ainsi par exemple pour la commune de Lambert (04, rattachée en 1973 à celle de La Robine sur Galabre) où l’on trouve comme premier magistrat Jean-Joseph Amiel de 1814 à 1832, puis Jean-Batiste (sic) Amiel de 1880 à 1886, et Eloi Amiel de 1926 à 1935. Un autre famille Amiel notables d’Aurignac en Haute-Garonne est ainsi également connue, elle a d’ailleurs aussi donné un Préfet qui ajouta à son patronyme Amiel celui de Dabeaux, nom de son épouse d’une autre famille notable du même coin que celle de ses ancêtres. Un autre Préfet du nom d’Amiel est connu en la personne de Léon-RodolpheAmiel, parisien d’origine, né en 1848, qui a la particularité d’être comme Louis Amade (préfet et parolier du XXéme S) un préfet-poète dont nous reparlerons bien sûr. Un pays qui s’organise, un pays qui enseigne ses enfants, c’est aussi une grande nouveauté de ce siècle (même s’il y avait déjà un embryon d’enseignement souvent confessionnel); outre les instituteurs ou maîtres de pension comme Isidore Amiel à Paris (qui eut aussi des activités politiques et dont on reparlera un jour) une figure sort du lot, son fils, Emile Amiel qui fut un élève brillant du Lycée Bonaparte à Paris; originaire comme son père de Villemur-sur-Tarn (31) il devint Professeur de Lettres aux Universités puis reprit par nécessité la direction de l’entreprise de son beau-père, en Côte-d’Or, département dont il fut Conseiller Général (à compléter plus tard pour d’autres raisons). L’enseignement c’est aussi un réseau de lecture adaptée, c’est le développement de beaucoup de disciplines nouvelles et dans ce domaine je dois dire quelques mots sur un bibliothécaire érudit du nom de Louis Amiel; ayant commencé sa carrière dans l’administration locale, il fut Secrétaire en chef de la Mairie de Reims pour laquelle il a dressé les Tables des Archives Législatives et Administratives, puis en poste à Châlons il oeuvra pour le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques; il y avait tout à découvrir, à étudier et à publier alors; on peut être étonné de nos jours sur l’immense travail de reconnaissance qui a été fait dans beaucoup de domaines de la connaissance: les érudits ne comptaient pas leur temps passé à fouiller, classer, recouper les informations, et pas seulement dans ces sciences humaines! En considérant les moyens qui étaient alors à leur disposition pour effectuer toutes ces tâches on ne peut que leur tirer le chapeau et relativiser avec nos moyens, informatiques notamment, d’autant plus qu’il faut ajouter à ces professionnels les amateurs et sans grade comme Firmin Amiel, fonctionnaire de l’Enregistrement (Impôts) qui était poète à ses heures (je vous en reparlerai); audois de naissance bien qu’ariégeois de coeur (surtout pendant son exil de fonctionnaire à Paris), il fit un travail d’ethnologie en collectant dans l’Aude les chansons populaires que l’on commençait aussi à répertorier. Tout ce travail effectué alors que la France sortait à peine de l’Ancien Régime est irremplaçable et précieux; je ne sais pas si ailleurs hors d’Europe ou même en Europe un tel volume et aussi divers ait été effectué; notre histoire est notre « plus » définitif et intouchable pour ce qui concerne plus de vingt siècles d’histoire à l’égal des vingt ou plus siècles précédents qui sont l’apanage des peuples de la Méditerranée.
J’ai commencé avec Henri-Frédéric, je terminerai avec lui ce premier article du XIXéme S. et pour rester dans ces dernières pensées, je citerai ces quatres vers de son « Hymne à Genève » sa ville natale:
« Descendez pour un jour des sphères éternelles, Penseurs, héros, martyrs, ancêtres glorieux, Soufflez en nous votre âme, et, déployant vos ailes, Emportez nos accents et nos coeurs vers les cieux ».
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Dernier volet sur ce vaste sujet qui n’a pas la prétention d’être exhaustif mais comme toujours d’exciter la curiosité et donc l’intérêt, un peu comme lorsque l’on feuillette un livre après avoir été attiré par le titre et sa présentation et que l’on se met à lire plusieurs pages voire tout un chapitre et finalement à le lire entièrement.
J’ai déjà bien abordé cette période riche d’évènements, de découvertes, de nouveautés que fut la Renaissance dans toute l’Europe et pourtant j’y reviens encore car il y a un tel foisonnement notamment culturel, humaniste, religieux qu’il est difficile de ne pas y accorder encore quelques regards et vous donner quelques personnages supplémentaires. Comme Elio Quinzio Emiliano Cimbriaco (en latin Quinti Aemiliani Cimbriaci), pseudonyme un peu pompeux mais bien dans le goût de l’époque de Giovannni Stefano Emiliano, littérateur et poète de Vicenze (Italie) du XVème S. Il étudia l’humanisme, cette philosophie de son temps, toujours présente de nos jours puis partit dans le Frioul professer le latin. Il obtint des lauriers et fut sacré excellent poète en 1469 pour des vers louant l’Empereur Frédéric III de Saxe. En 1489 il va à Lintz, à la cour de l’Empereur germanique Maximilien Ier, y est couronné une deuxième fois pour une oeuvre dédicacée à ce monarque. Il reçoit très vite le titre de Comte Palatin. Dès 1490 il retourne dans sa patrie, à Cividade del Friuli où il rimera jusqu’à sa mort (cf « Notizie delle vite ed opere scritte da litterati del Friuli » t1 G.G. Liruti Venezia 1760 pp382.394).
Au XVIème S. il me faut encore dire quelques mots sur ce Paulus Aemilius Romanus (1510-1575) écrivain, éditeur, professeur d’hébreu à l’Université d’Ingolstadt; à son nom originel très hébreu il ajoutera Paul devant et le surnom de romain derrière. Il était en effet juif d’origine et c’est pour affirmer sa conversion catholique qu’il modifie ainsi son nom (je rappelle encore que ces façons de faire avec son nom étaient courantes depuis toujours sans doute pour mieux se fondre dans une société différente de celle de ses origines, on l’oublie trop de nos jours où les pratiques sont d’une teinte plus identitaire). Il épousera Anna Augsburger qui lui donnera dix-sept enfants! Il enseignera la langue de ses pères, l’hébreu à partir de 1547 dans cette Université bavaroise où il obtiendra par ailleurs un « Baccalauréat en médecine » selon l’épitaphe de sa tombe se trouvant dans l’église d’Ingolstadt.
Restons en Allemagne avec Georg Aemilius (1517-1569) né à Mansfeld, parent éloigné de Luther le grand réformateur protestant allemand; il étudie de 1532 à 1540 à Wittenberg, ville de Saxe-Anhalt où il formera avec quelques amis un cercle de poètes néo-latins; en 1540 il devient Recteur de l’Ecole de Grammaire de Siegen (Rhénanie du Nord) jusqu’en 1553 où il accède au poste de Premier Surintendant de Stolberg. Il va y rester jusqu’à sa mort en 1569. Il écrivit des cantiques en allemand, traduisit des chorals de Luther en latin et s’intéressa à la botanique. Aux Pays-Bas, l’autre pays de la Réforme, on peut dire un mot de Robert Aemilius, fils de Gérard, né en 1663, il fut d’abord prédicateur protestant puis directeur du Statën Collège de théologie de Leiden (Frise Occidentale) où il décèdera en 1729 après avoir écrit plusieurs ouvrages sur sa religion.
A la même époque en Italie vécut un certain Francesco de Aemiliis en italien de son vrai nom Giovanni Francesco Emili (encore un qui n’a pas hésité à profiter de l’illustre et antique nom romain en s’en réclamant très explicitement); on a de lui un ouvrage de mathématiques intitulé « Magnéticarum motionum investigatio … » publié à Parme en 1682.
Terminons avec ces personnages de la culture par un curieux personnage dont le nom véritable est Peter Zorn; il vécut au XVIIIème S. et eut plusieurs pseudonymes dont celui de Théophilus Amelius; né en 1682, mort en 1746 il fut tour à tour bibliothécaire, philologue, professeur de théologie protestante à Kiel (Allemagne); il enseigna aussi le grec et ‘les antiquités’, l’éloquence et l’histoire (!), et eût de plus une vie errante et agitée en Prusse et en Allemagne, en Pologne (!!). Tout le monde rendait justice à son vaste savoir ainsi qu’à sa probité mais son comportement inconstant et ‘mauvais joueur’ dans les joutes oratoires fut peu apprécié, d’autant plus qu’il avait un caractère irascible (!!!). On n’a conservé de lui que des dissertations, des opuscules en latin dans le texte, alors que l’époque était désormais plutôt le français, mais quand on revendique un tel pseudo on se doit d’y faire honneur, n’est-ce pas!
Ce qui suit est un peu un inventaire à la Prévert mais voyez-y plutôt un éventail de la vie quotidienne de nos ancêtres du nom d’Amiel qui vous montrera que notre nom fut véritablement celui aussi de gens très ordinaires.
Bernard Amiel, prieur de Valmoissine héritier et neveu d’Adhémar Amiel (proche de la papauté voir ailleurs) et son exécuteur testamentaire au XIIIèS.
Messire Pierre d’Amiel, seigneur de Rivals et Brucassel, bourgeois de Carcassonne qui eut un parent Jean Amiel, contrôleur des ports et passages au XVIIè S.
Jehan Amielle, procureur des manans (sic) de Corbie, près d’Amiens au milieu du XVème S.
Raymond Amiel, bourgeois d’Avignon qui est sollicité en 1267-68 par le sénéchal afin de frapper la monnaie du Comtat Venaissin (état papal en France); dans le même registre, Tarascon-sur-Ariège fut par contre un rendez-vous de faux-monnayeurs au début du XIVème S. dont Guillaume Amiel dit Mercier, marchand de cette ville fit partie.
Plus modestement, Villegly (Aude) eut une tuilerie dont le maître était Bernard Amiel à la fin du XIVème S. De même dans la vallée de l’Ysieux, en Ile-de-France fut connue la famille de Jacques Amiel, ‘compagnon pottier de terre’
Jean-Baptiste Amiel était au début du XVIIIème S. juge en la Châtellenie du Canal du Midi (à l’époque Canal Royal des Deux Mers) pour le département (secteur) de Béziers.
Je ne peux qu’indiquer ici les innombrables consuls de communautés, paysans, laboureurs, bourgeois, notaires, avocats, marchands, artisans etc…cités dans les répertoires d’archives départementales (témoins, rédacteurs, accusés ou défenseurs, reconnaissances, accords, ventes ou donations …) qui occupent tout ce millénaire de l’Ancien Régime…
Quelques curiosités toutefois comme cet Amiel des environs de Toulouse (on n’en sait pas plus sur son identité) qui fut miraculé grâce à ND de Rocamadour au XIIème S. dont le récit fut consigné dans la liste des miracles reconnus par cette intervention « De quodam ruente ab arbore » vol XII, XLIX; ou ces deux traîtres amieliens de Pamiers qui ont livré leur ville ariégeoise en 1486 à un envahisseur-brigand du nom de Narbonne: Fauro et Naudo Amielh; ou encore dans le même registre, Antoine Amiel, jeune déserteur qui comparait devant la Cour d’Assises de l’Aude en 1835 sous une triple accusation de vols avec effraction, qui a derrière lui déjà cinq condamnations et fut condamné cette fois à six mois de travaux forcés et à ‘l’exposition’. Mais nous sommes là au début du XIXème S., l’ancien régime s’il n’est pas encore totalement anéanti et fait subir au peuple encore quelques soubresauts monarchistes, souffle par là ses dernières fumeroles. De nouvelles idées nées de la Révolution se mettent peu à peu en place, il y aura plusieurs révolutions pour renverser ces derniers régimes assez autoritaires, dont un né du bonapartisme, et après presque trois quarts de siècle la République (IIIème) va enfin s’installer durablement en France. Mais c’est véritablement alors une autre époque qui n’a plus rien de commun avec le XVIIIème mort dans les larmes et le sang des révolutionnaires, clôturant cet Ancien Régime que l’immense majorité de la population ne regretta pas. c’est une autre époque et donc une autre histoire, d’autres personnages, plus connus parce que plus proches et d’une époque dont la modernité, au moins dans ses principes, ne fait aucun doute.
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