Avant de poursuivre sur ce vaste sujet une précision concernant Arnaud Amiel, poète dont j’ai cité le nom dernièrement: Sa biographie dit qu’il était « de langue provençale » et non strictement provençal; il était un gentilhomme de Ribérac en Périgord (à l’ouest de Périgueux) et l’Hist. Génér. du Languedoc (T. V L. 20) nous précise qu’il abandonna les lettres pour se faire jongleur (de mots) dans cette belle langue dont je vous ai souvent parlé mais dans les temps de nos savants bénédictins elle n’était qu’un vulgaire patois, une langue de rustres, de paysans, de pauvres bougres …Nostradamus le provençal a écrit sa vie.
S’agissant de poursuivre le tour d’horizon des Amiel de l’Ancien Régime, je débuterai par le plus lointain ascendant du grand homme suisse dont j’ai résumé la vie dans le premier article de la présente série, Henri-Frédéric Amiel; Il s’agit de son bisaïeul Jean Amiel. Ce protestant était né à Castres (Tarn) en 1708 et exerçait dans cette ville le métier de bonnetier. Il en partit vers 1730-35 en raison de sa religion qui, on l’a vu, n’était pas en ‘odeur de sainteté’ surtout après la révocation de l’Edit de Nantes (par Louis XIV en 1685). Il partit s’installer durablement en Suisse où il est naturalisé en 1743 et meurt à Noyon en 1780. Son épouse Charlotte Morel, était castraise comme lui; elle lui donna un fils, Jean mais cette première descendance s’éteint au début du XIXè S. Il se remariera avec une Vaudoise (canton de Vaud) dont la descendance aboutira à notre diariste et philosophe moraliste genevois. Un Sébastien Amiel, natif de Graveson en Provence, colporteur va, lui, s’installer dans les Caraïbes, sur l’île de St Domingue; il était fils, de Guillaume, marchand apothicaire (pharmacien et épicier!) (cf « Généalogie Haute-Caraïbe » Bulletin 94 Juin 1997). Mais tous les Amiel ne furent pas protestants, beaucoup sont restés en France comme cet affairiste et financier du nom de Jacques Amiel, mort en 1751, co-propriétaire, actionnaire de la Société Girardon-Amiel et Feyt qui possédait des capitaux importants ou cet avocat bitterois Jean-Baptiste Amiel, qui n’hésita pas à se proposer comme Maire de Béziers en 1734 car « bon sujet, agréable à l’évêque sans être fort accrédité » mais la vente de l’office lui échappa (eh oui, tous les postes ‘administratifs’ s’achetaient en ce siècle de tous les excès qui finit par la Révolution!); son fils peut-être fut notaire dans le même lieu de 1744 à 1756 (tout s’achète encore une fois alors). Il y avait quand même des gens plus désintéressés comme Louis Amiel à qui l’on donne la qualité de Maître, curé aisé de Ginestas (Aude) au XVIIè S. qui commande ni plus ni moins la réalisation du retable de l’autel majeur de cette église dont le tabernacle à Jean Noireau; ce dernier devra être réalisé en bois de ’tilh’ (tilleul). Il veut aussi une toile représentant St Louis: c’est son visage à la barbe grise, pense-t-on, qui sera peint par l’artiste, Lavergne pour figurer celui du saint (et du roi). Le mécénat n’implique pas plus l’anonymat que l’humilité: Il fait peindre sur le retable ses armes dites ‘parlantes’ (correspondant phonétiquement à son nom, ce qui nous intéresse au plus haut point et on y reviendra) : « Sous trois étoiles d’or, en chef, le cadavre du lion de Samson au-dessus duquel volent des abeilles, appelées encore des ‘mouches à miel ». Ces armoiries, toujours visibles de nos jours, sont disposées sur les colonnes, surmontées de têtes d’ange, entourées de cordons et de deux glands mais sans chapeau (Louis Amiel n’est quand même pas une dignité épiscopale, mais peu s’en faut!)(ref « Monuments Historiques de la France » n°s 9. 10 Caisse des Monum. Hist. et des Sites 1963 Paris).Mais il ne verra pas sa commande avant sa mort puisque le retable ne fut exécuté et reçu que vingt ans plus tard par l’un de ses proches sans doute, du nom de Pol (sic) Amiel.
Restons dans les arts en passant du côté des artistes; un peintre de Montpellier du nom de Peyre Amiel (Pierre) a peu laissé de traces; on sait juste qu’il pratiquait ce métier (‘penheyre’ en occitan) et qu’il fut reçu « citoyen de Montpellier » en 1423 en récompense apparemment d’ornements dont il para la ville vers 1420.(cf « Diction. histor. et raisonné des peintres de toutes les écoles … » A. Siret Vol 1). Quant à cet Hamiel dont nous n’avons que l’initiale du prénom, ‘A‘, sa période d’activité, entre le XV et le XVIè S., sa nationalité, « tudesque » soit germanique, et son domaine, le dessin, que nous a-t-il laissé? Il pourrait être le même que cet Antoine Frédéric Amiel, peintre de l’Ecole Italienne qui aurait travaillé à Bologne et qui fut l’élève de César Gennari (voir rèf préc.). Quid de Bernard Amiel, maître-peintre de la Ville de Toulouse, Bayle de la Maîtrise (chef du métier) en 1618? Il a notamment peint outre les portraits des Capitouls le portrait du Cardinal François de Joyeuse Archevêque de Toulouse. Nous savons qu’il eut à se plaindre avec quatre de ses collègues aux Capitouls, en 1623, du ‘despotisme et de la négligence’ des deux baillis du métier (responsables de la corporation) qui n’avaient pas fait procéder à l’élection de leurs successeurs, selon les règlements en vigueur. Toujours à Toulouse mais à la fin du XVè S. on note la présence de Amiel de Fontmelha qui exerçait le délicat métier d’orfèvre; sa fille prénommée Guillaumette épousa le fils d’un argentier de la rue des …Argentières. Le système des corporations avait bien d’avantages que la Révolution a supprimé. Dans le même secteur citons Michel Lamiel, enlumineur et Guillaume Amiel, graveur tous deux à Paris, à la fin du XVIIè S. et François-Roustan Amiel, reçu Maître-Orfèvre pour la ville d’Hyères (Var) pour avoir exécuté pour chef- d’oeuvre « une cuiller à encre ». Un architecte luxembourgeois du nom de Jean Amilius (il y a encore des Hamilius au Luxembourg de nos jours) est connu pour avoir avant 1422 (date à laquelle il devient Maître des Oeuvres du Duc de Bourgogne) établi les plans de la Tour Notre-Dame de la Cathédrale d’Anvers (Belgique) édifice remarquable par sa hauteur (466 pieds soit quelques pieds de moins que la tour de celle de Strasbourg!), par son horloge dont le cadran a 90 pieds de circonférence et dont le carillon contient 33 grosses cloches plus deux carillons complets!! Par Amilius ou Amelius on doit peut-être voir un pseudonyme latinisé à la manière de ce temps (comme on l’a vu précédemment); de plus ce surnom était suivi par l’appellation d’origine (non contrôlée!) Bononiensis (de Boulogne (France) ou Bologne (Italie)?). Son nom véritable a été Appelman, Appel faisant penser phonétiquement à Amel (rappel: nom courant en Belgique racine d’ Amelius), soit l’homme Amel, Amelius. Dans le même genre Jean Ameil, Maître d’Oeuvres de La Lande (Vendée) il construisit l’église de Cours (Deux-Sèvres) en 1550. On lui attribue l’église de St Antoine de La Lande, à Parthenay, bâtie à la même époque et qui lui est semblable à plusieurs égards. Enfin un Amiel fut Inspecteur des Travaux Publics du Diocèse d’Alais (Alès, Gard) en 1775. Ne quittons pas la construction avec Barthélémy Amiel, Maître Charpentier à Béziers en 1678 ou toujours à Béziers, Guillaume, Maître Menuisier en 1726. Jean Amiel fut, lui, le Maître d’Oeuvre Maçon d’au moins deux édifices de la petite ville de St Antonin Noble-Val au XVIIè S; il bâtit le beau pont sur l’Aveyron et le Temple Protestant; au même endroit, il y eut aussi Isaac Amiel qui fut sculpteur voire entrepreneur du Couvent des Genofévains (actuelle Mairie), il travailla aussi au Temple et à l’église (médaillons et clef de voûte).
Pour la suite, il faudra lire un prochain article, il y a tant à vous dire sur ces Amiel de l’ombre dont il me semble utile sinon nécessaire de brosser bien trop rapidement à mon gré un court portrait; ils ont autant fait l’histoire que leurs homonymes plus notoires; nous sommes quelque part les héritiers des uns comme des autres.
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