Dans cette période notre nom va se faire plus discret au sein des hautes sphères de l’Eglise Catholique mais on le retrouvera cité dans la Réforme, ce mouvement protestant contre les dérives de cette église et qui va réussir à se former en véritable contre-église, notamment dans les pays anglo-saxons du nord de l’Europe. En France la RPR ou Religion Prétendue Réformée comme l’appelaient les milieux catholiques ne s’installera fermement et durablement que localement comme en Cévennes, ou Pays du Tarn en ce qui concerne les régions que nous suivons.
Voyons tout d’abord les quelques fidèles restés à la religion ‘traditionnelle’: En 1551 eût lieu le fameux Concile de Trente, pièce maîtresse de la Contre-Réforme Catholique, convoqué pour décider d’un plan d’action de grande ampleur afin d’éliminer le Protestantisme (on n’osera pas une croisade comme au temps jadis contre les cathares tant le mouvement de contestation est vaste); l’on y décida des mesures concernant la discipline, on y réaffirma et précisa les dogmes tel celui concernant la « transsubstantiation » du Christ dans l’Eucharistie (ou transformation en présence réelle), qui fit l’objet de discussions. L’un de ceux qui émirent un avis sur ce sujet, avis suivi par ses collègues, dont l’histoire a retenu le nom pour ce fait est Jean Aemilien, évêque espagnol du diocèse de Tuy (dans la région de Santiago de Compostelle). Il émit aussi un avis sur « l’attrition » sentiment plus modéré que la ‘contrition’ pour le pardon des pêchés. (cf. Cl. Fleury & J.C. Fabre « Histoire Ecclésiastique » Vol. 30 Frickx Bruxelles 1731).
Mais malgré ce plan de bataille, malgré toutes les manoeuvres auprès du pouvoir civil, la R.P.R continuera son oeuvre de restauration de l’esprit des Ecritures. Au XVIIème siècle, et bien avant le Concile Vatican II (1962) un prêtre du nom de Barthélémy Amilia, eût l’idée de se rapprocher de ses ouailles en leur parlant leur langue natale pour mieux les attacher à l’église de Rome. Il est vrai que lui-même était par sa naissance un locuteur de cette langue et par ses études un grand connaisseur de l’occitan. Je consacrerai quelques lignes à ce brave curé qui est connu dans la région de Pamiers (Ariège) pour avoir écrit en 1673 « Le tableu de la bido del parfait crestia(n) en berses que represento l’exercici de la fe … » oeuvre qui connut un grand succés dans le diocèse ariégeois puisque plusieurs rééditions sont connues (dont la 2ième en 1703) et une republication en …1897! Cette oeuvre (et là ce cher abbé n’y est pour rien, quoi que…) est encore appréciée de nos jours, non pas pour son charisme religieux, mais par les ethnologues, linguistes occitans et les historiens de la religion. Dans la même veine prédicatrice mais d’une façon plus académique, vers la même époque (fin XVIIème) et dans cette même région, il y a lieu de citer le Père Augustin Amiel, de Narbonne, franciscain qui mit, lui, son talent naturel, sa voix, au service du même but, par ses homélies. Ses prêches furent si célèbres qu’ils furent édités (en 1682, 1689 notamment). (cf. Institut Franciscain de l’Univ. St Bonaventure « Franciscan studies » Vol. 7, 1928). Enfin l’éducation à la foi passait bien entendu aussi par l’éducation tout court, domaine entièrement confié sous l’ancien régime à l’église catholique, on ne sera pas surpris de trouver quelques Amiel dans ce domaine comme ce père de la doctrine chrétienne qui enseigna à Gimont (Gers) à la fin du XVIIIème S. dont je vous donnerai quelques détails ou cet Abbé directeur des élèves du Roi au petit séminaire d’Aix-en-Provence dans les mêmes temps pré-révolutionnaires et dont l’histoire a retenu qu’il fut un interlocuteur et un des premiers correspondants de Bonaparte, alors que celui-ci surveillait les études de son frère Lucien, alors élève de cette institution ou enfin ce modeste curé de Valensole né à Roumoules (Alpes Maritimes), qui s’expatria (comme tant d’autres) à la révolution, et revint ensuite pour précher non seulement dans sa région d’origine mais jusqu’à Marseille et même Toulouse! Vous aurez quelques notes complémentaires aussi sur ces deux derniers.
L’installation du protestantisme dans les régions du sud, régions rebelles depuis longtemps aux pouvoirs ‘extérieurs’ tels que le Roi de France ou le Pape de Rome ne se fit pas sans mal; tout comme ailleurs l’église a reçu le coup de main des fonctionnaires royaux pour noyauter ces rebelles à l’église et à l’état. Il fallait au moins contrôler les activités de ceux-ci et la ‘police’ de l’époque s’en chargea. L’Edit de Nantes était révoqué depuis bien longtemps que les protestants étaient toujours actifs; en Languedoc, au XVIIIème S. on voit par exemple l’intendant Le Nain avoir recours à de nouveaux convertis pour mettre en place un noyautage des foyers ‘infestés’ de la région; ainsi doit-on considérer le rôle de Pierre Amiel, marchand de Montpellier en lien avec des protestants du Tarn dans les années 1750. On en reparlera sans doute un jour.
Parmi les premières traces du culte réformé dans le Languedoc et concernant les Amiel, l’histoire protestante a gardé le souvenir de Maître Pierre Amiel, licencié es droits qui représenta la communauté de Limoux (Aude) et fut témoin à ce titre à la cérémonie solennelle pour la reconnaissance dans le Haut-Languedoc des droits reconnus à la communauté protestante le 30 Novembre 1561 par le roi Charles IX. La sagesse du pouvoir politique d’alors contraste fortement avec les effets de la Contre-Réforme Catholique dont la répression périodique et la révocation du fameux Edit de Tolérance par Louis XIV…Mais donc malgré tout la religion réformée s’est maintenue et les convertis furent nombreux: St Antonin-Noble-Val se souvient de son siège et de sa réduction (ré-obéissance forcée) par Louis XIII pour laquelle il y eut la pendaison de douze habitants en représailles (les nazis n’ont rien inventé sur ce sujet), et comme le jour dit il n’y en avait que onze on attrapa au hasard un douzième individu pour que le compte y soit mais ce pauvre bougre n’était pas un habitant de cette ville, il s’appelait Pierre Amiel et habitait à Verfeil; son martyre eut lieu le samedi 25 Juin 1622 (cf. M.A.F Gaujal « Etudes historiques sur le Rouergue » Vol.4 Dupont Paris 1859). Toujours au même lieu, en 1700, dans le dénombrement des nouveaux convertis, comme quoi toutes ces intimidations n’ont servi à rien, je note ces noms : Jean Amiel, maçon et sa femme, Marthe Amiel et Marie Amiel leurs filles, qui se sont mariées au même St Antonin. Enfin notre nom sous sa forme latine fut honoré par quelques lettrés protestants tels que Robert Aemilius prédicateur hollandais de la 2ème moitié du XVIIème S., un plus connu du nom de Georgius Aemilius (son nom patronymique véritable était Oemler) et celui qui est présenté comme son frère, moins connu, Christophorus Aemilius, qui, au 1er tiers du XVIIème S. présente son point de vue, à Mulhausen, dans une ‘dispute’ théologique (discussion), dont les arguments ont été publiés en 1631 par Fabricius.
Ce mouvement protestantiste si essentiel soit-il dans l’Europe de la Renaissance et ensuite ne peut, pour ce qui concerne la terre d’élection des Amiel faire oublier et passer au second plan la période de l’hérésie cathare, qui bien que plus ancienne, a touché tous les habitants du Languedoc et des régions voisines pendant trop de temps et avec tant de hargne de la part des mêmes pouvoirs politiques (le Roi de France) et religieux (l’Eglise Catholique). Nous aborderons ce sujet si sensible encore dans ces régions occitanes et pour ce qui concerne notre nom, trop souvent cité pour ce domaine du moyen-âge et a cause duquel le sud occitan deviendra contre son gré le sud français.
0 responses so far ↓
Il n'y a pas encore de commentaire, profitez-en !
Laisser un commentaire