Si la toponymie est un bon vecteur de la conservation et de la diffusion des noms d’origine patronymique, comme nous venons de le voir en ce qui concerne notre nom Amiel, ce n’est rien en comparaison de l’extraordinaire création patronymique elle-même. En effet, la constante progression en nombre des hommes sur la planète, notamment en Europe, continent qui nous intéresse plus particulièrement pour nos recherches historiques, liée à la grande variété de langues parlées depuis des siècles sur ce même territoire ainsi qu’à l’apport des peuples immigrants venus d’autres continents, tout cela a abouti à un nombre faramineux de patronymes. Car il fallait bien arriver à dénommer tous ces individus, le mot nom lui-même vient de ‘nomen’, lui-même abréviation de ‘notamen’ qui signifie marque, signe et en effet, le propre du nom est de désigner ce qui est nommé, surtout lorsqu’il s’agit de ses semblables. Le champion du monde en ce domaine étant la France, ce pays ‘finisterre’ de tout ce continent européen dont l’accès fut naturel durant toute l’histoire, bien plus que ses voisins. Il y a paraît-il en France plus de 900.000 noms de famille différents; précisons toutefois que cette variété prend en compte les différences orthographiques telles que inversions de lettres, accents et autres signes spéciaux, mais quand même cela fait beaucoup! On ne s’étonnera pas donc de trouver dans cette langue la plus grande diversité non seulement dans les diverses variations de notre nom mais également dans ses nombreuses déclinaisons. Nous n’oublierons pas pour autant les autres langues européennes ni les langues sémitiques (qui font aussi partie de cette Europe, tant leurs locuteurs ont été nombreux durant notre ère), par lesquelles nous allons commencer d’ailleurs.
On l’a vu le nom hébreu Amiel s’est transmis tel quel, après traduction, à nos peuples des rives de la Méditerranée. Il faut lui ajouter les variations suivantes: Ahmiel ou Amhiel, Ammiel, Ami-El ou Ami’el (que je n’ai trouvé cependant qu’en Israël), Eliam (déjà dans la Bible), Ram’amiel et peut-être les noms arabes de Elami et Amel (pour la racine Am dont j’ai longuement parlé au début de mes articles). Pour les déclinaisons nous noterons encore les Benamiel et Abenamiel (fils et père des Amiel) ainsi que le groupe des Amoyal et Amoyel chez les juifs d’Afrique du Nord (qu’on appelle sépharades) regroupant les Amouyal Amouyel (ou ‘i’ à la place du ‘y’), les Mouyal, Mouyel, Moyal, Moyel (même remarque pour le ‘y’) le changement de voyelles étant assez fréquent dans cette région. Je dois préciser pour être honnête que ce groupe Amouyal est, pour certains auteurs, non pas à mettre en relation avec Amiel mais aurait pour origine une localité ibérique d’où ces Amouyal auraient été expulsés (avec les autres juifs dont les Amiel) vers l’Afrique du Nord, lors des reconquêtes catholiques. Et que dire du curieux Amaniel; il s’agit là d’une procédure bizarre appelée « réitération » du nom Amiel avec la particule initiale et signifiant « Dieu est mon seigneur »; la lettre ‘m’ est volontiers doublée dans ce cas.
Venons-en donc à ces langues européennes parmi lesquelles notre nom s’est diffusé, adapté, a été traduit. Je ne vous rappellerai pas les différentes origines de celui-ci mais il faut les avoir en tête pour bien apprécier ces adaptations et combinaisons linguistiques. En France, tout comme dans les autres pays, les parlers locaux sont nombreux, de véritables langues locales y sont parlées encore aujourd’hui (je ne reviendrai pas non plus sur ce que j’ai déjà écrit). Un tour de France s’impose donc; hormis les Amiel d’origine juive que nous venons de voir, vous savez que les Amiel sont originaires principalement du sud de la France et plus particulièrement de cet arc méditerranéen, entre Perpignan et Nice! Mais il faut y ajouter les Amiell et les Denamiel catalans et des contreforts pyrénéens, les Amielh provençaux et autres Amelha (amande en provençal) , les Millau et compagnie (Milhavet, Amillau, Milhat, Amillat (le ‘h’ est interchangeable avec un 2ème ‘l’ pour l’équivalence occitan/français)), les diminutifs tels que Amiguet ou Amielet contracté en Amiet. Dans le reste de la France on trouvera plus volontiers les Amielle, les Ameil ou Amieil dans le Massif Central, voire Lamiel et Lamielle dans l’est. Les parlers d’oïl (de la moitié nord) ont donné les déclinaisons Amiard, Amiot, Amieux, Amelin, Amelot, Amilien, les noms avec aphérèse de la deuxième partie du nom regroupés dans Ami (Amy), mais surtout les dérivés du prénom Emile tels que Emielot, le curieux Emiel, ou Emilion ainsi qu’avec l’aphérèse du ‘E’ et peut-être plus nombreux, les Millan, Millien, Milin, Melly, Mille (?) voire Mellon. Dans les noms qui sont passés entre-temps par la toponymie notons les patronymes de Peuchamiel (de ‘Pech Amiel), les Millau déjà vus bien sûr, Millac.
On peut de nos jours trouver des Amiel un peu partout en Europe mais les pays limitrophes de la France ont eu leurs déclinaisons bien à elles. En Espagne nous trouverons essentiellement en Catalogne (région la plus peuplée), les dérivés suivants: Amelgus, Amélio, Amelyus, Amil, Amello et autre Amilia ou Amillan dans l’ouest. En Italie, les Emilio, Miliani, Ameli ou Amelotti, Ameglio. En Grande-Bretagne outre de nombreux Amiel, on aura des Amias, les dérivés d’Emily et Amelia, Amy, Amlot et Emlot indiqués comme hypocristiques d’Ameline et d’Ecosse, nous vient un très sérieux MacN’Amiel rattaché au Clan des MacMillan avec les MacElmeel et autre MacMeil.Les pays au nord de la France ne sont pas en reste; en Belgique, si les Hamel sont sans doute à rattacher au ‘hameau’ français, les nombreux Amel et dérivés Ameel sont bien des Amiel locaux. La langue flamande a aussi produit les Ameeltje et Amelytje et avec aphérèse, Melletje ou Melyke. A noter encore ici, Meleyns, Meelen et les Ameelot Tout comme en Ecosse, il y a lieu d’ajouter, enfin, les Van Ameele, bien entendu. En allemand outre les Amelung, nous aurons des Melia et Mehle. La Finlande nous garde les souvenirs de Amiliana Amilius et Ammiel que j’ai trouvé pour le XIXème siècle. En Pologne outre Emil, décidément universel, nous aurons des Emilek, Mila et Milcia. Et pour revenir en France, un dernier pour la route: Mélique, patronyme originaire de l’Oise, notamment à Thiescourt, où une rue de ce nom existe: L’origine probable de ce nom de famille paraît être un Amelius, l’autre origine possible étant une plante poacée (graminée) du même nom mais c’est peu probable; la science patronymique a toujours, vous le voyez, des incertitudes, comme d’autres, et c’est son charme.
Je terminerai cet aperçu patronymique lié à notre nom par une citation, une fois n’est pas coutume, d’Eugène Ritter (« Revue contemporaine » tome 61 Paris 1868):
« Notre nom est une propriété de famille, c’est une partie de notre être, il nous est tombé en partage, …, il revêt quelque chose du caractère de celui qui le porte ». Pour être un peu plus actuelle il suffit de remplacer ‘partage’ par ‘héritage’ et le verbe ‘revêt’ par ‘révèle’ et vous aurez parfaitement compris ce qui m’anime dans ces articles!
0 responses so far ↓
Il n'y a pas encore de commentaire, profitez-en !
Laisser un commentaire