Que nos plus anciens aemiliens aient une origine mythique troyenne (d’Asie Mineure que les grecs ont envahi à la fin du XIIIème siècle av. J.C., ayant ‘atterri’ dans le Latium et fondé Albe, « l’avant-Rome »), sabine (donc pélagique, grecs des origines, peuple de la mer qui se serait mélangé aux austères montagnards des Appenins), étrusque (ce peuple très civilisé de Toscane dont certains disent qu’il était lui aussi venu de Grèce, et qui a joué un rôle important dans la religion et les institutions romaines), quelques soient donc les possibilités qui ont été évoquées, les grecs en font partie. Bien entendu, il faut quand même dire que l’engouement de Rome pour la Grèce sera assez tardif: ce n’est qu’après Caton l’Ancien, au milieu du IIème s. av. J.C. et surtout la victoire d’Aemilius Paulus Macedonicus en -168 que les lettres, la philosophie, la culture grecque deviendront une référence civilisatrice; que commenceront à être écrites aussi (ceci expliquant cela) les premières ‘origines’ familiales aemiliennes, avec le « grec romain » Polybe (dont les oeuvres sont perdues malheureusement), dont s’inspirera Plutarque, deux siècles plus tard. Il était de bon ton d’avoir des ascendances grecques, d’asseoir ses origines patriciennes sur de solides fondations incontestées pour maintenir son rang social. Pourtant cette famille, cette tribu aemilienne avait de solides références historiques mais cette assurance supplémentaire ne pouvait que mieux cimenter leur rôle principal dans la conduite des affaires de la fin de cette République Romaine dont l’issue mena à l’Empire. Et nous verrons que les Aemilii furent proches (par la branche Lépidii) de la famille impériale augustéenne). Il faut redire aussi que les historiens ont eu à établir les origines mythiques des autres grandes familles romaines: ils ont utilisé notamment la ressource familiale des fils de Numa (dont nous avons parlé pour Aemilos-Mamercus) et ainsi trouvé des ancêtres aux Pomponii, Pinarii, Calpurnii, Marcii; n’oublions pas les Iulii qui, par l’ascendance troyenne se retrouvent parents des Aemilii (Jules César eût d’ailleurs dans sa jeunesse à faire appel à cette parenté lointaine). Pourquoi donc s’attacher à ces fameuses origines, me direz-vous? Cela va vous paraître curieux dans les temps qui sont les nôtres, où nos dirigeants de tous bords se moquent comme de leur première chemise de la notoriété morale qu’ils laisseront après eux, ce n’était pas le cas des anciens: savoir que l’on parlerai d’eux en bien était très important pour eux: Plutarque a écrit par exemple « De viris illustribus » (Vie des Hommes Illustres), Ciceron dans son plaidoyer « Pro Cestius » (143) lance même: « Imitemur nostros Brutos,…, Aemilios » (Imitons nos Brutus… nos Aemiliens). Les Romains furent fiers de leurs grands hommes et ils eurent raison: nous connaissons aujourd’hui encore leurs vies, leurs oeuvres, leur civilisation… particulièrement en ce qui nous concerne les Aemilii, cette vaste et très notable famille dont l’origine, dirons-nous se perd dans la nuit des temps, dont le nom est peut-être d’origine grecque, grâce notamment à qui, en tous cas, la civilisation grecque a eu droit de cité à Rome; une famille qui donna très tôt à Rome des Consuls (le premier étant Lucius Aemilius Mamercus en -484) et en nombre très important (les ‘Fastes Capitolins’ en recensent 76 sous la République, 19 sous l’Empire y compris les Dictateurs (rien à voir avec notre conception moderne de ce mot!) et les Tribuns Militaires à pouvoir consulaire, aux pouvoirs spéciaux mais très limités dans le temps. Mis à part cette charge sommitale de l’état, il faut indiquer que la carrière publique romaine obéissait à un cadre assez fixe au cours duquel chacun faisait ses preuves, carrière qui demandait aussi des moyens financiers importants, certaines dépenses étant à la charge de celui qui, de par sa fonction, devait en assurer la réalisation: la charge de ‘Censeur’ par exemple qui présidait aux commandes publiques: les Aemiliens y ont excellé au IIème s. av. J.C. En tant que Consul on commandait les Armées: Plusieurs Aemiliens ont ainsi « apporté » des victoires sur les peuples italiques puis sur les peuples extérieurs à la botte italienne: Ibérie (Espagne et Portugal), Provincia Romana (Provence et Languedoc-Roussillon actuels) et surtout la Macédoine grecque (Grèce continentale). Les Aemiliens enfin ont essayé de participer à l’Empire Romain, en mêlant leur sang à celui de l’empereur (sans grand succès ni durable), en ayant un empereur de son nom, Aemilius Aemilianus (deux fois aemilien donc) en 253 (mais de très courte durée). Vous l’avez compris, les aemiliens sont des hommes de la République Romaine, leur famille ne résistera pas à l’Empire; mais grâce à la notoriété hors-norme de certains d’entre eux, Aemilius Paulus Macedonicus (et son père Aemilius Paulus, consul mort sur le champ de bataille), Scipion Aemilien le destructeur de Carthage et son frère Fabius Aemilius (dont le fils apportera la Provincia Romana par sa victoire sur les Allobroges) , ses propres fils, ils seront à eux seuls l’éclat de la famille pour les siècles à venir. C’est par eux que le nom aemilien va traverser l’empire, la barbarie des siècles précédant le Moyen-Age, devenir par les martyrs chrétiens qui l’ont porté un nom individuel puis un nom patronymique, un nom du ‘père’ qui progressivement va se transmettre, selon une graphie propre à chaque langue, durant tout l’Ancien Régime, un peu partout en Europe, des Iles de Bretagne (Britanniques) et des Pays-Bas, Allemagne, jusqu’en Afrique du Nord; un nom que prendront comme pseudonyme bon nombre de ‘plumes’ de la Renaissance, un nom utilisé mainte et mainte fois dans des livres très divers (sous ses différentes formes dont Emile et Amiel) jusqu’à nos jours. Un nom que nous pouvons donc suivre par une multitude de personnages de l’histoire européenne, d’époque en époque, d’âge en âge comme l’on disait si justement autrefois; un nom qui a laissé également des traces en toponymie en Europe, bien sûr, mais aussi ailleurs dans le Monde.
Amiel, Aemilius: des latins depuis toujours
14 mars 2011 · No Comments
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