Le grand Cicéron au Ier S. av.JC écrivait: « La création d’une famille, la perpétuation de notre nom,…, que nous font-ils entendre, sinon que notre pensée s’étend jusque dans l’avenir. »(Tusculanes I,14). Il ne croyait pas si bien dire! Et même si de nos jours nos sociétés modernes ont perdu tout le sens profond de ces nominations des hommes, force est de constater que certains parmi eux, en ont fait une science de l’histoire et de l’anthropologie. Les romains, comme les autres peuples anciens, on l’a vu avec l’origine hébraïque de notre nom Amiel, eurent l’extrême souci d’avoir, et de se constituer, un lignage. Un lignage quant à faire qui puisse conforter leur position sociale et politique. Même si la réalité de ces origines relève essentiellement de la mythologie, il n’en est pas moins vrai que sous cette dernière se cache une part de vérité, parcelles d’histoire que nous ne connaîtrons jamais. Nous ne pouvons donc que nous en tenir à cette mythologie qui par son ancienneté a bien mérité de figurer dans nos recherches contemporaines.
Une étude récente à ce sujet, « The Roman Clan: The gens from ancient ideology to modern anthropology » de Ch. J. Smith (Cambridge 2006) consacre tout un travail à ce sujet et notamment présente ce que nous savons à propos des Aemilii. Les sources principales datent du premier siècle de notre ère: Plutarque surtout et Silius Italicus mais aussi Festus (IVème s.) dont on connait les écrits indirectement par Paulus qui en a assuré l’abréviation). Par Plutarque nous savons qu’il s’agit avec les Aemilii de l’une des plus anciennes maisons patriciennes de Rome et l’on ne s’étonnera pas donc que cet auteur, en maître de la biographie romaine, lui attribue une noble ascendance avec un ancêtre bien déterminé pour la débuter: Il rapporte ainsi plusieurs histoires mythiques sur les rapports possibles entre le 2ème roi romain (succédant à Romulus le fondateur de Rome) Numa Pompilius et le philosophe et mathématicien grec Pythagore; il précise toutefois qu’il ne fait que regrouper ces traditions (donc il n’invente rien, il fait oeuvre d’ethnographe en quelque sorte) en expliquant pourquoi elles sont apparues et pourquoi elles sont réfutables:
La gens Aemilia est réputée descendre de Mamercus (donc voilà l’ancêtre mythique), dont le nom lui fut attribué en raison du fait que Pythagore avait un fils du même nom et que cette dénomination fut une preuve de l’estime que se vouaient les deux hommes. Numa aurait d’abord donné à ce même fils le nom d’Aemilius pour désigner chez son enfant (je rappelle ici l’importance de la signification du nom pour celui qui en est doté) la « douceur et la grâce de son langage »(Plutarque, ‘Vies parallèles’, ‘Numa’, 8). Plutarque était grec de naissance, on a fait le rapprochement de ce nom avec le mot grec « aimilios » mais ce ne serait là qu’une coïncidence. En ce qui concerne Numa et Pythagore le mathématicien ce n’est guère possible de les voir en relation car les recherches modernes ne les placent pas comme ayant vécu au même siècle: il faut plutôt voir en Numa un roi « d’une sagesse si éclairée qui l’a fait passer (à postériori) pour disciple de Pythagore ». Certains auteurs prétendent que « Pythagore de Sparte, vainqueur du Stade à Olympie, à la 16ème Olympiade, dont la 3ème année est celle de l’élection de Numa, fit un voyage en Italie, lia commerce avec ce prince et l’aida à régler son royaume »(Plut. « Vies Parallèles Numa » 1). Plutarque se montre circonspect sur cette origine, notant par ailleurs que « les historiens sont en contradiction sur la descendance de Numa »(ibid, « Numa » 21) mais qu’il est inutile de tergiverser sur ce sujet; on notera toutefois que, dans cette vie de Numa, Plutarque parle des préceptes pythagoriciens qui auraient guidé les actions de ce roi (ibid, « Numa » 11,14,22).
Ce qui est certain, par contre, c’est que le praenomen (prénom) de Mamercus n’a été utilisé que dans la gens Aemilia, que les premiers aemiliens connus dans l’histoire portaient soit ce prénom, soit l’avaient comme cognomen et qu’il fut aussi porté par eux sous la forme ‘Mamercinus’ (soit ‘de’ Mamercus ou Mamercien) parfois très tard.
Plutarque encore dans « Aem. 2.2″ confirme et précise cette origine de Mamercus: « Le premier d’entre eux (le premier aemilien) qui donna son nom à la famille fut Mamercus, fils de Pythagore le sage, connu comme Aïmilios en raison de sa grâce (haïmulia en grec) pour parler et de son charme (vocal!) ».
Tout autre est l’explication de Festus: « Quod ab Ascanio descendat (gens Aemilia) qui duos habuerit filios, Iulum et Aemylon », soit la gens Aemilia descend d’Ascagne qui eut deux fils Ilius et Aemilius (Festus [Paulus] p22L). Cette version est en partie celle de Tite-Live (auteur des débuts de l’Empire) dans laquelle même s’il ne parle pas expressément du nom d’Aemylos, donne un frère à Iulius (Tite-Live 1.3.2). Silius Italicus, lui, va plus loin; il nous dit: « … numerare parentem, Assaracum retro praestabat Amulius auctor, Assaracusque louem » (Sil. « Pun. 8.294-6) donc pour lui, le fondateur Amulius se réclamait d’Assaracus comme descendant, et Assaracus de Jupiter (ni plus ni moins !). Et là nous remontons bien plus haut dans l’histoire, avant Rome, alors que Albe la Grande était la ville principale du Latium…Nous verrons cela la prochaine fois!
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