Revenons donc à la fin de ce XVIIIème S. dit ‘des Lumières’ en raison de l’explosion des idées dont il vît l’éclosion en Europe, idées sociales, politiques, scientifiques, culturelles; cette fin de siècle va déjà en voir quelques applications avec le bouillonnement révolutionnaire français de 1789 qui va déteindre sur tout le continent au siècle suivant. Et les Amiel seront bien sûr de cette société en mouvement qui caractérisera depuis la marche des hommes.
Il est un mouvement, une organisation assez secrète qui prît naissance en Angleterre et qui va couvrir de son ombre et de son action tout le continent, accompagnant les théoriciens des idées, je veux parler de la Franc-Maçonnerie. Sans cette cheville ouvrière présente localement et agissant opiniâtrement peut-être les belles idées des penseurs de la société moderne n’auraient-ils pas trouvé l’écho nécessaire pour pouvoir entrer, quelquefois difficilement d’ailleurs, en application: Il fut de bon ton, normal que toute personne détenant une parcelle d’autorité ou de pouvoir, dans tous les domaines de la vie quotidienne ait son entrée dans une des innombrables loges maçonniques qui s’organisèrent durant la deuxième partie du fameux siècle des lumières. Cette véritable société de promotion des idées nouvelles avait ses codes, ses pratiques, ses secrets; l’ésotérisme n’en était pas exclu, on se référait souvent à l’histoire des hommes, à sa dimension religieuse aussi et la Bible avec ses personnages était une des références bien utiles (la « mort de Dieu », ne vous méprenez-pas n’est pas encore de ce temps, mais pour bien plus tard, on ne conçoit pas alors une société sans Dieu ou du moins sans un « Etre Suprême » qui d’ailleurs sera « porté sur les autels » par la Révolution). Encore aujourd’hui les Franc-Maçons, à tort ou à raison, là n’est pas la question, passent pour une association très fermée, même s’ils s’en défendent et n’hésitent pas à organiser des ‘portes ouvertes’ ou participer aux ‘Journées du Patrimoine’. On a trouvé dans les papiers du Maçon grenoblois Prunelles de Lière un curieux livre intitulé « Le Livre des Initiés ». Ce livre d’instruction écrit par un mystérieux « Agent Inconnu » entre 1785 et 1796 contient un texte presque illisible, étrange, délirant même, composé dans une langue originale mais complexe, accompagné surtout d’un lexique (heureusement!) commençant par le mot Amos et dont l’ensemble constitue pour les Initiés ‘la langue primitive’ des hommes. En voici un aperçu qui concerne directement notre nom: » la déclinaison d’Amros (avec Espos, Consuros, Imaos, Possos) répond aux consonances plus ‘fluides’ des Amiel (et autres Ael, Gabriel, Seliel) en leur opposant des ‘sous-âpres’ en ‘or’. L’oreille perçoit nombre de ces sonorités comme, (paraît-il), l’écho lointain des langues grecque, latine, parfois émaillées d’éléments sémitiques ». Dans Amiel nous avons largement vu toutes ces origines en effet, ici regroupées. Ces lointaines origines qui cimentent et relient solidement nos Franc-Maçons à l’origine de l’homme sur la terre, n’y apparaissent pourtant que par fragments car le texte était seulement destiné à être lu sans être dit (il y a même des graphes tout à fait imprononçables). Il s’agit là de parler d’un être sacré ou d’un sentiment pieux, dimension toujours actuelle et forte dans ce monde pourtant en révolution. Le terme même d’Amiel et plusieurs autres (Babilone, Gabriel, Seliel, Seth) sont à l’évidence puisés dans les textes ésotériques religieux, où ils désignent des anges (Amiel étant un des anges de la 8ème sphère du Ciel) ou des puissances dont le statut est d’ailleurs parfois réinventé. Il se peut que par ce livre son auteur ait peut-être voulu retrouver la « langue primordiale, adamique et unique » qu’auraient parlé les hommes avant le fameux « Déluge » et dont on retrouve trace dans la plupart des cosmogonies des peuples anciens. (rèf: « La Franc-Maçonnerie ésotérique au XVIIIème S. » Ch. Bergé Revue L’Homme 1997 Vol. 37 n° 144). Bien entendu je vous renvoie à ce que j’ai écrit auparavant sur les mythes dans lesquels notre nom apparaît en termes plus ou moins voilés.
Restons encore dans le mystère tout en rentrant dans le siècle suivant avec quelques mots d’un curieux écrivain du milieu du XIXème S., le Baron De Lamothe-Langon. Toulousain de naissance, le baron dans « L’homme de la nuit ou les Mystères » (1842) nous livre ses propres origines: Il a pour aïeule une dame « d’Amiel » dont la mère était une Varicléry-Carrare (on verra un jour que les Amiel de Tréville (en Lauragais) ont eu pour descendants des Varycléry). Ces Varicléry-Carrare étaient issus des souverains de Padoue, en Italie. Son aïeul, époux de cette dame d’Amiel, lieutenant-colonel de son état, est un personnage de Tuchant (sic) Tuchan dans l’Aude, terres très amieliennes comme on l’a vu souvent. Ce brave baron est bien connu pour avoir fourni de fausses biographies en serait-il de même pour ses propres origines? Qui sait? Il était en tous cas bien au courant des relations familiales de ces Amiel-Varicléry qui vivaient de son temps en Languedoc.
Jean Giono, l’auteur provençal bien plus connu que le baron précédent, parle lui, dans plusieurs de ses nouvelles de personnages truculents de la Haute-Provence et notamment de tout un ‘clan’ Amiel dont le plus ancien est dénommé « le Père Amiel », chef d’une famille dont la terre ancestrale est à « Piedgros », une ferme sise au milieu de châtaigniers (in « Faust au village »). Dans « Le dernier feu », roman où il raconte la vie quotidienne dans sa Provence des altitudes un siècle auparavant, vers 1830 donc, on lit les noms d’Augustine et Hilarion Amiel.
A la Belle Epoque, le très british Sir Arthur Conan Doyle, père littéraire du célèbre Sherlock Holmes fait paraître en 1908 ‘The leather funnel » (« L’entonnoir de cuir »), conte fastantique qui décrit par le détail les tortures infligées à la « Brinvillers », l’empoisonneuse fameuse du temps de Louis XIV. Il y est question aussi d’un personnage nommé « Le Père Amiel ».
Enfin pour terminer une oeuvre d’un anglais qui ausculte une famille française: « The French » de Théodore Zeldin. La famille c’est bien entendu les Amiel, ils sont audois c’est logique et nous sommes au XXème S. Leur histoire familiale fait l’objet d’un chapitre: Depuis au moins cent-quinze ans les Amiel sont audois; le plus vieux d’entre eux, le patriarche, Pierre Amiel, a 95 ans. Son nom dit l’auteur, rappelle celui d’un arrière-grand-père qui revînt de Moscou avec les débris de l’Armée Impériale de Napoléon en 1813. Ses prédécesseurs étaient notaires Pierre aurait dû leur succéder mais la vie en décida autrement: il rate ses études et devient producteur-négociant en vins, la production étant alors à son maximum; mais il fait faillite, les vignes sont vendues l’une après l’autre! Les Amiel ne s’en sauvent que de justesse. Pierre décide alors de devenir écrivain mais personne ne voulut éditer son oeuvre naissante. La poisse sur toute la ligne! Il se mit à aider les autres, à éduquer ses enfants et voulant prévenir des confrontations familiales et propager une certaine philosophie de la vie, il laisse à sa fille Colette, la grand-mère qui fait l’objet du chapitre, la place de chef de famille, attitude rare de lucidité comme d’intelligence de la part d’un homme, sans doute attaché à ses prérogatives ancestrales héritées des coutumes mais ouvert et moderne, un Amiel quoi !! les pieds dans le passé sans quoi on ne peux se situer et s’arrimer mais la tête dans l’avenir pour avancer.
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