Bien avant Rome, la région du Latium, et une vaste zone autour, était habitée par plusieurs peuples: A commencer par les plus connus, car ils eurent une brillante culture, les Etrusques (ils donneront d’ailleurs plusieurs rois à la Rome des premiers temps); leur vaste territoire recouvrait la Toscane actuelle (nord ouest de Rome); au nord dans les Appenins vivaient les Sabins d’origine pélagique (peuple marin venant de Grèce); enfin dans le Latium, sur une montagne le dominant, la cité d’Albe-la-Longue. Ces trois peuples seront à l’origine de la plus belle ville de l’Antiquité, Rome bien sûr! Ce ne fut pas sans mal pour les uns et les autres, on se souvient encore de l’enlèvement des Sabines pour assurer l’avenir de la nouvelle cité ou du combat des Horaces (de Rome) et des Curiaces (d’Albe) pour régler le commandement des nouvelles troupes armées; et puis, surtout, de la fondation mythique par un certain Romulus. Je l’ai déjà dit, la question essentielle à la fin de la République et sous l’Empire, c’était de se réclamer les héritiers de la Grèce en ce qu’elle avait de meilleur, et les historiens s’y employèrent. Virgile même, le plus grand poète latin, composa une épopée nationale, « L’Enéide », faisant suite, pour Rome, à « L’Illiade et L’Odyssée » du plus grand poète grec de cette antiquité, Homère. Nous voyons dans l’Enéide, Enée, prince troyen (alors qu’Ulysse était ce grec envahisseur de Troie), quittant sa cité en flammes par mer, pérégrinant dans la Méditerranée et accostant finalement sur les côtes du Latium, où il s’allie avec le roi aborigène Latinus (d’où le nom de Latium), finit par épouser sa fille, Lavinie (Lavinia selon les principes de nomination des romains), et fonde la ville de Lavinium (toujours d’après la déclinaison latine). Son fils Ascagne, fonde, lui, la ville d’Albe-la-Longue et nous voilà ancrés dans ce qui va devenir le mythe de Rome par excellence, celui de sa fondation.
Le 13ème roi d’ Albe fut Numitor (vers la fin du VIIIème s. av. J.C.); il avait un frère du nom d’Amulius (ou Amilius selon quelques auteurs et voilà un nouvel ancêtre mythique!), qui le détrôna, suite à une question de succession mal exécutée selon certains. Le nouveau monarque tente de se débarrasser de toute descendance de son frère afin d’asseoir sa lignée; il fait notamment de sa nièce, Rhéa Sylvia, une vestale vouée donc à la chasteté…Mais celle-ci eût des rapports, consentis ou pas?, avec (tenez-vous bien!) le dieu Mars (un dieu très aemilien si je puis dire, comme on le verra). Et elle mit au monde deux jumeaux, Rémus et Romulus. Vous imaginez sans peine l’extrême courroux de l’oncle Amulius! Ni une ni deux, il faut se débarrasser de ces rejetons potentiellement dangereux, on les mets dans un panier qu’Amulius fait déposer dans le fleuve du Latium, le Tibre (Ovide F,4,53; Tite-Live I,3). On notera, au passage qu’Amulius n’a pas voulu par là prendre une solution vraiment radicale, ce qui permet aux Aemilii d’éventuellement pouvoir s’en réclamer les descendants. Toujours est-il que les dieux étaient avec ces enfants vu leur destinée, surtout celle de Romulus. Ces deux garçons vont, on le sait, être sauvés par la « Louve » puis par Faustulus et son épouse; devenus adultes ils vont, selon certains auteurs, se venger de leur oncle perfide en le tuant et en remettant leur grand-père Numitor sur le trône d’Albe (c’est ce dernier qui leur aurait dit de fonder une autre ville); pour d’autres Numitor comme Amulius étaient morts depuis longtemps … Il ne restait plus qu’à fonder la fameuse Rome, à l’organiser, à la peupler durablement avec ceux qui déjà en occupaient quelques collines (les Etrusques,les Sabins, les Latins d’origine locale etc…) et à la gouverner.
Nous avons donc vu après l’origine royale par le successeur de Romulus, Numa Pompilius, l’une des origines latines de notre nom, puis ici l’origine troyenne mêlée à l’origine même de Rome par l’oncle Amulius. Je dois ici revenir à une variante de l’origine des deux jumeaux: Il existe une autre histoire qui raconte que la mère des deux héros s’appelait en fait Aemilia, directement fille d’Enée et Lavinia, ce qui permet de combler le vide chronologique entre les guerres troyennes et la fondation de Rome en le supprimant; c’est l’explication d’Ennius qui a pour lui le privilège de l’âge, sije puis dire, puisqu’il vivait bien avant tous les auteurs habituellement cités (né en -239, mort en -169), explication reprise peu après par Fabius Pictor au IIème s. av.J.C. La relation avec le dieu Mars est en tous cas toujours avancée et expliquerait le prénom, le surnom et le nom même (nom de branche ancien) de Mamercus, déjà évoqué; en effet cette racine de ‘Mamers’ a bien pour origine le dieu Mars en langue osque (langue des Appenins du centre, des Sabins).
Comme je vous l’ai dit, il y a toujours quelque(s) chose(s) à conserver de réel dans les mythologies, cela est ardu à retrouver mais des recoupements, des comparaisons, l’étude des noms propres (là aussi!), peuvent nous y aider… Nous verrons donc quelle substantifique moelle l’on peut tirer des écrits de ces illustres auteurs antiques la prochaine fois.
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