Je ne vous ai parlé jusqu’ici que des Ameli-Amiel connus grâce à la « politique locale » quelle soit civile ou religieuse, mais les quelques treize siècles du moyen-âge nous ont aussi laissé les noms de personnes plus ‘ordinaires’ voire même en marge de la société, en tous cas les exemples qui vont suivre donnent, je pense, un aperçu de la vie sociale qui a rythmé la vie de tout ce temps.
Il n’est qu’à consulter pour commencer des recueils d’actes anciens comme les cartulaires ou des répertoires; au haut moyen-âge, dans le Vicariat de Malves ( « in Carcassonna civitate », petite circonscription proche de la ville de Carcassonne) voici les noms Ameliens que l’on trouve: Poncius Amieli (Pons) et son fils Pere (Pierre), Bernardi Amelii, Amelii tout court, Amelii Carbonelli (le charbonnier), Amelii Faber (le fabricant ou l’ouvrier), un Amei (qui a perdu un ‘l’), Stevan (Stephanus) Amelii, Guillem Amei de Serad (du lieu de ce nom); tous ces hommes sont cités sur un même acte concernant des dons de terres à l’église cathédrale St Nazaire de Carcassonne par l’évêque Arnaldus, acte signé par ce dernier mais aussi par quelques hauts personnages de la région dont Ameli de Carcassonna, l’an 1095 de l’Incarnation (de notre ère commençant à la naissance de Jésus). On remarquera que ces noms encore latins ne sont encore ni fixés dans l’ordre prénom-nom, ni dans l’orthographe, ni dans même le respect de la formation des noms correspondant à la langue latine.
Une liste de petits nobles ou simples chevaliers, recouvrant les zones géographiques traditionnelles des Amiel donne elle, une idée des noms dorénavant utilisés à partir du XIIèmeS.: Amiel de Bras, du Luc en Provence; Amiel d’Agout, damoiseau (chevalier en devenir), co-seigneur de divers lieux en Provence au début du XVè S.; Amiel d’Albertas famille provençale des XV et XVIèmes S.; Amiel de Vilar, seigneur de St Michel de Lanès (Aude), au début du XIVè S.; Amiel de Pujol, petit noble du côté d’Alos (Provence) au début du XIIIè S.; Amiel Ignace de Barrigue, seigneur de Fontainieu (Provence); Amiel Giozelas, de la fin du XIIIè S. auquels il faut ajouter ici les Amiel de Tréville, bourgeois de Toulouse dont ils furent régulièrement Capitouls (sortes de conseillers municipaux) seigneurs de ce petit coin du Lauragais dont il prirent le nom par suite du mariage de l’un d’eux avec une damoiselle qui en hérita. C’est sans doute le cas de nombre de ceux dont les noms précèdent ces derniers. On remarquera là pourquoi la particule ‘de’ devint la marque distinctive des nobles au fur et à mesure des siècles, faisant référence à leurs possessions principales, alors qu’ils n’en ont pas l’exclusivité; nombre de roturiers ont aussi leur nom patronymique formé avec ‘de’ suivi du toponyme de leur lieu de naissance ou de vie.
Voici une liste de soldats faisant référence à neuf actes trouvés à l’Hôtel National des Invalides à Paris (fondé par Louis XIV) concernant neuf Amiel qui y ont séjourné aux XVII et XVIIIèmes S. Jean Amielle dit La Jeunesse né à Montségur (Pays de Foix), qui s’y trouve en 1696, mais qui trouvant sans doute le temps long est déserteur en 1712; Pierre Amiel dit Pierrot de Narbonne, tambour (c’est son état militaire pas mental!) sera pensionnaire de 1713 jusqu’en 1750 (!) date de sa mort; Honoré Amiel, de Digne-les-Bains en 1692, Balthazard Amiel dit Belhumeur, né près de Riez (Provence), décoré, y passe les dernières années de sa vie, de 1781 à 1788; François Amiel dit La Douceur, de Toulouse (St Sernin); Jean Amiel de Villesèque (-lande, près de Carcassonne); un autre François Amiel, de Labastide (? en Ariège); Joseph Amiel, de Vinça (Pyrénées Orientales); Jean Amiel, de Carcassonne (St Michel). On voit enfin ici les noms formés et écrits de façon moderne; il faut noter toutefois qu’en ces temps où il n’existe pas encore de signes distinctifs individuels (photos, empreintes digitales, documents d’authentification de l’identité) alors que la population s’est accrue, il est nécessaire de recourir, une fois de plus dans l’histoire, aux surnoms, procédure qui existe encore de nos jours mais qui est du fait des progrès réalisés, tombée en désuétude. Rappelons ici que certains patronymes sont à l’origine des surnoms eux-mêmes (métiers, qualités, défauts, signes distinctifs …), relisez le début du présent article!
Enfin des registres protestants conservés au Musée du Protestantisme de Ferrières (Tarn), offrent les noms de onze Amiel dont trois au XVIIIè, tous originaires de la contrée.
Mais entrons vraiment dans le vif du sujet après ces considérations linguistiques qui me semblaient utiles. A part le menu peuple dont nous avons parlé à l’occasion de la période ‘cathare’ notamment, il y a cette catégorie de la population qui n’est ni noble ni cléricale, mais qui prendra de l’importance au fil des siècles, allant même jusqu’à acheter des charges (et des titres) d’abord, puis exigeant des pouvoirs (aboutissant à la Révolution de 1789), je veux parler des bourgeois; ces familles qui, à force de travail opiniâtre sur plusieurs générations souvent, ont réussi à gagner beaucoup d’argent; en tous cas suffisamment pour pouvoir en remontrer aux classes supérieures et exiger d’elles une place dans la haute société. L’exemple en la matière peut être trouvé en Guillaume Amiel, bourgeois de Montauban (Tarn-et-Gar.) qui s’enrichit avec le commerce des vins (notamment ceux de Gaillac) avec l’Angleterre. Il lègue par son testament de 1268 ses créances anglaises à son neveu, le veinard! Par la cooptation des capitouls son ‘éclat’ financier lui permet de ménager à sa famille un certain pouvoir local; ses descendants vont constituer une véritable dynastie gouvernante de cette ville. Ceci d’autant plus qu’il ne lésinera pas sur les affectations de sa fortune: Il fonde en 1266 un nouvel hospice et y associe ses collègues capitouls pour sa gestion; bien entendu cet établissement porta son patronyme. Pour ce sujet on ne sera pas surpris de trouver certains Amiel d’origine juive; Narbonne, on l’a déjà noté, eut au moyen-âge une importante communauté hébraïque; de même en Provence, en Arles, on trouve les noms de Guillaume et Jacques Amiel, fils de Charles Amiel, damoiseau d’Arles, « Cresque des Enfants (éducateur?), juif et neveu de Salomon… »(cf « Revue des Etudes Juives » collectif 1974); en Espagne enfin, à Epila (Aragon), vivait au XVè S. Abraham Amiello dont le nom nous est connu par le testament de son épouse (1462) en sa faveur sous réserve qu’il paye durant dix ans « cuatro dineros annales para las lamparas de la sinagoga »(cf « La villa aragonesa de Epila en el siglo XV » Marin).
Tous ces documents cités ont le plus souvent été enregistrés (et conservés) par des notaires ou des agents publics (seigneuries, villes, diocèses, sénéchaussées…) dont certains Amiel bien entendu dont il serait fastidieux de vous donner les noms mais sachez que l’on en trouve dans tous ces domaines et pour toutes les périodes.
Autre domaine, celui de l’esprit; je ne vous reparlerai pas de Gausbert Amiel qui fut troubadour de profession et dont l’exacte cadence des vers était vantée mais je dois citer ici Arnaud d’Amiel, poète provençal de la deuxième moitié du XIIIème S. et Guilhem Amelier, de Toulouse, troubadour du XIIème. Ce dernier a laissé des ‘sirventes’ adressés au Comte d’Astarac contre les moeurs du siècle, sur la décadence de la noblesse et de la jonglerie, sur la tyrannie et l’avarice des seigneurs, contre le clergé et les moines…un véritable discours de révolutionnaire. « Ces pièces, plus hardies (!) que spirituelles donnent de curieux détails sur les moeurs du temps » dit le commentateur (cf « L’Univers. Dictionnaire Encyclopédique de la France T.1 Didot Paris 1860).
Il y a ensuite ceux qui soignent le corps, là aussi je ne vais pas passer en revue tous les Amiel que j’ai trouvé dans ce domaine, je citerai seulement Romain Amiel, né à Riez, près de Toulon, qui durant les temps révolutionnaires est passé chez les anglais et devint donc un ‘surgeon’s mate’, en Novembre 1794. On sait que Toulon fut occupé temporairement par les anglais durant la Terreur; il est peut-être passé à l’ennemi avec sa famille alors, ou il était tout simplement d’une famille notable; ce qui est certain c’est qu’il s’agit d’une exception notable en ce temps-là en ce qui concerne les médecins anglais.(cf « Advancing with the army: medicine, the professions, and social mobility in the British Isles 1790-1850″ M. Ackroyd & all. Univ. Oxford 2006). Deux siècles auparavant exerçait Jean Aemilianus, mèdecin de Ferrare (Italie) qui a laissé un curieux traité sur les ruminants: « Naturalis de ruminantibus historia » imprimé à Venise en 1584. A l’époque post-révolutionnaire on peut citer Antoine Amiel, l’un des premiers chirurgiens de cette époque à Toulouse qui fut professeur à l’Ecole de Mèdecine et qui vécut de 1779 à 1842. Dans le même secteur, l’apothicaire Jean Amiel qui exerçait aussi à Toulouse mais bien plus tôt, en 1632. Sa pharmacie fut ensuite tenue par son fils Louis qui a aussi le titre de docteur en mèdecine. Située 24, rue des Couteliers ce fut ensuite la Pharmacie Lahens (à partir de 1788), pharmacie toujours présente au XXème S!
La suite au prochain numéro où nous parlerons des artistes, écrivains,hommes à tout faire des grands, quelques Amiel de langue anglaise, artisans et faits divers, toujours de façon succincte.
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