Vous m’avez suivi tout au long de ces articles un peu comme l’on suit un guide dans une visite accompagnée d’une demeure de famille d’illustres personnages. C’est bien sous cet angle d’illustration par l’exemple que j’ai cherché, tout au long de ma prose, à montrer comment notre nom s’est rendu remarquable depuis la très haute antiquité. Vous avez ainsi progressivement et selon l’ordre chronologique de l’histoire occidentale (la question des mythes mise à part) depuis les premiers écrits de l’histoire « créant » la première partie de notre nom « Am » jusqu’aux Amiel les plus récents (personnes, lieux ou personnages de roman) mis les pas dans le cortège de tous ceux, dont certains trop peu connus, qui l’ont porté, que ce soit par dévolution patronymique, par volonté propre de changement de nom ou par référence à l’antiquité hébraïque, romaine, gothe voire à la période médiévale occitane. J’ai essayé de rendre mes informations aussi attrayantes que possible en parsemant ici et là mes dires de considérations personnelles qui n’engagent que moi bien entendu; ma recherche documentaire sur ces périodes historiques est sans doute fragmentaire mais je ne prétends pas à l’absolu en la matière: l’essentiel étant pour moi de ‘couvrir’ la grande majorité du sujet si vaste de l’histoire de notre nom et de ceux qui l’ont porté, essentiellement en Europe et particulièrement en France où se concentrent vous le savez la plupart des Amiel du monde (plus de quatre mille sur les cinq mille probables). Je n’ai pourtant pas oublié ces Amiel qui sont partis, par nécessité le plus souvent au cours de l’histoire de l’Europe, vivre en Afrique ou en Amérique. Je n’oublie particulièrement pas tous ceux qui ont eu à souffrir du régime effroyable nazi et consorts que la vieille Europe a engendré voilà seulement moins d’un siècle.
Lorsque l’on considère l’extraordinaire cohorte des Amiel de tous les temps, depuis les hébreux jusqu’aux noms actuels, il se trouve que l’on peut entrevoir une sorte de trait commun inscrit même dans leur nom, ce fameux phonème universel: « AM » qui en français et dans les autres langues latines est le constituant de la plupart des mots en relation avec l’Amour. Ce mot universel dont la provenance française est à voir dans l’occitan ‘amor’, repris tel quel par cette langue du latin, le plus beau mot de la langue selon beaucoup d’auteurs, peut en effet être retrouvé dans les différents significations sur l’origine du nom.
Chez les hébreux (comme chez les arabes qui ont aussi un langue sémitique) ce phonème est en relation avec ‘les hommes’ pris comme cette entité spéciale dans les êtres vivants comme étant ceux qui pensent, aiment, ont conscience de leur vie présente comme de leur mort future. D’ hommes à peuple, il n’y a qu’un pas mais ce pas désigne ceux qui ont des intérêts communs, qui donc s’épaulent, s’entraident, en un mot s’aiment. La dimension purement physique d’amour entre les êtres eux-mêmes n’a pas ici à être mise à part, elle en est une expression remarquable, je pense personnellement que l’une ne va pas sans l’autre. L’Ancien Testament, la Torah juive regorge d’exemple de cet amour qui lie les hommes entre eux et avec la Divinité. Le Coran pour ce qui le concerne doit faire de même, je n’en doute pas.
Retrouver cette relation particulière entre les humains dans l’antiquité latine n’est, à mon avis, pas plus compliqué. Les auteurs romains nous disent que l’origine du nom de l’illustre gens aemilienne est à trouver soit dans le grec « aïmilios » où il désigne la faculté de bien parler et avec facilité, soit dans le latin « aemulus » où il désigne celui qui cherche à imiter (celui qu’il admire) jusqu’à la rivalité même. Il faut bien voir que chez eux la rhétorique, art bien oublié de nos jours, ou art de bien parler, était une dimension essentielle de la vie publique; l’amour de la langue était un avantage certain, et la fameuse « Tribune aux Harangues » de Rome a vu passer beaucoup d’orateurs dont certains ont pu avoir là un piédestal pour leur carrière politique ou intellectuelle durant toute la période de près de cinq siècles de la République Romaine. Plusieurs aemiliens ont été de très bons orateurs. Bien que d’une classe patricienne, les Aemilii ont souvent cherché à se rapprocher des plébéiens pour le bien du peuple romain; c’est pour cet amour de la République que l’un d’eux, Consul en fonction, est mort sur la champ de bataille; c’est pour ce même amour que d’autres ont fait voter certaines lois, somptuaires entre autres, qu’ils ont établi des limites à certaines fonctions (censeur), qu’ils ont gouverné les provinces avec discernement (d’où la grande popularité du nom Aemilius dans ces provinces puis sous l’Empire)…Faut-il rappeler que c’est en raison de l’amour des lettres et de la philosophie grecques que cette civilisation a enfin eu droit de cité chez les intellectuels et politiques romains…Et cette reconnaissance est due à Aemilius Paulus, émule des idées et de la littérature grecques qu’il a lui-même introduit à Rome. Enfin les très nombreux aemiliens gallo-romains, italiens ou ibéro-romains témoignent bien de cette émulation latine, l’empire ayant quand même duré plusieurs siècles autour de la Méditerranée. Sa chute est surtout due aux incursions de plus en plus nombreuses des peuples d’Europe centrale et du nord, comme vous le savez entre autres des suivants.
Pour ce qui concerne les goths puisqu’il s’agit d’eux, il peut à priori être difficile de trouver quelque parcelle d’amour chez ces peuples que les romains appelaient barbares (en fait ils voulaient désigner par là les étrangers, c’est tout). Et pourtant, ces hordes sans foi ni loi de tribus arriérées se sont bel et bien fondu dans l’antique moule méditerranéen, adoptant avec les noms latins (qui fit des Amali des Aemilii par consonnance, admiration voire émulation) les moeurs latines et le haut degré de civilisation romain. Derniers venus sur l’arc méditerranéen entre les Alpes et l’Ibérie, ils vont développer une brillante civilisation en Espagne, après avoir colonisé (pour peu de temps) la moitié sud de la Gaule et plus durablement le Languedoc et surtout la Septimanie. Ils vont rester sur ce côté des Pyrénées pendant deux siècles et demi et beaucoup d’Amelius et autres Amiel du haut moyen-âge en sont sans doute des descendants directs. Sans doute aussi faut-il voir en eux les pères de la romanité moderne, la romanité post-romaine de la Gaule des Marches d’Espagne du temps de Charlemagne, dont la brillante expression s’épanouira dans la civilisation occitane des troubadours, des cours d’amour et de la religion des parfaits des IX, X, XI, XII et XIIIème S. La langue occitane dont le rayonnement va couvrir quasiment la moitié de la France actuelle, auquel il faut ajouter le Val d’Aran dans les Pyrénées et le Val d’Aoste dans les Alpes Italiennes me semble avoir pour origine ce Languedoc dont le nom traduit bien cette opinion. Ce Languedoc dont la partie plus littorale constitua la Septimanie du Royaume Wisigoth d’Espagne (Languedoc-Roussillon actuel moins la Lozère) me semble bien être le creuset de la majorité de ces familles Amiel.
C’est en grande partie exact pour ces derniers Amiel occitans (y compris des Amielh provençaux dont l’origine est soit latine, soit spécifiquement occitane, en rapport avec l’amandier de cette langue dont les références avec l’amour ont été notées au débuts de notre périple amielien), mais les juifs, les ibéro-latins voire les Arabes, que pourraient-ils venir faire dans cette Septimanie? Faut-il donc rappeler que Narbonne fut une ville où ont vécu de nombreux juifs durant ce haut moyen-âge et même ensuite (certains ont même du arriver avec les romains) ? Que les Arabes ont fait un séjour dans cette région durant environ un demi-siècle ? Que les ibéro-latins d’origine wisigothe et catholiques sont venus se réfugier dans cette région en-deçà des Pyrénées ( lorsque les Arabes se sont installés pour très longtemps en Espagne) et se sont mis sous la protection de l’Empereur Charlemagne (celui-ci leur concédant des terres dans la région)?
La Septimanie, terre d’élection des Amiel depuis les Romains, réunissant les différentes origines de notre nom et corroborant la très forte présence du nom sur ces terres encore de nos jours me semble être bien le dénominateur cette fois géographique de notre nom. Même si l’on doit ajouter que ces dénominateurs ne peuvent être exclusifs et ne pas concerner tous les Amiel d’origine juive, les Ham(m)yel ou El-Hamy arabes et autres Ameel néerlandais ou belges voire les Hamel Hamelin ou Miële allemands etc….
Notre nom Amiel réunit donc en ces lieux languedociens le bel amour médiéval et occitan il réunit aussi les trois religions du Livre (juifs, arabes et chrétiens que ces derniers soient catholiques ou protestants) autant par ce mot Am que par El, le dieu des hébreux ou Allah, nom du même Dieu chez les arabes, le Tout-Puissant, le Seigneur des chrétiens. Il est un modèle de la relation entre les hommes, et des hommes avec Dieu. Je tenais à vous le faire connaître, voilà qui est fait.
Pour terminer cette longue visite-conférence je terminerai en paraphrasant un court poème d’Henri-Frédéric Amiel et m’adressant aux Amiel de ce jour je veux dire:
Notre nom est en nous mais rien n’est à nous
Ils l’ont porté, d’autres le porteront. Ravisseur téméraire,
Au domaine commun bien loin de le soustraire,
Rends-le comme un dépôt: Partager est si doux !
1 response so far ↓
1 Alain Amiel // sept 19, 2012 at 23:38
Je prends connaissance à l’instant de votre site et je voulais vous remercier infiniment pour tout ce travail accompli sur notre nom.
Je suis écrivain, critique d’art, spécialiste de Van Gogh et d’art contemporain.
Je suis juif originaire du Maroc, j’habite à Nice.
Ma famille descend probablement des Juifs chassés d’Espagne en 1492 qui se sont installés au Maroc.
Je vais prendre connaissance de l’ensemble des informations que vous apportez. Je vous recontacterai plus longuement.
Encore merci
Alain Amiel
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