Les historiens du XIXème S., Michelet par ex., redécouvrent (et réécrivent) l’histoire de notre France, localement des érudits de toutes origines, historiens autodidactes souvent, entreprennent de fouiller les archives de leurs régions. Que ces archives soient privées ou publiques, ces dernières se constituant en Archives Départementales, il n’est pas un coin de France qui échappe à leur recherches; je l’ai déjà écrit c’est un siècle de fourmillement scientifique dans tous les domaines du savoir, un siècle qui prépare et met en place tous les outils de base pour les bonds scientifiques du siècle suivant et dont nous sommes les héritiers. En Languedoc nos rats d’archives et de bibliothèques redécouvrent, entre autres périodes et progressivement, l’importance du haut moyen-âge pour la connaissance de nos ancêtres: ce sera d’abord les faits avec surtout la Croisade contre les Cathares, puis à travers l’immense patrimoine laissé (et redécouvert) de l’oeuvre des troubadours, la connaissance du haut degré de civilisation atteint par une véritable civilisation occitane durant cette période: Les Cathares l’avaient prédit: « Au terme de sept-cents ans notre histoire refleurira » et en effet, l’intérêt va croissant à partir de la fin du XIXème S. jusqu’à nos jours pour cette période fondamentale de l’histoire du sud de la France, autant pour l’histoire pure et simple des faits (horribles de la Croisade mais glorieux pour ce qui concerne la société féodale des pays de langue d’oc de l’ Aquitaine à la Provence, du Languedoc et Pays pyrénéens à l’Auvergne) que pour l’histoire de la civilisation occitane (littérature, poésie, arts, vie quotidienne, moeurs, rapports de pouvoir…). Il aurait été surprenant que, dans un pareil contexte, les écrivains locaux ne s’emparent pas de ces faits et ne les utilisent pas dans la création littéraire de notre époque. Que ce soit en occitan moderne (ce qu’est déjà l’occitan du moyen-âge à bien d’égards) ou en français (la langue du colonisateur) les oeuvres sont nombreuses, voici quelques exemples qui incluent notre nom si souvent rencontré dans l’histoire réelle en ce temps-là.
« Les bûchers du paradis » de Gérard Raynal qui fait du personnage d’Amiel Estanhol, son narrateur pour raconter l’histoire cathare: Amiel fuit Durfort (des Corbières, dans l’Aude) son village, au moment où l’ost (armée) du nord, celle des chevaliers français venus surtout ‘rafler’ des terres facilement, commence ses ravages; il devient devant ces exactions, comme beaucoup de ses compatriotes languedociens, cathare (simple sympathisant ou véritable parfait) et il raconte son périple (dangereux désormais) à travers le pays dévasté jusqu’au pog de Montségur, dans les montagnes ariégeoises du Pays de Foix, le réduit ultime avant l’assaut final de Mars 1244 par le Sénéchal du Roi de France, Hugues des Arcis amplement aidé par l’Archevêque de Narbonne pour ce qui est du devoir de la foi de Rome, Pierre Amiel (eh oui! il y eut de tristes sires qui portèrent notre nom, j’en ai déjà parlé).
Une chronique cathare avec « Le paon » de Jean-Côme Noguès ensuite. Nous sommes toujours au XIIIème S., le chapitre 2 intitulé « Jordi » (Jourdain en français, prénom en usage alors) parle des aventures de ce personnage dans la Montagne Noire. On le suit, il est accompagné d’un certain « Baron Amiel », et vers le Gouffre de Malamort, il apprend que l’enfant abandonné qu’il avait recueilli et confié à Ragonne (objet du chapitre 1) est, à nouveau sans protection, ledit Ragonne étant mort. Jordi demande au seigneur Amiel qui, en droit est le seul à pouvoir décider du sort de l’enfant, de lui donner sa liberté. En échange, dit le seigneur, tu dois dénicher un faucon tiercelet hors de mon fief. La suite de l’histoire, maintes fois rééditée car support de cours auprès des élèves de collège dans toute la région, permet à de nombreux jeunes de découvrir outre ce moyen-âge si souvent décrié, avec la religion cathare, l’histoire de leur région.
Un roman historique de Robert Azaïs « Requiem pour un comte défunt » se passant dans le Pays de Foix met, lui, en scène, des personnages aux noms connus de l’histoire réelle comme cet Amiel Othon de Roquefixade, de la nombreuse et ancienne famille des Amiel de ce pays, celle des Amiel de Pailhès, de Rabat, de Marquefave, qui ont marqué ce coin de l’occitanie durant le haut-moyen-âge.
Un roman d’histoire-fiction ensuite avec « L’épée d’Amelius » de Didier Bernard (ED. Lucien Souny 1999) se déroulant à la fin du XIIème S. et qui a pour cadre le Limousin et l’Aquitaine, régions occitanes qui virent fleurir de nombreux troubadours et non des moindres.
Enfin pour revenir à notre époque mais en référence à cette riche mais triste période cathare, « Nouveaux cathares pour Montségur » roman de Saint-Loup (Presses de la Cité 1969) laquelle oeuvre parle de la vie rurale dans ces terres imprégnées du sang de la conquête française, aujourd’hui toujours rouges, non plus de ce sang mais de celui du vin qui a envahi (depuis cent-cinquante ans) la plupart de ces terres et tend à régresser de nos jours.
L’esprit de non-conformisme aux idées de Paris est toujours vivant sur ces terres: comme au moyen-âge ses habitants, souvent descendants directs de ces hérétiques osent relever la tête, revendiquer, manifester, s’opposer (souvent avec force comme lors de l’accession au pouvoir de l’empereur Napoléon III, lors de la suite de la proclamation de la IIIème République en 1870-71, temps de la Commune de Narbonne, de Toulouse, encore lors des « évènements de 1907″ ou plus près de nous de Montredon-des-Corbières dans les années 1970). Le drapeau des Comtes de Toulouse, cette Croix du Languedoc (croix pommetée tracée en jaune d’or sur fond rouge) est de nos jours de toutes les sorties revendicatrices comme il l’est des rencontres festives qu’elles soient sportives ou culturelles. Cette croix figure sur les emblèmes de nombreux départements et régions occitanes, comme au moyen-âge même les élus s’en réclament et font ainsi une juste place à la mémoire collective de cette histoire si lointaine pourtant, mais si proche paradoxalement.
La suite de ces articles sur notre nom en littérature nous ramènera dans l’histoire des idées philosophiques et sociales qui se font jour dès le XVIIIème S. à l’époque des temps modernes dont nous sommes héritiers, qui se poursuivent au XIXème en s’étendant dans la société, se mondialisent au XXème. et paraissent se démocratiser enfin maintenant à tout un chacun grâce à la technologie dont j’use notamment ici pour vous faire savoir ce que je sais sur notre nom.
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