Comme je l’ai déjà indiqué, c’est au XIème siècle que l’habitude (en raison de la nécessité) de nommer les individus par un nom de baptême suivi d’un nom patronymique va se répandre d’abord dans le sud de la France puis au nord. Souvent le seul nom de baptême utilisé précédemment va devenir le prénom mais il arrive aussi que ceux qui portaient un double nom (de baptême toujours) aient vu la transformation de l’un d’eux en nom patronymique; ce sera le cas pour cet Amelius Simplicius que nous avons vu la dernière fois et qui sera la ‘source’ de nombreux Amiel proches des Comtes de Toulouse et de leurs parents dans les régions circumvoisines. Il est certain que cette ‘appellation’ Amiel que ce soit en tant que prénom ou nom est très répandue alors. Outre ces ‘nobiles’ que nous avons vu, Amiel est le nom de beaucoup d’individus, les preuves historiques ne manquent pas! Tel cet Amiel premier seigneur d’Arques, dans l’Aude, en 1011. ou ce Géraud Amelius seigneur de Lagrave, dans le Tarn, vers 1060, ou encore ces Amiel de Vilar, chevalier, seigneur de Beauteville (Haute-Garonne) et Poncii Amelii (Pons Amiel), seigneur de Capdenac (Aveyron) au milieu du XIIIème S.. Et pas seulement dans la terre d’élection de ceux-ci; au XIIème S. on trouve un Amiel, seigneur de Venisy, qui, par la dot de son épouse, reçut la seigneurie de Nangis, petite ville de Brie (Seine-et-Marne). Entre ces deux régions, dans le centre, le cartulaire de l’Abbaye d’Obazine cite un certain Géraud Amiel, possesseur de nombreux biens, dans une vente au profit des moines, biens provenant notamment de sa manse du Peuch (propriété rurale), vente confirmée par son fils et Hugues Amiel (son frère peut-être). On voit aussi par cet exemple que le second élément du nom est bien devenu patronymique (appartenant ou marqueur de cette lignée familiale). Il se peut aussi que cette propriété du ‘Peuch’ soit l’origine du nom patronymique « Peuchamiel » toujours porté actuellement, désignant ceux qui habitent le mont (pech) appartenant à Amiel ou aux Amiel. On connait le nom d’un des fils de ce Géraud, par le même cartulaire, car il donne à titre de dot monastique à l’Abbaye, des droits sur certaines terres, pour l’acceptation de Pierre Amiel parmi eux.(cf « Le cartulaire de l’Abbaye cistercienne d’Obazine (XII-XIIIè. S.) » Abb. d’Ob. & B. Barrière Presses.Univ. Blaise Pascal Clermont-Ferrand 1989). Parmi ces petits seigneurs locaux, beaucoup ont le titre de chevaliers (socle de l’état nobiliaire), je viens d’en citer un, en Provence on pourrait en citer aussi pas mal: Amiel d’Agoult, Amiel de Malval ou encore Amiel Gassoli, de St Maximin. Certains sont aussi Chevaliers d’un ordre religieux, l’Ordre de Malte par exemple; en 1183, à Toulouse, est cité le Chevalier Amiel Bernard du Falgar (lieu du Lauragais à l’est de la ville), il vient pour s’humilier devant le Prieur de l’Ordre… Quelquefois ce sont les sceaux, ces cachets de cire qui authentifient les signatures au bas des documents, qui nous renseignent; on possède d’ailleurs celui de cet Amiel de Capdenac cité plus haut, celui aussi de Amiel de Camlon (ou Camlong, Camplong, de Campolongo) daté de 1242, sur un acte dans lequel les habitants de Laurac (en Lauragais d’où provient le nom de cette région) jurent fidélité au roi de France, vainqueur de l’horrible croisade albigeoise et se soumettent à son autorité par la force des choses.
A l’extérieur du royaume, sous l’autorité papale, on trouve aussi des Amiel qui, sans être pour autant des religieux (l’Eglise est aussi une puissance temporelle surtout en ce temps-là) jouissent de fonctions très importantes, soit dans l’entourage des Papes, soit pour l’administration des biens d’église; Jacques Amiel est l’un de ceux-là; Il est le premier maréchal (administrateur) du Duché de Spolète (Italie) que nous connaissions; il assure ce poste alors que son frère Jean est au ‘rectorat’, de 1323 à 1332. Auparavant il est Damoiseau de Cahors (Lot) , dès 1320 familier de son frère, alors Trésorier, et remplit pour lui diverses missions à Avignon (siège papal de 1309 à 1376) (rèf: « L’administration pontificale dans le Duché de Spolète (1305-1352) » Ch. Reydellet-Guttinger Ed. Olschki 1975). Je reviendrai sur ce Jean Amiel, le recteur, car il a été un mécène de cette ville… Bien plus au nord de l’Europe, dans la société civile, on pourra trouver quelques Amelius, tel ce noble ou bourgeois d’Utrecht (vieille ville commerciale des Pays-Bas) qui possédait des armoiries.
Mais revenons en France du sud. Au milieu du XIVème S. l’une des trois branches de l’illustre famille des Baux dont j’ai déjà parlé a donné Amiel de Baux-Avelino, sénéchal de Beaucaire et Nîmes pour le roi de France. Au XVème s. un chevalier du nom de Amiel de St Paul sert dans la Compagnie de Mr le Comte de Foix (1451); près d’un siècle auparavant, en 1368, on trouve à la même place un Amiel de Séguier, originaire de la région de Pau. Vous voyez ici que l’emploi d’Amiel comme prénom perdurera longtemps, alors que l’emploi de la version plus française d’Emile va se propager autant en français que dans les autres langues latines ou anglo-saxonnes, seulement aux temps modernes, au XVIIIème S. notamment avec le fameux « L’Emile » de Jean-Jacques Rousseau, oeuvre qui mérite un article à elle seule bien entendu.
Mais nous n’en sommes pas encore au Siècle des Lumières… Nous resterons pour quelques temps dans le moyen-âge, il y a tant et tant à dire!
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