Après toutes ces différentes origines de notre nom, qu’elles soient certaines, probables ou simplement possibles selon le cas, je ne peux clore ce tour d’horizon linguistique sans vous parler au moins une fois, des jeux de mots auquel notre nom a du se soumettre tant il semble évident, en langue française au moins, qu’ Amiel a fait l’objet d’une approche amusante, phonétiquement parlant. Et l’écrit a traduit cela quelquefois comme nous allons le voir.
En effet, cette langue par laquelle je m’exprime ici regorge d’homophones (rien à voir avec les gays !), de paroles à double sens, et se prête merveilleusement au calembour, au quiproquo, à « l’embrouille » linguistique, toutes tournures sources de bien réjouissants feux d’artifices ou autres embrasements verbaux dont certains auteurs se sont fait une spécialité littéraire.
Pour notre sujet, le plus évident me paraît être l’allusion à un certaine mouche, non pas de celles qui nous sont répulsives et sur lesquelles je n’insisterai pas plus longtemps, mais de ces mouches que l’on nomme depuis quelques siècles abeilles. Ces animaux si industrieux étaient autrefois (jusqu’au XVIème siècle) appelés « mouches à miel ». Pourquoi ce terme a-t-il prévalu si longtemps dans cette langue qui, habituellement préfère utiliser des mots très précis pour son expression ? Et bien parce que cet animal si particulier (avec les animaux domestiques mais en est-il un lui-même?) etait l’objet d’un tabou: en utilisant le mot composé avec ‘mouche’ le mauvais sort n’était pas attiré, le nom de l’insecte n’étant pas prononcé. D’après les linguistes et ethnographes, la disparition du tabou a entraîné celle du nom de remplacement. Toujours est-il que l’expression est restée dans la mémoire collective et que beaucoup d’Amiel en France en ont fait les frais lorsqu-ils étaient enfants, car bien entendu c’est le rapprochement avec ces mouches qui nous pourrissent la vie (lisez bien!!!) que les générations nous ont relié. Cette ‘mouche à miel’ dont le bénéfice pour l’homme remonte sans doute très loin (on a des papyrus médicaux égyptiens qui en parlent déjà, elle y était signe de royauté comme plus tard chez les francs et plus près de nous pour Napoléon Ier, les assyriens eurent un signe idéographique cunéiforme qui la représentait …), fut donc l’objet de fables, proverbes, utilisations littéraires. En voici un petit florilège. On pensait par exemple qu’il valait une seule mouche à miel que cent bourdons sans miel. Plusieurs fabulistes, spécialité littéraire du XVII et XVIIIème siècle, ont versifié sur elle: à commencer par l’illustre La Fontaine avec « Les frelons et les mouches à miel », mais aussi Gellert (d’origine allemande): « La mouche à miel et la poule », Pfeffel (alsacien): « Le papillon et la mouche à miel », Curtil enfin, au XIXème : « La mouche et l’abeille » qui semble avec ce titre en finir, littérairement parlant avec cette désormais ancienne appellation. Un Ordre fut même créé avec cette dénomination par la duchesse du Maine en 1703 en son Château de Sceaux, simulacre d’ordre de chevalerie, pour s’attacher une cour autour d’elle, tout comme le fait naturellement une reine avec ses abeilles butineuses et ouvrières … Et l’on ne sera pas surpris de trouver ici Henri-Frédéric Amiel (le plus illustre des Amiel à ce jour peut-être): Sylvain Monod dans « Pastiches » (Ed. Lefebvre 1963) indique l’utilisation à son encontre de l’expression « Ne prends donc pas la mouche, Amiel » qu’il prît toutefois pour un aimable jeu de mots sur son nom. Il est raconté par ailleurs que les gamins de l’un des quartiers de Genève où il vécut l’affublaient de ce piètre calembour. Si un tel personnage l’a entendu et supporté, tous les Amiel ne peuvent qu’en faire autant, n’est-ce pas? Citons enfin une nouvelle de C.F. Meyer dans laquelle un dénommé Julien Boufflers, potache est l’instrument ridicule de ses camarades dans le cours de rhétorique professé par le Père Amiel. Ils font dessiner au malheureux un abeille sur le tableau avec la mention « bête à miel ». Le Père Amiel vit cette allusion désobligeante à son nom, fit fouetter son auteur tant et si bien que celui-ci en mourut. Comme quoi, même dans les oeuvres de l’esprit, les jeux de mots peuvent être très risqués aussi. Mais l’allusion à l’abeille (et à la mouche à miel donc) peut être également un moyen de grandir l’individu qui porte le nom d’Amiel, s’il a toutefois le droit de porter des armes. J’entends par là le droit d’avoir un blason. Et ici nous verrons que plusieurs personnages ont pu en posséder. Je citerai seulement ici l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier (Bulletins N° 74 à 83 Imp. Firmin et Montane 1944) qui indique que « Les Amiel ont (comme armes) des abeilles ou mouches à miel ». Au-delà de l’allusion homophonique peut-être est-ce là une occasion de se relier à l’histoire assez particulière de cet étrange animal dont je dois vous conter un peu l’histoire; notre lien avec elle, et oui elle est du genre féminin, le mérite et l’histoire de notre nom aussi.
De symbole de royauté chez les anciens peuples, on l’a vu, la mouche à miel, devenu l’abeille par emprunt à l’occitan « abelha » (prononcer [abeillo]) du latin ‘apicula’ et dont la première définition officielle se trouve dans le Dictionnaire de l’Académie Française de 1694 comme étant bien la ‘mouche à miel’ est un animal extrêmement populaire et fait l’objet en ethnologie de nombreuses relations. Populairement, en France elle est la « mouche du Bon Dieu » ou » Bête à Bon Dieu ». Il y a la cire qu’elles produisent et qui permet à la lumière de Dieu d’éclairer les autels comme il y a bien longtemps elle était présente dans l’éclairage de la lumière divine sur les sept branches de la Ménorah, le chandelier précieux du Temple de Jérusalem qui pourrait représenter un amandier, je vous le rappelle. Présente aussi aux funérailles toujours par la cire, les abeilles étaient averties de la mort de leur maître, on allait leur annoncer sa mort. On leur parlait aussi quand on s’occupait de la ruche, le peuple des abeilles étant assimilé à un certain peuple de Dieu, vous voyez encore ici l’allusion à notre nom plus qu’homophonique). Les abeilles faisaient en quelque sorte partie du cercle familial villageois: le respect était de rigueur avec elles, on ne les vendait pas mais faisaient plutôt l’objet d’échanges; ce n’était pas du bétail ordinaire, elles etaient des bêtes du Bon Dieu. Et le miel est présent dans les gâteaux destinés à l’église, à l’égal du pain.Il est très présent à Noël, où il figure une représentation du paradis (là où coule le lait et le miel selon la Bible), d’ailleurs on l’offrait autrefois aux nouveaux-nés, en Catalogne il est censé adoucir la vie; c’était un baume…
Mais je pense que nous reprendrons la prochaine fois ce discours qui commence à être un peu long, comme un jour sans miel, à moins que ce ne soit sans pain!
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