S’il est relativement facile de dégager une figure amiélienne du XIXème S. en l’occurrence celle de Henri-Frédéric Amiel dont je vous ai spécialement parlé, la tâche devient plus difficile pour le dernier siècle; la proximité n’a pas pu donner le temps à l’histoire de faire son oeuvre naturelle de tri, de jugement selon ses propres critères, un peu comme il est difficile de savoir à l’avance l’importance à long terme des évènements que nous vivons actuellement: la hauteur et la profondeur de vue nous manquent pour juger de ce que nous sommes, faisons, pensons…C’est donc tout à fait arbitrairement que j’ai choisi, pour clore ce très long voyage dans l’histoire et l’espace occidental, de vous parler de trois personnalités qui ont marqué, à mon sens, notre nom Amiel il y a peu de temps; ils pourraient être de notre propre famille, nos pères ou grand-pères, notre mère ou grand-mère et ils donnent à notre nom un brillant éclat, un peu à la manière de nos ancêtres aemiliens des temps de l’Antiquité Romaine….
Par ordre d’ancienneté je vous dirai donc quelques mots d’un Amiel juif du nom de Moshe Avigdor Amiel Il est, vous allez le voir un archétype de ces juifs qui, nés dans l’Europe de l’est de ses ancêtres, a migré d’abord en Europe de l’ouest puis a décidé de soutenir et vivre dans la Terre Promise d’Israël; mais il fut aussi un homme exceptionnel et un rabbin remarquable du XXème S. Il naît en 1883 en Russie blanche (Biélorussie actuelle) et dès l’âge de 18 ans il est ordonné rabbin par les sages religieux. Quatre ans plus tard il part en Lituanie comme rabbin de la communauté dans ce pays. En 1913 il s’installe à Graïevo, en Pologne puis en 1920, lors d’un Congrès sioniste et suite à ses brillantes interventions à la tribune, il est porté au siège du rabbinat d’Anvers, en Belgique. C’est une ville qui accueille alors beaucoup de juifs qui, fuyant depuis longtemps l’Europe centrale victimes de vexations en tous genres, trouvent là une tête de pont pour s’embarquer sous des cieux nouveaux, ceux de l’Amérique. Ce mouvement s’accélèrera bien entendu dans les années 30. Une importante communauté est alors à gérer, encadrer, religieusement et socialement. En 1936 lui est proposé le poste prestigieux de Grand Rabbin de Tel-Aviv et Haïfa, sur la terre ancestrale des hébreux qui accueillera, après l’horrible traitement qu’il subirent, les rescapés juifs de la 2ème guerre mondiale. Il occupera ce poste insigne jusqu’à sa mort . Partout où il fut il a incessamment travaillé à améliorer les situations sociale et religieuse des membres de sa communauté. Il a fondé de nombreux établissements d’enseignement (yeshivot) dont le plus célèbre se trouve à Tel-Aviv connu de nos jours sous le nom de « Yeshiva Rabbin Amiel ». Il fut aussi un philosophe juif de renom, auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels « Les Chemins de Moïse », « Justice sociale », « Sermons pour mon peuple » titre qui, en hébreu comporte donc son nom, Amiel: Je vous rappelle que Amiel, en hébreu signifie exactement « Mon Peuple (dit Dieu) ». Son oeuvre la plus diffusée étant toutefois « Comprendre la Loi Juive ». Il a abordé dans ses recherches tous les aspects ou presque de cette Loi Juive. Il fut donc un rabbin sioniste actif dès les débuts de ce mouvement intellectuel; en effet on le voit exposer, parmi les tous premiers rabbins, les idéaux fondamentaux du sionisme (Mouvement Mizrachi) et il y convertit pas mal de ses compatriotes, en Pologne notamment lorsqu’il y était en poste. Sa prestation très remarquée au congrès d’Anvers en fit un véritable pilier du sionisme religieux. Il mit particulièrement l’accent, outre la relation qu’il y a entre l’homme et son créateur et entre l’homme et son prochain, sur la relation spéciale entre Israël et le peuple juif, Israël et ‘son peuple’. Dans les nombreux articles de journaux qu’il publia, il insista sur les devoirs des colons juifs d’Israël, considérant ces devoirs comme égaux aux commandements bibliques de Dieu. Pour lui le sionisme est la seule voie à suivre pour que vive Israël: « La Foi d’Israël est pour le peuple d’Israël et sur la Terre d’Israël ». Il meurt en 1945 alors que les tourments de son peuple prennent fin et il ne verra donc pas la création de l’état hébreu.
Deuxième personnalité, d’origine juive encore, mais le rapport avec la précédente s’arrêtera là, avec Barry Conrad Amiel. Né en effet dans une famille juive du quartier commerçant de London East End, dans les années 1930, il est un jeune officier d’artilleris anglais durant la 2ème guerre mondiale et, bien que la poésie ne soit pas pour lui sa profession ses poèmes durant ce temps troublé l’ont fait considérer, par les historiens anglais, comme un authentique poète de cette guerre 39-45. Il faut aussi dire que dès les années 1930 il devient communiste marxiste, combat le fascisme naissant, applaudit à la (brève) République Espagnole. Un certain Norman Melburn, originaire du même milieu que lui suivra les mêmes voies et ils deviendront non seulement des camarades politiques mais plus largement des amis. Après la guerre on les voit actifs dans le « Communist Party » tout en poursuivant chacun une voie personnelle: Barry Amiel en devenant avocat et Norman un expert immobilier. Leur action politique commune fut de faire vivre leurs idées dans la vie quotidienne des anglais sympathisants de gauche, créant notamment des évènements littéraires ou culturels comme l’Université Communiste. C’est dans ce même esprit que Norman créa en 1980 une association à laquelle il donna le nom de son ami mort prématurément en 1978; un « Trust » où il s’agit de cultiver le peuple, le faire accéder à la connaissance et à la réflexion dans les domaines du communisme par des lectures, des discussions, séminaires, conférences, ateliers, travaux, recherches, rédaction et publications, librairies, bibliothèques et archives…Norman décède en 1991: son entreprise d’éducation populaire nommée aussi collège prend son nom qui est accolé à celui de son ami pour devenir le « Barry Amiel & Norman Melburn Trust » par lequel il est toujours cunnu et actif de nos jours. La présidente de l’organisation en 2010 est Rebecca Amiel.
Tout aussi différente encore, une femme cette fois en la personne de Josette Amiel connue comme « Danseuse Etoile » de renommée mondiale. Elle est française pour ses origines, née en 1930 à Vanves dans la proche banlieue de Paris, dans une famille d’artistes, son père musicien professionnel et sa mère chanteuse d’opérette. Bien que son père ne tint pas à ce qu’elle entame une carrière chorégraphique, sa mère lui fit prendre des leçons en cachette. Il setrouve qu’elle s’y montre douée, son professeur décèle en elle ses dons et l’incite vivement à en faire sa profession. Elle intègre le Conservatoire Supérieur de Danse de Paris et en sort à 17 ans avec le Premier Prix du jury attribué à l’unanimité. Elle débutera sa carrière en 1948 aux Ballets des Champs-Elysées, rejoint l’Opéra Comique en 49 où elle gravira tous les grades jusqu’à Première Danseuse: Jusqu’en 1952 elle y dansera « Casse-Noisette », « Etudes », « Concerto », participera à des créations (« Mal aimé », « La Commédia dell’ Arte », « La Boutique Fantasque », « L’Amour Sorcier »). En 1952 elle intègre l’Opéra de Paris, avec un grade inférieur, prestige oblige mais gagnera ses galons en 1955 comme Première Danseuse puis en 1958 enfin comme « Danseuse Etoile ». Douée d’une grande technique, elle va être l’interprète des plus grands rôles classiques et participera à la création de nombreux ballets comme « Cinéma », « Lac des Cygnes » de Boumeister, « Chemin de Lumière » de Lifar, « Pas de Quatre », « Symphonie de Gounod » d’Andréani. Elle quittera ce temple de la danse en 1971 mais continuera de danser sur les plus grandes scènes du monde puis, de 1981 à 1996 elle sera Professeur du Corps de Ballet de l’Opéra de Paris et préparera à de nombreux concours internationaux pour lesquels ses élèves ont tous obtenu des médailles d’or ou d’argent. Pour son travail pédagogique elle obtiendra le Prix Diaghilev décerné pour la première fois à l’unanimité du jury du concours. Elle remonte pour diverses compagnies de ballet ( Paris, Helsinki, Pittsburg, Santiago, Copenhague, l’Australian Ballet, Ballet Kirov, English National Ballet), « Etudes » d’ Arald Landers, devient même comédienne dans « Mozart à Cannes », chanteuse dans « Soprano Léger » et actrice de cinéma dans « La Boum 2″ (1982) où on la voit régler une chorégraphie. A la télévision elle crée « La Leçon » d’Eugène Ionesco qui lui permet d’obtenir le Prix Italia mais encore le « Jeune Homme à marier » et « Le Mandarin Merveilleux »; elle sollicitera fréquemment les danseurs étoiles entre 1950 et 1975 pour l’émission « Invitation à la danse » dont Claude Bessy. Elle eut le privilège de travailler avec les plus grands noms, Lifar on l’a vu, mais aussi et surtout Serge Balanchine dont elle fut l’une des interprètes privilégiées. En 2007 on la voit encore professeur invitée par le « Geneva Dance Center » à 77 ans! et en 2008 elle met en scène et conçoit l’éclairage d’une chorégraphie « Etudes » pour le prestigieux Ballet Kirov !!. Madame Josette Amiel est Officier de la Légion d’Honneur et Commandeur de L’Ordre National du Mérite.
Madame Amiel porte très haut notre nom c’est certain. Je vous dirai quelques mots sur les Amiel contemporains en essayant de ne froisser personne donc en étant assez généraliste pour une fois; c’est bien et uniquement le travail de l’histoire de ne conserver que ce qui en vaut la connaissance et à vous, lecteurs, de ne retenir ensuite que ce que votre mémoire, en raison de l’intérêt que vous y porterez et du soin que j’aurai mis à vous y inciter, voudra bien conserver.
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