Je vais ici vous montrer, toujours par quelques exemples, combien notre nom, s’il est très bien ancré dès les temps carolingiens (et nous avons vu pourquoi) en Languedoc et en Provence, n’est pas méconnu dès les mêmes époques dans les autres régions de cette France naissante. Je vous montrerai également combien il a pu traverser les siècles, non seulement comme patronyme simple, mais aussi composé.
Partons de l’une des origines déjà vues: Amelius Simplicius, qui vivait vers la 2ième moitié du VIIIème S., est à l’origine des nombreux Amelius-Amiel, seigneurs féodaux des basses vallées de l’Ariège, Pays de Foix, Comminges, proches des Comtes de Toulouse et des Vicomtes de Carcassonne, possédant des terres en Fenouillèdes et Catalogne, certains s’alliant familialement ou politiquement avec des homologues provençaux; ces lignages méridionaux sont assez complexes et mériteront un développement ultérieur en ce qui concerne notre nom. Parmi tous ces Amiel, je prendrai l’exemple des Amiel du Mortier; leur nom apparaît lors de la Croisade contre les Albigeois, dans les années 1230, ils en sont acteurs en tant que chevaliers ‘faydits’ (défendant la cause des suzerains locaux, les comtes, et par là même celle de leur peuple, de leur libertés, de leur autonomie). Leur ‘qualificatif’ qui va s’ajouter à leur nom patronymique initial (et le compléter), ‘du Mortier’, est celui de leur ‘fief’ principal, la petite seigneurie ‘du Mortier’ située près du village de Lacassaigne (Aude), en Lauragais, non loin de Fanjeaux, ce centre de la reconquête religieuse catholique voulu par Dominique de Guzman, le futur St Dominique…Le Mortier est une terre très anciennement occupée, en 1973 on y a retrouvé des fours de potier du bas empire romain. Un ruisseau du nom poétique de Pamparamiel perpétue dans les environs le nom des seigneurs Amiel. Ils bâtirent sur leur terre un petit château qui leur fût enlevé (comme dans beaucoup d’autres cas) par les Croisés du nord, Guy de Lévis se l’attribua et le vendit avant 1314 au Prieuré de Prouille (près de Fanjeaux) (cf « Les droits seigneuriaux dans la sénéchaussée et le Comté de Lauragais (1553-1789) J Ramière de Fortanier). De cette époque nous connaissons Raymond Amiel du Mortier et un autre dont nous n’avons pas le nom de baptême. Mais ils firent souche et restèrent dans la région: en 1405 « Noble Amiel du Mortier » institue la fondation d’un prêtre à Villasavary (localité proche de Fanjeaux) pour dire des messes pour son âme. (cf « Cahiers de Fanjeaux » n° 13 Privat 1978).
Dans la région élargie, mais dans la même mouvance, chez les ‘Amiel de Penne’, en Albigeois,où l’on peut parler de ‘nom marqueur’ pour Amiel, on a encore aux XIIème et XIIIème S. des descendants à travers des seigneurs de Montaigut (où ‘Les Amiels’ est toujours un lieu-dit), Lisle sans oublier les Amiel de Villemur. Sans être pour autant nobles on note, vers 1275, jusqu’à sept Amiel à Cordes-sur-Ciel, cette petite ville très commerçante et industrieuse de la même région. Dans le Pays de Foix il faudrait parler des Amiel de Pailhès,des Amiel de Rabat (toujours présents au XVème S.), des Amiel de Montauriol (connus encore au XVIIIème S.) … Du côté provençal, à Nîmes d’abord, dans le dernier quart du Xème S., plusieurs Amiel (on sait que le nom y est ancien, porté par de multiples gallo-romains déjà) font des donations à la cathédrale: Pierro (sic) Amiel prêtre et son fils (eh oui on pouvait alors être aussi marié, vous voyez combien cette société que l’on croit sombre, triste … était très moderne sur certains points!) Pons Amiel donnent un jardin. En Provence même, les Amiel sont encore (ou toujours!) au XVème S. les nobles de Fos-sur-Mer; Noble Guillaume Amiel est Bailli et le plus riche des membres du Conseil de Ville en 1467 (cf « Histoire de Fos-sur-Mer » H. Gray Edisud 1977). A Marseille, Louis Amiel, issu d’une famille de Consuls (en 1577,1588), commerçant international, a un membre de sa famille, Nicolas Amiel, Consul à Tunis en 1591…(cf. « Liber nationis provinciae provinciarum » Vol. I MM Mouflard, Univ. Toulouse 1965). Je pourrai citer aussi les Amiel de Méounes, autre famille noble. Enfin à Biot, dont la création date de vers 1470, on note une famille Amiel, parmi la vingtaine à peine qui est à l’origine de son peuplement. Ils sont comme les autres, potiers, activité toujours à l’honneur dans cette ville de 8000 hab. aujourd’hui. Si, revenant en Languedoc nous nous dirigeons maintenant vers le nord , nous trouverons des Amiel en Sarladais et en Quercy, parents de ceux de l’Albigeois, connus par leurs multiples fonctions ecclésiales au moyen-âge: un grand nombre de bulles (actes de l’Eglise) montrent qu’ils furent exécuteurs testamentaires les uns pour les autres. La « Revue du Rouergue » (vol 19-20 1965) parlant de la vie rurale en Aveyron cite de nombreux Amiel, encore au XXè S. Et là aussi, ils y sont depuis le moyen-âge; les Archives de Villefranche-de-Rouergue possèdent le texte d’un procès de 1300 opposant Bernard Amiel de Ste Croix à un Pierre de Villeneuve; on peux aussi citer Amiel de Poulan, Lieutenant du Sénéchal de Rouergue en 1321 ou Jérôme Amiel, Chanoine de la Cathédrale de Vabres au début du XVIIIème S. et qui en fut l’historien.
Dans le reste de la France, sans doute sans rapports familiaux ou autres, nous allons aussi trouver des Amiel, souvent des familles. Ainsi à Limoges (Hte-Vienne) c’est le nom d’une très ancienne famille de marchands qui, aux XII-XIIIèmes S. habite le Château de Limoges et le bourg St Martin. Des Lettres d’Officialité de St Martial de Limoges (entre 1299 et 1309) nous font connaître P(?)ierre Amiel et ses fils Guy et Hélias. Un document épigraphique note cette inscription (en relation avec eux) sur un buste en argent de 1365: « Amiel de la Porta me feys far » (Amiel de la Parta m’a fait faire, m’a commandé) (cf « Nécrologue de la Frairie de la Courtine »). Une autre famille Amiel aurait pu transmettre ce patronyme à St Junien, toujours en Limousin; pourquoi donc parler ainsi? Eh bien parce que si c’était bien parti pour transmettre cet ancien prénom comme patronyme ce fut finalement l’autre qui a pris la primauté et je m’explique: Un premier Amelius Ier (l’ancêtre qui normalement aurait dû avoir cet honneur de transmission) meurt en 1286, laissant comme héritier du nom, Amelius II son fils aîné, qualifié de Chevalier en 1318 (tout cela est logique) mais la génération suivante, confirmée par les suivantes encore, vont faire volte-face et prendre l’autre prénom d’Amelius Ier comme référence patronymique et c’est ainsi que ce n’est pas un Amiel qui sera père de l’évêque Gaufridus d’Autun mais un David, car l’autre prénom de l’ancêtre c’était David et cette famille David se rencontrera jusqu’à la Révolution; voilà un bel exemple montrant combien la transmission patronymique a tenu à peu de choses dans l’histoire, non? A Clermont-Ferrand la cathédrale possède une épitaphe d’ Etienne Amiel, datée du 4 Septembre 1286, seule preuve d’Amiel auvergnats de quelque importance dans ce moyen-âge… Bien plus au nord, nous trouverons des Amiel chevaliers ou petits seigneurs très sporadiquement aussi tels ce seigneur du Château de Pierrepont, près de Laon, du nom d’Amelius. C’est aussi le cas dans l’ouest avec cet Amelius, au XIème S. dans la région de Rochefort-en-Aunis pour lequel on sait que Rochefort était son surnom localisateur, son prénom (nom de baptême) était Pons, là au moins c’est clair!
Je consacrerai certains articles à la narration de la généalogie de certaines familles dans lesquelles notre nom fut en honneur comme les Chambon, famille de Combrailles (plateau du nord du Massif Central), outre celles concernant les Amiel languedociens ou provençaux.
Nous verrons la prochaine fois combien les Amiel-Amelius furent aussi des hommes d’Eglise, souvent dans les hautes sphères, toujours durant le moyen-âge, période bénie pour notre nom, si j’ose m’exprimer ainsi!
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