La latinité est un vaste espace de lieu comme de temps: douze siècles d’histoire et une expansion quasi-continue depuis le Latium (région de Rome) jusqu’aux contrées lointaines de la Bretagne (Grande de nos jours) ou de la Perse (Irak actuel); un Empire Romain très bien organisé administrativement, bâti patiemment par une République Romaine à laquelle se sont attachés beaucoup de citoyens pendant les cinq derniers siècles précédant notre ère. Lorsque l’on parle de Rome il s’agit le plus souvent de l’Empire, la période républicaine en tant que telle (les empereurs n’ont jamais renié la république!) n’est l’affaire souvent que des historiens; on se souvient bien de noms comme Cicéron ou Lépide (un aemilien) mais qui sait parmi le commun des mortels les situer dans le temps! Et pourtant là sont les socles de cet Empire: socle politique, administratif, militaire, diplomatique, desquels vont sortir tout ce que l’on connait des romains (l’art de bien bâtir et en grand, d’organiser la vie quotidienne de toutes les classes sociales, de régler les questions juridiques, les transports et déplacements, de maintenir la paix, de gérer les provinces et colonies, de fournir à tous ‘du pain et des jeux’ etc) et qui leur vaudront une renommée inégalée depuis dans toute l’Europe. En vous parlant des aemiliens plus ou moins célèbres vous verrez que la plupart d’entre eux ont vécu sous la République, qu’ils ont servi régulièrement d’un bout à l’autre (du début du Vème siècle à sa fin peu avant le début de notre ère), très souvent dans des fonctions civiles ou militaires élevées. Quelques uns ont même eu un destin exceptionnel et une place essentielle dans les destinées de ce peuple ainsi celui qu’en français l’on nomme Paul-Emile ce qui est une idiotie, son nom (je dis bien nom latin) étant Aemilius Paulus (membre de la gens Aemilia et de la branche des Paulii). J’ai déjà évoqué l’extrême précision des romains quant à leur système de nomination des individus; elle est d’autant plus précise et importante lorsqu’il s’agit des grandes familles, que celles-ci soient ‘nobles d’origine’ (on emploiera plutôt le terme de patriciennes, ce qui signifie qu’elles ont un ‘père’, un ancêtre dont leur nom générique est dérivé), ou qu’elles soient plébéiennes (d’extraction du peuple, des simples citoyens). Le nom était d’une importance primordiale dans cette société si bien régie sur tous les plans.
En 1867 le baron de Coston dans « L’origine des noms » écrivait: « Les noms propres, pas plus que les autres mots, n’ont été fabriqués au hasard…Ils sont tous significatifs par eux-mêmes, dans une langue vivante ou morte…Mais la plupart de ces noms n’ayant pas conservé l’étiquette de leur origine, il est souvent très difficile et quelquefois impossible de déterminer leur signification… ». Et pourtant comme l’indique Bourdonné dans « L’atlas des noms propres », « Il est un fait reconnu en philologie…, c’est que chacun des mots appelés noms porte en soi-même sa signification ». Ces constatations étaient déjà repérées en 1681 par Mekestbier dans « Origines des ornements des armoiries » ou en 1704 par Baillet dans « Vie de St Christophe » et enfin plus précisément en 1806 (F. Noël « Dictionnaire Historique ») et 1861 avec Textoeis dans « Quelques considérations sur l’imposition des noms » où l’auteur fait remonter à la plus haute antiquité grecque ces préoccupations linguistiques des peuples et fait référence à Platon (Traité de Cratylé), cite Cicéron (« Les Tusculanes »), Quintilien (« Institutions Oratoires »), Plutarque (« Vie de Coriolan », »Vie de Marius ») dont il dit qu’ils avaient tous examiné la question. Mais il reconnait qu’avec le temps, « le vrai sens radical de la composition des mots échappait à la subtilité de leur argumentation » car le temps avait fait son oeuvre de déperdition, de modification. L’on ne s’étonnera pas dès lors de trouver des explications très différentes les unes des autres concernant l’origine et la signification du nom de cette gente romaine dont dérive (pour cette origine latine générale) notre nom Amiel. Aux auteurs latins antiques qui y sont allé de leur propre explication (origine du nom grecque, osque, sabine, albine) se sont rajoutés les auteurs linguistes modernes (dont certains ont travaillé sur les auteurs antiques) ce qui nous donne un très large éventail de possibilités à propos desquelles je me garderai bien de porter un quelconque jugement. Un trait me semble toutefois dominer: la nécessité d’avoir, à un certain moment, une assise familiale dont l’ancienneté et la valeur frise avec la mythologie, notion qui a poussé les grandes familles romaines à « commander » aux historiens de leur temps, une origine de leur nom, et donc de leur(s) ancêtre(s), aussi proche que possible sinon des dieux, du moins des héros antiques (tels ceux de la Grèce dont la civilisation a précédé celle de Rome) et que la République a, tardivement, adulé.
Nous verrons donc dans un prochain article ces différentes explications sur les multiples origines données au patronyme latin Aemilius qui, par suite de traductions dès le haut moyen-âge, se trouve être maintenant et donc depuis plus de mille ans le nôtre.
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