Nous avons vu que ce nom qui nous vient en premier lieu des Hébreux, chez qui il était un prénom comme tous les autres noms d’hommes, fut aussi celui d’une illustre gens romaine, copié par-là même par les peuples conquis, notamment en Gaule et en Hispanie, aussi par les goths qui s’installeront durablement en Espagne et en Septimanie, ce nom qui, sous l’influence des Franks (non, il n’y a a pas de faute) deviendra aussi un prénom plus tard francisé en Emile, ce nom enfin sera assez courant au Moyen-Âge. Popularisé comme nom de baptême (futur prénom), grâce aux saints de ce nom latin, sous la forme romane d’Amélius (ou Amilius) cette origine se rajoutera aux autres comme nom patronymique. Il faudrait ajouter à ces nombreuses origines celle qui lui provient sans doute de l’occitan, cette vieille langue romane déjà célèbre au haut Moyen-Âge, langue qui désigne dans cette appellation l’amande, fruit de cet arbre si commun dans l’aire d’origine des Amiel dont j’ai déjà parlé plusieurs fois. On le voit bien, et vous voudrez bien vous reporter à ce que j’en dis sur l’origine des noms et prénoms à propos des femmes Amiel, il y a une véritable coupure entre la fin de l’Empire Romain, qui met fin à l’Antiquité, et les débuts du Moyen-Âge, dans ces temps dits barbares qui verront l’installation dans les faits comme dans la civilisation, d’autres façons de gouverner, vivre et donc d’être nommé. C’est avec les temps carolingiens que va commencer cette grande période de la féodalité, nouveaux temps, nouvelles moeurs. Mais il ne peut pour autant être fait table rase du passé; surtout du passé récent ou de grandes institutions comme le droit romain par exemple; de la religion aussi d’autant plus que l’Eglise de Rome sut retourner sa veste vis-à-vis des institutions civiles et politiques à temps pour s’imposer chez ces nouveaux occupants. Le passé récent en Languedoc, terre de la Septimanie, c’est on l’a vu, les Goths et ce sont des Goths qui vont se fondre dans ce nouvel ordre carolingien: des comtes ameliens d’origine gothe sont ainsi repérés dans la région entourant Béziers, par exemple à Sérignan dès la fin du IXème S. On relève même, alors que ces noms sont encore rares dans les textes, plusieurs Amélius et Atto aux côtés des comtes de Carcassonne dans les Plaids (assemblée des notables) de Carcassonne en 883 et d’Alzonne en 898 (cf Hist. Générale du Languedoc t. V., testament du comte Acfred de 906, aussi donation à Montolieu, d’Amélius possessionné dans la région audoise, en 908). Un siècle plus tard, en 1002, un Amélius donne la ville de Pélissanne, en Provence, l’autre terre d’élection de notre nom, à l’Abbaye de Montmajour (près d’Arles). Sa descendance y est trouvée encore en 1060, un toponyme, « la Coste d’Amiel » près du castrum de Pélissanne nous confirme cette implantation amielienne. (réf: Cl. Duhamel Amado, « Genèse des lignages médiévaux » vol 2. CNRS Université du Mirail Toulouse). Dans le piémont pyrénéen un certain Amelius Simplicius est souvent nommé comme l’un des plus anciens de la même époque romane. On le trouve comme l’ancêtre en quelque sorte de nombreuses familles ameliennes de la grande région allant de l’Albigeois et Toulousain, au Comminges, Pays de Foix et Comté de Carcassonne. Ces noms, pour l’époque encore noms de baptême, sont aussi en usage dans le si proche Comté d’Urgel (de l’autre côté des Pyrénées, en face du Comté de Foix) à la fin du Xè. début du XIème S.: un Amélius est Abbé du monastère de St Saturnin (diocèse d’Urgel) en 973 (cf. Marca Hispanica col 405) et un Amélius est Evêque d’Urgel en 1027. (cf. idem col 434) (réf: E. Magnou-Nortier, A-M Magnou, CTHS 1996). En Albigeois seront connus les Amiel de Penne (un hameau de cette commune porte encore le nom d’Amiel), descendants peut-être des Amiel de Rabat et Pailhès indiqués pour la première fois en 1095, dans un traité du Comte de Foix, (et dont les descendants furent accusés d’hérésie, ayant participé selon l’Inquisition au Massacre d’Avignonet en 1243), parents eux-mêmes des Amiel du Comminges et, par-là même des Amiel proches des Vicomtes de Carcassonne (Amelii de Carcassona en l’an 1095 par exemple). Ainsi le château de Roquefixade qu’on sait être une propriété des Amiel depuis au moins les années 1050, famille que l’on voit par ailleurs toujours aux côtés des Comtes de Toulouse. Le Cartulaire des Trencavel (vicomtes de Carcassonne), dans une analyse détaillée faite par J. Dovetto, pour 617 actes, de la période 957-1214, fait apparaître plusieurs Amiel: Manfred Ameli, de Penne, et Guilhem, son frère, font hommage à Raymond Trencavel, fils de Cécile, pour leur château de Penne, en 1150; également à Roger de Béziers, frère de Raymond, l’an de l’Incarnation 1139. Un autre Amiel, fils d’Audiard, fait serment de fidélité à Ermengarde, fille de Rengarde, pour le château d’Auriac, toujours vers 1139. Encore à la même époque, Bernard Amiel, fils de Guille, jure fidélité, ainsi qu’à son fils Bernard Aton pour le château de Foix qui reviendrait à ladite Ermengarde en cas de mort du comte Roger de Foix.(réf: J. Dovetto « Cartulaire des Trencavel… Centre de Rech. et d’Inform. des Conférenciers de la Cité de Carcassonne 1997). Du côté du Gard, où l’on connait une forte implantation des Aemilius dans les temps gallo-romains, et outre quelques toponymes, on peut noter, dans le Cartulaire de Trinquetaille (Prieuré de St Gilles de l’Ordre de Malte), une famille Amiel dont Renaud Amiel qui, en Octobre 1182, donne pour le salut de son âme (ça se faisait beaucoup alors et c’était bien pratique), de celle de son épouse Rixende, et celle de leur fils Hugues Amiel, (après tout pourquoi pas!), tout ce qu’il possède au Mas Thibert, à l’Ordre Hospitalier. Connu donc dans toute l’aire traditionnelle des Amiel jusqu’à nos jours le nom est aussi présent dans l’aire périphérique mais aussi bien plus loin, plus rare toutefois. J’en veux pour preuve ces Amiel, famille de l’Isle, aujourd’hui L’Isle-Adam dans le Val d’Oise, dont le troisième du nom, Amiel III prît le surnom d’Adam, surnom qui ajouté au nom de lieu devînt le nom de la commune; on sait qu’il se croisa en 1239. A la même époque, un Amiel est coseigneur de Cavaillon (Vaucluse); et puis n’oublions pas les Amiel de Tréville, cette véritable dynastie de capitouls toulousains des XIIIè -XIVè et XVèmes S. dont j’ai déjà évoqué le nom, qui, bien qu’inquiétés durant la Croisade Albigeoise parvinrent à durer: L’Inquisition, la Sainte Inquisition doit-on dire, soumit certains d’entre eux à la Question (avec une majuscule, il s’agit ni plus ni moins que de torturer les malheureux pour qu’ils avouent tout ce que l’Inquisiteur veut) et ils furent jugés; Jean Amiel par exemple, en 1244, qui est peut-être le fils de Pierre, capitoul en 1207, c’est du moins ce que pensent les hagiographes des XVII et XVIIIè S.(réf: Et. Léon de Lamothe-Lançon « Histoire de l’Inquisition en France » 1829). Outre les familles déjà citées, il y eut d’autres Amiel dans des familles aussi nobles, en Provence (les Amiel d’Agout, les Amiel des Baux, ou ceux de Solliès par exemple) mais aussi en Rouergue, comme les nombreux Amiel du Puy dont je vous narrerai la généalogie. En Ariège encore, au XIè S., la plupart des ‘nobiles’ de la vallée de la Lèze appartiennent à la famille des Amelius issue de celle des comtes de Toulouse (réf: Ph. de Latour « la dynastie Amelius X-XIIè. », article paru in « Revue du Comminges » 2003, 3ème trim. p. 399). Au temps de Saint Louis (roi de 1226 à 1270), un seigneur de cette vallée, au Mas d’Azil s’appelait Guillaume Amilius.Toujours en Ariège, un auteur pourrait presque parler de ‘tribu Amelius’ en vallée de Sos aux XIè et XIIè. S., tant les grandes familles nobiliaires présentes sont en grande partie du « groupe Amelius » comme à Quié, Rabat (déjà noté) ou Marquefave (réf: Fl. Guillot, « Seigneurs et castra en Sabarthés au XI et XIIè S. ». Dans l’Aude citons les petits seigneurs locaux tels que, durant la fameuse croisade contre les cathares, Amiel de Villalier (mort peut-être dans sa prison de la Cité de Carcassonne, lors de la défaite d’Olivier de Termes, en 1240), Peire Amiel archevêque de Narbonne, Amiel de Rustiques.
Bien entendu, vu la place prise par l’église catholique dans cette société du moyen-âge (et qu’elle gardera encore durant pas mal de siècles), je n’ai pas pu parler des nombreux personnages liés à la religion et ce domaine fera l’objet d’un article en particulier pour cette même période. Poursuivant dans la société civile, nous verrons la prochaine fois, ce qu’il en est de notre nom dans des classes moins élevées.
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