Trouver un fil directeur pour vous parler des Amiel du XXème S. relève de l’aiguille dans la botte de foin mais il faut bien pourtant que je vous parle de ceux qui, il y a au plus un siècle, autant dire hier à l’échelle de la saga du nom, ont honoré ce patronyme aux origines si lointaines.
Pour commencer restons dans l’une des deux régions françaises d’origine de notre nom générique, le Languedoc. Parmi la longue liste des magistrats municipaux qui ont gouverné localement comme maires les villages ou villes du sud (autant en Languedoc qu’en Provence) et depuis longtemps (on les appelait consuls ou capitouls à Toulouse, les communautés d’alors dans ces régions s’administraient elles-mêmes déja au moyen-âge!) je pourrai citer, après tous les Amiel maires du XIXème S (j’établirai bien un jour une liste de tous ces personnes qui ont contribué à la vie locale) des noms comme Jean Amiel, maire de Chalabre (11) en 1930-31 qui rétablit la halle de ce petit bourg audois démontée par son prédécesseur et fut conseiller général de son canton dans les mêmes dates, ou, dans l’Ariège voisine, le nom de Lucien Amiel qui, bien que né à Toulouse et orphelin dès onze ans, élevé par un de ses oncles, prêtre à Castelnaudary (11) et par ses grands- parents boulangers qui le prenaient en vacances à Amplaing (09), fut maire de Saverdun (09) de 1965 à 1983, et dans le même temps lui aussi conseiller général de ce canton ariégeois. Entre-temps eurent lieu les deux tragiques conflits mondiaux; je vous passerai les noms des nombreux Amiel qui participèrent à ceux-ci mais je dois m’attarder toutefois sur quelques figures remarquables qui ont donné beaucoup pour notre liberté. Une rue ariégeoise porte le nom de Philippe Amiel, qui était au maquis de Roquefixade; le 27 Février 1944 il parvient à s’échapper des mailles de la Gestapo allemande et s’enfuit pour Marmande (47). Dans la Lozère on garde le souvenir de Jean Ameil dit « Zabala » (nom de résistant), né en 1916 à Clermont-Ferrand, inspecteur de police, qui fut responsable du maquis de Haute-Lozère durant l’été1944; il fit partie du Tribunal Militaire de ce maquis, siégeant souvent en conseil de guerre, participa aux condamnations et même aux exécutions, ce qui lui vaudra quelques violentes attaques à la Libération après laquelle il poursuivra les mêmes activités d’ailleurs; ce n’est qu’en1953 qu’une ordonnance de non-lieu le blanchira définitivement; il décèdera libre de toute accusation en 1982. Il y eut aussi des Amiel déportés, certains comme juifs, d’autres parce qu’ils étaient activistes et résistants: Lucie Amiel est morte en déportation à Auschwitz (Pologne) le 14 Novembre 1942; Marius Joseph Amiel, de Tuchan (11), communiste et cheminot à Paris, fut arrêté le 21 Juillet 1941, emprisonné à Fresnes (94), il transita par divers lieux de détention en France pour être, lui aussi, déporté à Auschwitz sous le numéro 45170. Un sous-chef de gare principal dont je n’ai pas le prénom, un Amiel en tous cas, fut arrêté avec d’autres résistants le 15 Décembre 1943 et envoyé avec eux au camp de Buchenwald, où parmi la masse des humiliations subies on les dépouille de tout, y compris de leur nom: L’un des compagnons d’infortune d’Amiel raconte aujourd’hui ceci: « Là, dans les divers bureaux de recensement et d’immatriculation (les SS étaient comme tous bons allemands, très ordonnés et paperassiers), notre nom, notre dernier bien, est remplacé par un numéro« . Comme le numéro 45170 cité ci-dessus les hommes n’étaient plus des humains; c’est à mon sens aussi la suprême insulte, l’acte ultime d’inhumanité, accomplie à dessein par les bourreaux hitlériens pour réduire à néant une partie notable des « non-aryens » et autres « nuisibles » à l’établissement de la chape de plomb que les nazis pensaient pouvoir imposer à l’Europe « pour mille ans ». L’on peut véritablement comprendre par ces exemples malheureux combien notre nom est essentiel: Il nous est propre, nous désigne individuellement, il est notre propriété la plus intime et la plus précieuse; sans lui nous ne sommes plus des humains, tout juste des animaux propres à être utilisés pour le seul bien de la race dite supérieure, des animaux, non, même pas, ces êtres-là sont mieux traités, la preuve, ils ont eux aussi un nom! L’histoire a voulu dans sa grande sagesse faire en sorte que nous soyons et un individu propre et un membre d’une communauté génétique ou généalogique (notre famille au sens plus ou moins strict); nous devons à nos ancêtres, a l’histoire de notre nom, de notre famille non seulement de respecter ce nom mais encore de l’honorer. Comment? Mais tout simplement en faisant ce qu’ont fait tous nos générations précédant la nôtre, en le transmettant à notre propre descendance!
Mais reprenons le cours de l’histoire. A la libération du joug nazi, à Carcassonne, il faut noter les conséquences immédiates de cet évènement: Les administrations durent être rétablies rapidement, au moins provisoirement; c’est ainsi que deux carcassonnais, Louis Amiel, fromager de son état, et la libraire Breithaupt, qui durant l’occupation assuraient les contacts entre résistants locaux et responsables régionaux prirent ces choses en main: Louis Amiel dirigea pendant quelques semaines après la libération de la ville la municipalité de Carcassonne. Il s’occupa de recueillir les restes des résistants ayant péri dans l’explosion de Baudrigues et les fit ensevelir dans le caveau de sa famille au cimetière St Michel, le temps d’établir les liens avec leurs familles pour rapatrier leurs dépouilles. Après guerre, un autre Jean Amiel fut par exemple maire du petit village de Coustouge, dans la belle région méditerranéenne des Corbières audoises, de 1963 à 2000! De plus pendant plus de quarante ans il tînt entre ces deux dates la Régie des Tabacs (c’était en effet autrefois la qualification des débits de tabacs alors privilège d’état); grâce à ce valeureux maire ce coin du massif eut l’eau potable au robinet et le tout aussi indispensable tout-à-l’égout. Un temps administrateur de la caisse locale du Crédit Agricole, il jouit enfin d’une retraite bien méritée (cf « Lurio des Quatre Saisons » gazette du canton de Durban n°4).
Toutefois le personnage à noter durant toute cette période de la Deuxième Guerre Mondiale portant notre nom est sans conteste le Général Henri Amiel , commandant au moment des hostilités en Afrique Française, il prend la direction du Bataillon de Marche n°2 de la France Libre qu’il a auparavant aidé à constituer et participe avec lui à la Libération de nos colonies africaines et du territoire métropolitain. Il devient Général au cours du conflit et est élevé, outre au grade de Commandeur de la Légion d’Honneur, à la dignité précieuse et rare de Compagnon de la Libération par le Général de Gaulle; il aura droit à une notice détaillée, c’est bien le moins que je lui doive. Avec lui , sur les quelque cinquante-mille qui se sont enrôlés dans les « Français Libres » on trouve au moins six autres Amiel dont les noms et une courte notice vous seront aussi données. Après le Général il y eut dans les rangs de l’armée française, après guerre, le Colonel Pierre Amiel, né en 1943 à Toulouse.
Les Amiel ne pouvaient pas échapper en ce siècle de conflagrations mondiales au destin de millions d’humains qui s’illustrèrent souvent anonymement qui périrent tout aussi anonymement ou presque: seuls demeurent aujourd’hui leurs noms sur des stèles commémoratives parfois extrêmement longues mais ces simples noms sont ce qui restera d’eux pour les générations suivantes; l’honneur est dû à ces simples noms de notre part, honneur et respect, car un nom c’est sacré, surtout ceux-là!
0 responses so far ↓
Il n'y a pas encore de commentaire, profitez-en !
Laisser un commentaire