Citation du grand avocat et écrivain qui vivait à la fin de la République, Cicéron, dans laquelle celui-ci énumère quelques 'gens' célèbres qui ont fait la grandeur de la Rome Républicaine. Vous noterez qu'il place les Aemilii à la fin de sa liste de familles citées. Cette position en fin d'énumération doit être mise en rapport avec la stratégie rhétorique typique des écrits latins en prose; il s'agit de montrer que ce terme est l'élément cité le plus important. Pour ces Aemilii, il parait faire référence à un Aemilius de son temps, qu'il connait bien, si bien qu'il veut ainsi le mettre en avant dans son discours; cet homme est probablement Publius Cornelius Scipion Aemilianus, l'un des deux fils mis en adoption par Aemilius Paulus Macedonicus, adopté comme on le voit par la gens Cornelia, précisément par Publius Cornelius Scipion le Jeune, fils de Scipion l'Africain, le fameux vainqueur des Carthaginois. Et comme de coutume son nom d'origine est mis dans son nouveau nom en position de cognomen (sur-nom), Aemilianus; c'est cet aemilien de naissance qui mettra en œuvre le souhait de l'épouse de Caton l'Ancien "Delenda Carthago", il faut détruire Carthage, ce qu'il fit en rasant complètement la ville de ce maudit Hannibal. Pourquoi cet homme est-il ainsi mis en avant par Ciceron ? C'est un grand homme public mais il est surtout souvent l'un des protagonistes des Dialogues philosophiques du grand penseur, dans lesquels il y incarne véritablement l'idéal cicéronien du 'bon citoyen' voire de l'homme politique (orator) typique dévoué à la cause de la République mais qui incline aussi à cultiver le savoir et notamment la philosophie. Pouvait-on trouver meilleur hommage à un Aemilii et plus grand personnage pour nous le livrer ?
La traduction complète de cette phrase donne par exemple : Ainsi donc, imitons tous ces héros dont Rome fut la mère, les Brutus, les Maximes....les Aemiles, et tant d'autres qui ont affermi cette république, et que je ne crains pas d'élever au rang des dieux.
Mais cette hommage rejaillit sur toute la gens Aemilia, autant sur celle de la République passée et finissante que sur celle de l'Empire qui pointe bien loin encore son nez, la parenté strictement familiale jusque-là s'étendant ensuite en raison de sa grande notoriété, progressivement à beaucoup d' "aemulatores" à travers non seulement la péninsule italienne mais aussi dans les Gaules, en Hispanie, en Afrique méditerranéenne, en Bretagne, en Grèce et en Orient au fur et à mesure des colonisations et des nombreux gouverneurs aemiliens....des aemulatores dont seront beaucoup de futurs français, espagnols, italiens, voire grecs du nom générique d'Amiel (en français) ou de ses adaptations linguistiques, lesquels en sont linguistiquement du moins les très lointains descendants.
Il ne sera pas dès lors étonnant que les auteurs anciens des débuts de l'Empire aient prêté à cette grande famille romaine des origines légendaires et même mythiques dont je vais parler maintenant, en essayant de mettre en (un ?) ordre l'éventail des origines diverses données par ces auteurs antiques, et qui sont difficilement assimilables en un tout cohérent.
Mais il me faut préciser avant qu'il était en ces temps lointains parfaitement courant et accepté d'insérer des noms de familles romaines dans les récits des origines, le but étant de leur donner une grande ancienneté, un éclat et un poids, une puissance plus marquée (l'éclat, l'illustration étant une notion importante chez eux). Il est vrai que l'existence de toutes ces familles, se rattachant tant bien que mal à une tradition, à des ancêtres insignes fondateurs, peut paraître une notion assez anachronique comparé à leurs actions, mais il faut bien voir qu'en ces temps-là l'appartenance à une gens, véritable clan, composé de plusieurs familles, faisant suite aux anciennes tribus des temps pré-romains, était l'essence même de l'organisation de la société. La notion de "grande famille" ou famille élargie est une organisation sociale qui a évolué avec le temps et s'est progressivement notablement appauvrie, au moins en terme de membres de niveaux générationnels, depuis ce temps, pour en arriver de nos jours dans nos sociétés occidentales dites modernes aux pitoyables familles mono ou uni-parentales ou re-composées, voire dé-composées qui sont malheureusement courantes maintenant chez nous, et dont le dernier avatar est la simple juxtaposition d'adultes de même sexe s'adjoignant des enfants qui ne sont pas génétiquement d'eux, qu'ils s'apprêtent même à faire fabriquer sur mesure comme une vulgaire cuisine, selon leurs goûts ! Il reste toutefois un certain caractère méditerranéen dans les sociétés du sud à ce sujet, la mamma en Italie qui a droit au respect de sa maisonnée, certaines déviances aussi comme les clans voire les mafias, la puissance encore vive du "pater familias" etc...
Le mythe fondateur de Rome et les Aemilii:La traduction complète de cette phrase donne par exemple : Ainsi donc, imitons tous ces héros dont Rome fut la mère, les Brutus, les Maximes....les Aemiles, et tant d'autres qui ont affermi cette république, et que je ne crains pas d'élever au rang des dieux.
Mais cette hommage rejaillit sur toute la gens Aemilia, autant sur celle de la République passée et finissante que sur celle de l'Empire qui pointe bien loin encore son nez, la parenté strictement familiale jusque-là s'étendant ensuite en raison de sa grande notoriété, progressivement à beaucoup d' "aemulatores" à travers non seulement la péninsule italienne mais aussi dans les Gaules, en Hispanie, en Afrique méditerranéenne, en Bretagne, en Grèce et en Orient au fur et à mesure des colonisations et des nombreux gouverneurs aemiliens....des aemulatores dont seront beaucoup de futurs français, espagnols, italiens, voire grecs du nom générique d'Amiel (en français) ou de ses adaptations linguistiques, lesquels en sont linguistiquement du moins les très lointains descendants.
Il ne sera pas dès lors étonnant que les auteurs anciens des débuts de l'Empire aient prêté à cette grande famille romaine des origines légendaires et même mythiques dont je vais parler maintenant, en essayant de mettre en (un ?) ordre l'éventail des origines diverses données par ces auteurs antiques, et qui sont difficilement assimilables en un tout cohérent.
Mais il me faut préciser avant qu'il était en ces temps lointains parfaitement courant et accepté d'insérer des noms de familles romaines dans les récits des origines, le but étant de leur donner une grande ancienneté, un éclat et un poids, une puissance plus marquée (l'éclat, l'illustration étant une notion importante chez eux). Il est vrai que l'existence de toutes ces familles, se rattachant tant bien que mal à une tradition, à des ancêtres insignes fondateurs, peut paraître une notion assez anachronique comparé à leurs actions, mais il faut bien voir qu'en ces temps-là l'appartenance à une gens, véritable clan, composé de plusieurs familles, faisant suite aux anciennes tribus des temps pré-romains, était l'essence même de l'organisation de la société. La notion de "grande famille" ou famille élargie est une organisation sociale qui a évolué avec le temps et s'est progressivement notablement appauvrie, au moins en terme de membres de niveaux générationnels, depuis ce temps, pour en arriver de nos jours dans nos sociétés occidentales dites modernes aux pitoyables familles mono ou uni-parentales ou re-composées, voire dé-composées qui sont malheureusement courantes maintenant chez nous, et dont le dernier avatar est la simple juxtaposition d'adultes de même sexe s'adjoignant des enfants qui ne sont pas génétiquement d'eux, qu'ils s'apprêtent même à faire fabriquer sur mesure comme une vulgaire cuisine, selon leurs goûts ! Il reste toutefois un certain caractère méditerranéen dans les sociétés du sud à ce sujet, la mamma en Italie qui a droit au respect de sa maisonnée, certaines déviances aussi comme les clans voire les mafias, la puissance encore vive du "pater familias" etc...
-1- Son résumé :
Il suffit de lire l'œuvre maitresse du plus grand poète latin, Virgile, "L'Enéide", continuation romaine de l'œuvre grecque d'Homère "L'Iliade et l'Odyssée" pour savoir de quoi il s'agit ou sinon la tragédie plus moderne en 5 actes de Marmontel "Numitor". Il faut donc remonter au mythe troyen : Lorsque les grecs, autour de - 1200 s'emparent de Troie par traîtrise avec Ulysse et le fameux stratagème du faux Cheval, le Prince Enée, fils de Vénus et du mortel Anchise, roi de Troie, est le seul qui réussit selon la tradition à s'enfuir de sa ville en feu portant son père Anchise sur ses épaules et par bateau à dériver jusqu'en Italie; il aborde (vers le début du XIIème S. avant notre ère ?) près de l'embouchure du Tibre, s'allie au roi aborigène Latinus dont il épousera la fille, Lavinie et fondera Lavinium. Selon certains auteurs, leur fils Ascanius, Ascagne fondera quant à lui Albe La Longue dont le 13 ou 15 ème roi fut Numitor, frère ainé d'Amulius; les deux frères s'étant partagé l'héritage de leur vieux père; selon d'autres écrivains Ascagne serait arrivé avec son père, depuis Troie.
On peut penser qu'il y ait un fond de vérité dans cette histoire en ce qui concerne l'agrégation de ces grecs apatrides à la population autochtone, peut-être elle-même de descendance grecque, comme les voisins Etrusques, ceci pouvant expliquer ce choix de s'y fixer. Ascanius considéré (par les latins) né dans le Latium est un latin, mais en tant que fils d'Enée, il est le petit-fils d'Anchise; ce dernier eut Enée en faisant l'amour à Vénus Aphrodite, voilà une sacrée référence mythologique ! Ascanius quant à lui eut, selon une tradition, deux fils nommés Iulius et Aemylos. Bon pour Aemylos on sait de qui il s'agit, c'est le nom grec de l'ancêtre aemilien ou du moins son origine grecque, mais Iulius doit nous rappeler quelqu'un de plus connu, un certain Jules, c'était son nom, suivi de Caesar, qui sera son surnom. Ce membre éminent mais malheureux de la gens Iulii, gens qui se rattrapera quelques dizaines d'années plus tard avec Auguste, le 1er empereur romain, a donc pour ancêtre un propre frère de l'ancêtre aemilien selon cette origine fabuleuse. On verra d'ailleurs que cette parenté ancestrale aura à être rappelée par Jules César lui-même.
Mais revenons au temps du 13ème roi d'Albe, au temps des frères Numitor et Amulius; Amulius s'était en effet arrangé avec son frère Numitor pour succéder à leur père comme Roi d'Albe dans un premier temps, lui héritant de ses biens et Numitor devenant roi, ces personnages très hypothétiques étant donnés comme relevant avec leurs prédécesseurs de la descendance d'Enée bien entendu; mais Amulius avait les dents longues, il disputa le trône à son frère, le tua (selon certains) et prit sa place. Quelques uns affirment qu'il tua aussi le fils de Numitor. Quant à sa nièce, Rhéa Sylvia, il en fut dès lors le tuteur; mais celle-ci, ayant couché avec Mars bien qu'il l'ait reléguée comme vestale, laquelle donc devait demeurer chaste, donna naissance aux jumeaux Rémus et Romulus. C'est du moins ce que l'on diffusa le plus, mais au moins deux auteurs du Ier S. av. J-C. pensent que le dieu Mars n'est pour rien dans cette coucherie : Licinius Macer puis le plus connu Denis d'Halicarnasse écrivent qu'Amulius lui-même (ou un simple prétendant) se faisant éventuellement passer pour Mars (!) aurait abusé de la jeune fille; ce qui charge les deux frères d'un lourd héritage familial, attribue une origine peu glorieuse à Rome et impose à la gens Aemilia un ancêtre détestable; heureusement la rumeur n'ira pas plus loin ! Quoi qu'il en soit, Amulius ne fit pas éliminer les deux garçons alors qu'ils constituaient un danger pour son trône, mais les fit déposer dans un panier et les 'confia' au fleuve dans la certitude qu'ils y périraient; c'était compter sans la providence des dieux: un louve, entendant leurs pleurs dans une zone marécageuse où la frêle embarcation avait abouti, les nourrit jusqu'au moment où ces enfants furent recueillis par Faustulus, berger des troupeaux d'Amulius, et son épouse Acca Laurentia, qui les élevèrent. On sait ce qu'il advint lorsqu'ils furent en âge de décider de leur vie: alors qu'ils voulaient trucider Amulius leur oncle, leur grand-père Numitor, (qui finalement ne fut pas trucidé par son frère et serait remonté sur le trône d'Albe ?), homme sage, leur conseilla plutôt d'aller s'installer ailleurs et fonder une nouvelle ville; ce qu'ils firent, mais les auspices pris dans le vol de vautours donnèrent l'avantage à Romulus pour créer et devenir le premier roi de la nouvelle cité, Rome bien sûr. Quant à Rémus qui avait voulu se jouer de son frère en transgressant une interdiction (il franchit le sillon que le soc de la charrue, menée par Romulus, avait creusé pour fixer les limites de la ville), il fut éliminé sans autre forme de procès. (ref Ovide F 4,53 et Tite-Live 1,3). A cette fondation de la Rome royale succèderont deux autres épisodes également très connus car souvent représentés: L'enlèvement des Sabines sous le roi Titus Tatius et le Combat des Horaces et des Curiaces sous le roi Tullius Hostilius dont on peut trouver aisément les raisons : besoin de femmes pour peupler Rome et assurer son avenir pour le 1er; suprématie armée de Rome sur Albe pour le 2ème qui conduira à la destruction d'Albe. (d'après la relation trouvée dans "Nouveau guide du voyageur en Italie" p. 347, F. Artaria, 1841). Albe se situait à l'emplacement actuel de Castelgondolfo, une forte butte à l'est de Rome, dominant un grand lac d'origine volcanique.
-2- Contexte de la légende :
Il faut tout d'abord dire quelques mots sur ce royaume d'Albe-la-Grande qui précéda Rome. Cette ville située sur une hauteur dominant la plaine du Latium, à l'est du Tibre, était dans ces temps archaïques selon ce que l'on peut déduire des auteurs latins en l'absence de sources archéologiques, une des nombreuses tribus autochtones de la péninsule, dirigée par un "rex" qu'il faut voir non comme ce que ce terme désignera bien plus tard, mais comme essentiellement un chef religieux, à l'instar par exemple des druides gaulois, celui qui savait, celui qui connaissait comment interpréter les signes divins, comment régir la vie de ses congénères, celui qui prenait les décisions nécessaires et bien sûr celui qui accomplissait les rites. Les Romains ont retenu certaines pratiques de ce peuple comme ils ont aussi adopté des coutumes des autres peuples voisins, des Etrusques notamment que l'on connait bien mieux car ils ont laissé de magnifiques traces archéologiques, ou les Sabins ce peuple des Apennins, des montagnes au-dessus du Latium. Ils transposeront ces rois dans la 1ère période de leur existence, entre -753 avec Romulus et -509 avec Tarquin le Superbe, lequel se prenait un peu trop pour un roi omnipotent et ayant de plus des problèmes familiaux ouvrit la porte à la République; dans cette période dite donc royale, ces rex, tour à tour, mirent en place les grands organes de la société romaine : religion, armée, administration, politique, coutumes... les gens d'Albe leur transmettant par ex. quelques façons de s'habiller (dont les cothurnes rouges aux pieds des sénateurs), la pratique des triomphes dits albains (mais les plus connus seront les triomphes capitolins) ou les Féries Latines.
Mais Enée le Troyen dont l'Enéide glorifie l'épopée jusqu'à Albe, les Romains comme beaucoup d'autres peuples tenant à s'accrocher à de solides racines, serait parvenu ici vers -1200, on l'a dit. La fondation de Rome placée en -753 met celle-ci bien loin du héros grec; il était nécessaire de combler le trou de 4 siècles et demi artificiellement. D'autre part les plus anciens écrits latins parlant de ces origines légendaires ne remontent qu'à Fabius Pictor. On a là un pur produit du savoir-faire des érudits antiques et c'est cet aspect qui fait toujours l'objet des recherches actuelles. La figure du rex albain ne correspond pas à celle de roi comme je le dis plus haut mais semble ici dériver de "regio" ce que seront les premiers rois de Rome, des régisseurs; dans leurs société ils avaient une fonction religieuse augurale (pratique qui sera aussi celle de Rome) et celui qui en était doté accomplissait les rites essentiels au nom du peuple, du "populi Albenses" (ce que fera le Grand Pontife romain avec son Collège). Ces maitres d'œuvre des ponts de Rome (traverser des eaux en mouvement avait de quoi effrayer les anciens sans l'aide des dieux) auront en charge la marche du calendrier, les fêtes, les cérémonies religieuses, les consultations des auspices avant toute décision importante, la protection de la cité, la surveillance des vestales, le respect des rites... et surtout les devoirs dûs aux dieux. Le rex albain sera doté d'un nom dynastique celui de Sylvius. On ne s'étonnera pas du nom de la mère des jumeaux, Sylvia. Un nom qui rappelle fortement le monde encore sauvage primordial et divin de la forêt dont l'emprise territoriale, religieuse et symbolique est si intimement liée à la 1ère civilisation du Latium. Les fêtes romaines dites Féries Latines sont liées à cette lointaine origine. Ce sont ces rois albains supposés qui seront continués par ceux de Rome à partir du milieu du VIIème S. av. JC. Il faudrait aussi parler de Lavinium, la ville intermédiaire, celle créée par Enée lui-même sur le nom de son épouse, Lavinia, celle qui fait le pont entre les autochtones des forêts et la civilisation grecque....
-3- Références textuelles de la légende :
La légende fondatrice de Rome par Romulus se trouve dans de nombreuses œuvres latines; voici les principales : Denys d'Halicarnasse (I, 70 & 71); Tite-Live (1,3, 6-11); Virgile (L'Enéide, 6, v. 756 - 779); Ovide (Fastes, 4, v. 39-56) et (Métamorphoses, 14, v. 609-623, 772-774). Silius Italicus va même jusqu'à donner Amulius comme "fils d'Assaracus, fils de Jupiter"; comme les autres cet auteur ne tarit pas d'éloges à leur sujet, par exemple en les comparant quasiment à des dieux :"Genus admotum superis, summunque per altos attingebat avos coelum" (Punica, VIII, 295). Et si l'on veut trouver un auteur qui fasse descendre les Aemilii de cet Amulius de la légende romaine, inutile de voir ailleurs, c'est bien lui (Punica, I, 89). Ces auteurs concentrés dans la période augustéenne des débuts de l'Empire, période qui inaugure une nouvelle ère latine, prouvent l'importance politique prise alors par ces mythes des origines, qui ressurgit sans doute de vieilles traditions enfouies depuis des siècles que les vieilles gens doivent réaffirmer pour continuer à exister sur cette nouvelle scène impériale car dès lors les valeurs du passé sont pour le moins, bousculées.
-4- Et si une Aemilia précédait cet Amulius comme ancêtre éponyme de la gens ? :
Rhéa Sylvia pourrait faire référence à un tout autre personnage. Bien qu'étant toujours la mère des jumeaux fondateurs elle passe quelquefois comme la propre fille d'Enée et dans ce cas elle est nommée Ilia. Ce nom lui viendrait de sa ville natale, Elis, patrie aussi (Ilion d'où le nom d'Iliade, le poème d'Homère) de son père Enée avant qu'il ne devienne le prince troyen. Elis ou Ilion fut en ces temps lointains la capitale de l'Elide, contrée du Péloponnèse, la presqu'île principale de la Grèce. L'Elide est proche de l'Arcadie où les anciens situaient le "Paradis Terrestre". Très curieusement le chef-lieu actuel de cette région s'appelle Amaliada, un nom qui encore une fois fait parfaitement penser au nôtre. Cette histoire arcadienne peut être rapprochée de celle d'Antiopé, se plaçant quant à elle à Cyzique, sous le signe de Vénus, qui répond sans doute possible à l'histoire de Rémus et Romulus, et que l'on voit sur la paroi opposée de la cella du temple voué à cette grande déesse (cf. "L'association dionysiaque dans les sociétés anciennes" Ecole Française de Rome, 1986). Rhéa Silvia, que l'on devrait plutôt nommer Siluia (la graphie de ces deux lettres étant souvent confondue) a, en réalité trois références possibles : Ilia qui ramène à Enée et l'Elide, Rhéa qui fait référence à la mère de Zeus, et Siluia qui peut se rapporter aux forêts grecques de l'Ida ou aux Syluii albains, ces derniers étant le trait d'union, bien qu'ils n'aient jamais régné véritablement comme on l'a dit, entre Albe et Rome. La fameuse héroïne mère est d'abord fille d'Enée chez Naevius et Ennius, puis celle du roi albain Numitor (et nièce d'Amulius) chez Conon, Virgile et Plutarque, sous des noms successifs finalement simultanés d'Ilia puis Rhéa Siluia. Ce dernier transfert de paternité laisse à nouveau une place libre du côté d'Enée et plusieurs grandes gens ont cherché à l'occuper; on le voit dans quelques traditions dont celle de Plutarque pour la gens Aemilia (Plut. "Rom." 2,3 ; "Anth. Grec." 3,19), traditions qui donnent au fameux troyen Enée une fille tantôt nommée Aemilia tantôt Seruilia (Servilia). Il n'est pas impossible que ces prétentions ne soient nées que d'un simple jeu de mots : Aem-Ilia & Seru-Ilia, noms imaginés à partir d'une Ilia préexistante qu'elles vinrent remplacer pour mieux 'coller' au contexte romain mais tout en évoquant la référence hellène. Il était essentiel de fixer la part romaine et indigène au canevas troyen et grec, insérer Rome dans la culture hellénistique, voilà qui fut possiblement fait ainsi.
(=> "Alba Longa. Histoire d'une Légende" Liv. 3, Chap. X, Alex. Grandazzi, Ecole Française de Rome, 2008).
D'Enée à Aïmilios puis Amulius conduisant aux Aemilii :
-1- Aïmilios : Ainsi donc voilà Enée fuyant Troie qui aborde sur les rivages du Latium, se lie avec le peuple local, s'y fixe en épousant la fille du chef albain et va fonder sa ville de Lavinium. Ascagne son fils qu'il aurait eu à Troie d'une précédente épouse nommée Créuse, selon certains serait mort sans enfants, ce qui permet la continuation dynastique par la descendance d'Enée avec Lavinia. Pourtant d'autres comme on l'a vu plus haut, indiquent qu'Ascagne aurait eu deux fils, Iulii, Jules dont la gens Iulia dira descendre (nom lié ni plus ni moins au dieu des dieux Jupiter) et un certain Aïmilios dont se réclamera la gens Aemilia; ce qui peut faire dire que les Aemilii étaient parents, au moins légendairement des Iulii. Ces frères sont notamment cités par Festus (Festus, 23L) :"Aemiliam gentem [...] quo ab Ascanio descendat qui duos habuerit filios, Iulium et Aimulos...". On pourrait citer aussi la frise qui ornait le haut de la Basilique Aemilia qui narrait en BD antiques cette ascendance fabuleuse et commune.
-2- Amulius, légende et onomastique :
- Les traditions s'entrechoquant parfois, la légende des origines de Rome met donc en scène un second aemilien. Mais est-ce vraiment un aemilien; le nom de cet Amulius roi d'Albe fait bien penser à une telle possibilité c'est d'ailleurs ce que déduisent quelques auteurs modernes. Voilà deux frères qui vont clôturer si je puis dire l'avant-chapitre de la création légendaire de Rome, celui des 'rois' albains des Sylvii, qui permettent de relier Enée et Romulus. Selon certains chercheurs si le nom de Numitor semble avoir été précédé par celui d'Enée lui-même comme grand-père des fameux jumeaux (avec un sacré raccourci dans le temps quand même mais pour les anciens à cette distance les souvenirs temporels subissent comme pour chacun de nous un certain rétrécissement comme les soufflets d'un accordéon), par contre le personnage de Amulius aurait pu être le pur produit de la propagande des Aemilii (cf. G. Brugudi, "Enc. Virg. n. 196, p.797; E. Pais "St. di R.", 1, 1898; "Königstafel...", p.132). Pourtant cela semble difficile à croire; le rôle dévolu à cet Amulius dans la légende insigne ne montre pas un personnage très louable bien qu'il n'ait pas eu nécessairement dès le début cette coloration négative de méchant oncle, et même en minimisant son rôle, en insistant sur le fait qu'il n'ait pas fait périr les deux enfants délibérément - le panier d'osier confié au Tibre rappelle d'ailleurs pour nous un célèbre antécédent, celui de Moïse confié aux eaux du Nil tout comme cette qualité d'oncle peut rappeler la signification première de notre nom en hébreu - il peut sembler difficile à nos yeux actuels qu'une si grande gens ait pu se réclamer du nom d'un si piètre personnage mythique. Et l'on peut ajouter que ce triste sire est encore bien puni par l'érudition moderne qui ne lui accorde que peu d'intérêt tandis que le grand-père et martyr Numitor est mieux traité évidemment ! Que cet Amulius soit le propre beau-frère d'Enée selon Ennius ou le frère de Numitor selon la Vulgate, il reste l'oncle de Rhéa Sylvia et cette constante permet en tous cas de voir en lui un protagoniste ancien de la légende. Certains modernes émettent l'idée que ces deux rois furent comme Rémus et Romulus, des jumeaux, l'un à magnifier, l'autre à réprouver, cela bien que la plupart des sources indiquent que Numitor était l'ainé, cette qualité étant peut-être destinée à mieux mettre en relief l'impiété et l'irrespect d'Amulius. En tous cas ils sont liés par la légende et y entrent ainsi liés par cette paire ou parèdre comme Enée avec Turnus furent des faux-frères, Ascagne et Sylvius des demi-frères (pour certains), et bien sûr Rémus et Romulus des gémellaires déclarés. Ceci analogiquement avec beaucoup de frères célèbres dans l'histoire, tels Abel et Caïn de l'Ancien Testament et d'autres (c'est un thème récurrent que ces mythes de frères, on l'a vu pour ce qui concerne donc les hébreux et j'en parle aussi pour le conte d'Amis et Amile du moyen-âge).
-3- Du nomen au gentilice :
Il y a surtout lieu de remarquer que les noms des deux frères sont des 'simplex nomen'. Plusieurs savants modernes ont montré qu'un nom simple pouvait avoir une valeur individuelle ou gentilice et que le nom simple fut une réalité de l'Italie archaïque (comme chez beaucoup de peuples alors). Toutefois la nomination gentilice qui arrivera après n'est pas semblable selon les peuples (Albains, Sabins, Etrusques...) et selon leur langue. Les désinences en -ius que représentent autant Sylvius qu'Amulius ne sont plus systématiquement considérées de nos jours comme des gentilices (voyez ce que j'en dis dans la partie onomastique pour l'origine latine de notre nom); l'on admet qu'il puisse s'agir de dérivés de plus anciens noms individuels ou même patronymiques ! Ces noms ne peuvent plus être considérés comme tardifs, il n'y a pas d'ailleurs de noms doubles dans les plus anciennes inscriptions latines, ni chez les Etrusques. Il y aurait au moins 60 noms gentilices en -ullius ou -ulius donc le nom Amulius est vraisemblable comme nom individuel avant de devenir, avec une légère adaptation et du temps, possiblement le nom gentilice des Aemilius. Ajoutons que la vraisemblance onomastique n'implique pas l'existence historique de ces personnages de légende. Mais il est probable que ces noms furent inventés à une époque précoce où ces noms archaïques étaient encore employés ou au moins connus.
-4- Le gentilice des Aemilii :
Enfin toujours est-il que par ces personnages à la filiation légendaire connue la jonction mythique est opérée entre Enée et Romulus ainsi qu'entre Aemilios et Amulius si l'on synthétise les différentes sources des auteurs anciens et modernes au moins par l'onomastique supposée. Ajoutons que la dénomination gentilice qui est une révolution administrative et non des moindres de la société romaine fut sans doute inventée en relation avec le développement de la propriété privée de la terre et l'apparition de la cité, alors qu'auparavant là comme ailleurs, le nom simple individuel suffisait dans des communautés où cette notion privative n'existait pas. Cette révolution sociale, qui n'est qu'un des aspects de la société romaine si inventive en une infinité de points, n'aura cependant des effets dans l'épigraphie qu'au milieu du VIIème S. précédant notre ère, c'est l'époque donnée aux débuts de Rome et de ses rois organisateurs. Quelques auteurs vont mettre l'ancêtre des Aemilii à cette période, parmi les enfants du roi Numa Pompilius tous devenant les ancêtres de familles insignes de la République Romaine.
(=> cf. "Alba Longa, histoire d'une légende" L. III Chap. X "Les rois d'Albe : analyse d'une tradition" pp. 731-790. Alexandre Grandazzi. Ecole Française de Rome).
L'origine des Aemilii via le roi romain Numa :
Comme si cela ne suffisait pas il existe encore des auteurs anciens qui indiquent que l'ancêtre des Aemilii serait l'un des quatre fils de ce 2ème roi de Rome Numa Pompilius. Ce fils nommé Mamercus mais surnommé par son père Aimilios aurait donc été le premier des Aemilii. Le tenant de cette tradition rattachant l'origine à la Grèce est Plutarque ("Vies parallèles, Numa", 1,8,11,14,21,22) qui est lui-même grec d'origine mais il indique aussi ailleurs qu'il aurait lu quelque part qu'une fille d'Enée et de Lavinia portait le nom d'Aymilia (Plut., Rom., II, 3), il en fit par là l'ascendante des Aemilii ce qui est rare pour une femme ! On comprendra qu'il indique pour sa référence à Numa qu'il s'agit de simples conjectures et on retiendra surtout que les Aemilii avaient une grande influence pour 'placer' comme bon leur semblait leurs ancêtres supposés et donc un grand pouvoir tout court. Il y avait dans les grandes gens un certain orgueil de la supériorité que l'on nommait "hubris"; Hérodote écrivit à ce propos ceci : "Le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la mesure" et la punition divine était dans le châtiment de la Némésis, la déesse de la mesure qui faisait appliquer la justice de Jupiter ! Que n'a t-on de nos jours une telle déesse? ! Voici ce qu'écrivit entre autres Plutarque dans "Numa": Aemiliam gentem appelatam dicunt a Mamerco, Pythagorae philosophi filio, cui propter unicam humanitatem cognomen fuerit Aemylos. Dans cette phrase on voit que Aemylos serait le surnom de Mamercus, présenté ou plutôt surnommé comme "le fils de Pythagore"; et parce que ce surnom indiquait, soit l'émulation ou même la rivalité de son caractère, soit sa facilité à s'exprimer, son côté 'beau parleur' en somme, suivant l'origine que l'on peut donner à ce surnom, grecque notamment (Plut. "Aem.", 2,1)! Cette filiation pythagoricienne semble correspondre à ce qui était demandé aux historiens de la fin de la République, à savoir "redorer" le blason ternissant des vieilles familles patriciennes. Je m'explique : le surnom lié à Pythagore indique la volonté manifeste de rattachement à des valeurs pythagoriciennes comme aussi de rigueur anti-tyrannique. Pythagore disait que tout ce qui existe est nombre; c'était sa façon d'expliquer que tout obéit à une certaine mesure qui lui est propre; y compris l'homme pourrait ajouter son confrère Protagoras qui lui mettait l'humain au centre de ce concept. En étant synthétique nos sciences modernes n'en disent pas plus ! Et question morale Pythagore voulait cultiver chez ses élèves les vertus de l'honnête homme selon les idées grecques de ce VIème S. av. J.C. Pour lui le modèle de gouvernement était aristocratique et il combattit la démocratie des villes de la grande Grèce; une démocratie de circonstance et bien trop précoce pour pouvoir durer. Bien sûr il s'intéressait à l'éducation; le pythagorisme fut une vrai pédagogie et il fut un pédagogue dans l'école qu'il avait fondé.
Gouvernement aristocratique, éducation, voilà qui correspondait bien à ces nobles Aemilii pétris de culture et de philosophie grecque. Pour d'autres encore il faut voir en Mamercus une origine étrusque dont la signification est encore obscure (voir partie onomastique). C'est à s'y perdre en conjectures. Retenons en tous cas que les Aemilii voulaient se rattacher à ce Mamercus et l'on sait que ce fut un prénom particulier usité uniquement dans leur gens (et aussi un surnom, Mamercinus), un prénom guerrier puisqu'il fait référence au dieu Mars et en ce cas d'une origine sabine ? Plutarque indique toutefois et personne ne le contredira même aujourd'hui, que la plupart des écrivains de son temps désignaient les Aemilii comme l'une des plus anciennes maisons patriciennes de Rome. Cela suffit amplement pour nous, Amiel de ce temps, non ?
(=> "Rome and the resplendent Aemilii" in "Tria Lustra", article de T.P. Wiseman, "Essays presented to the editor of The Liverpool Classical Monthly" (1992) pp. 181-192. "La legenda de Enea nel racconto figurato degli Aemilii" article de R. Capelli in "Ostraka" 2, 57-71).
Les Aemilii sont la seule gens d'ascendance divine & dynastique :
Chez les spécialistes des origines des gentes romaines on parle de gentes énéades pour celles qui disent remonter à Enée et qui sont patriciennes, et de gentes numaïques pour celles qui (ne) peuvent remonter qu'au roi Numa et qui sont souvent plébiennes. Pourtant les Aemilii peuvent se targuer de ces deux origines prestigieuses; c'est une exception éminemment remarquable et unique : Ils sont d'ascendance divine par Mars, via le Mamers sabin dont ils ont longtemps porté le nom ou surnom et ils sont d'ascendance dynastique non seulement par le roi romain Numa mais aussi par les origines grecques et troyennes d'Enée, Assaracus et Rhéa Sylvia ou même étrusque via une certaine Aimulia. Si l'on considère que les plus anciens de cette origine semblent apparaitre au moment du mouvement qui va amener les lois liciniennes en -367, lois organiques dont une rétablissant le Consulat et surtout l'ouvrant aux gens de la plèbe et grâce à ces lois, qu'il se créera donc une nouvelle "nobilitas" de grandes gentes plébiennes, cela peut expliquer le deuxième rattachement ancestral à Numa (cf. "l'idée de royauté à Rome..." P. M. Martin, Adosa, 1994). On pourrait aussi remarquer que les Aemilii seront durant la République autant de farouches patriciens que des hommes ouverts aux progrès réclamés par la plèbe. La volonté de légitimation, dans cette éventualité, semble en tous cas manifestée dans les multiples constructions faites par la gens à Rome même : Basilique, Pont, Portique, Emporium, Temples, Théâtre, Palais, Jardin puis Quartier... La seule basilique revêtue des "Imaginae Clipeatae", son luxe intérieur et sa grandeur, ayant de plus la Via Sacra à son seuil, donnant par ses boutiques sur le Forum, avec son étage en forme de déambulatoire constituait un bien de famille majeur mais aussi un édifice public essentiel à la vie citoyenne de Rome, touchant la Curie où siégeaient les Sénateurs, vaste lieu bâti dans un espace idéalement placé que la gens mettait à la disposition de la République et qu'elle entretenait y contribuait grandement. On pourrait ajouter à cette renommée entretenue la 'publicité' faite sur les monnaies, celles-ci présentant la basilique ou, tour à tour, l'itinéraire de la Via Sacra, un aemilien à cheval, le Triomphe sur Persée, le Pont, un dromadaire même (trouvé comme emblème sur une monnaie en argent dans la province Narbonnaise) ...A moins donc qu'il ne faille voir dans tout cet étalage qu'une affirmation de l'origine patricienne pure, noble et divine de la gens, un décorum intelligemment constitué pour assurer définitivement la supériorité de la gens.(=> d'après "Belgish tijdschrift woor philologie en geschiedenis" Vol. 79 n°1 & 2 Belgique, Fond. Univ. 2001).
Suite d'auteurs antiques mis à contribution pour donner une noble origine à la gens Aemilia :
Silius Italicus, au Ier S., encore une fois dans ses "Puniques" (Liv. VIII du Vol. II, vers 295) dit d'Amulius, le fameux roi d'Albe, qu'il fut "chef de sa race" donc qu'il est l'ancêtre de la gens. Cette origine qu'il fait dériver de cet Amulius, Festus, lui, l'attribue plus directement à l'un des fils d'Ascagne, nommé Aemilos (l'autre étant Iulius, l'ancêtre des Julii) quand d'autres lui donnent Mamercus, fils d'un Pythagoras, lequel à cause de son humanité (et là d'ailleurs on rejoint assez curieusement l'origine hébraïque de notre nom, encore une fois !) fut appelé Aemylos. Ces Aemilii pourraient tout aussi bien descendre de cette Aemilia, fille d'Enée et de Livinia dont parle Plutarque dans sa "Vie de Romulus" ! On remonte encore bien plus loin ici dans les brumes toujours plus épaisses des mythes romains. C'est en écrivant un 'résumé' du grand personnage historique, celui-là, de Aemilius Paulus, père du plus connu Macédonicus, le consul mort sur le champ de bataille de Cannes en héros devant Hannibal lors des dernières Guerres Puniques, que Plutarque en vient à parler de ses origines : "Quant à sa naissance, elle le rapprochait des dieux, et la longue suite de ses aïeux se perdait dans le ciel. Amulius comptait parmi ses ancêtres, Assaracus, et celui-ci Jupiter"; peut-on monter encore plus haut dans des origines et dans une plus noble origine que celle-là ? Non. Quelques lignes plus loin, le faisant dialoguer avec Fabius avant d'engager la funeste bataille qui lui coûtera la vie, l'auteur lui fait dire : "Roche Tarpéienne, et toi, Temple de Jupiter, auquel je rapporte mon origine, remparts de mon heureuse patrie, que je laisse encore debout....Si le camp sourd à ma voix, se refuse à mes avis (c'est là une allusion à la volonté incongrue d'attaquer de son collègue au consulat Varron NDLA), ni vous mes chers enfants, ni cette famille descendue d'Assaracus, vous ne me serez plus assez chers", rappelant par là que cet Aemilius en homme avisé ne voulait pas engager cette bataille qui, malgré la supériorité numérique était perdue d'avance et où le grand homme consentit à perdre la vie avec celle aussi d'un grand nombre de sénateurs. Mais la gens ne s'éteignit pas pour autant et fut même magnifiée par son propre fils Aemilius Paulus Macedonicus, le plus grand des Aemiliens qui ouvrit sa civilisation à la culture grecque et tout autant par ses petits-fils qui intégrèrent la gens Fabia pour l'un et la gens Cornelia-Scipion pour l'autre, les deux devenus célèbres eux aussi.
Un nom dont l'aura arrive jusqu'à nous ? :
Le nom aemilien latin a non seulement traversé les siècles, redécouvert à la Renaissance, propagé par notre patronyme et d'autres apparentés, par le prénom chrétien, par les œuvres de l'esprit jusqu'à l'orée du XXème S., mais il a été aussi utilisé, à l'instar de tant de noms latins pour nommer nombre de découvertes scientifiques diverses, de créations humaines. En voici un petit aperçu : Outre un bolet du nord de l'Italie et de l'Emilie surtout ou le vin acre de Lambrusco nommé en latin Aemilianum vinum, un insecte arthropode lépidoptère de la famille des archidae, l'Aster Amelius ou "œil du Christ" (rien que ça !) plante à fleurs cultivée ou un genre de plantes de la famille des composées (sénécionées) pour ne citer que les principaux attributs dans ce domaine, on peut citer un astéroïde du nom de "159 Aemilia", découvert par Paul Henry et son frère en 1876 (deux occultations stellaires sur Aemilia ont récemment été observées en 2001 & 2003; on a pu savoir qu'il est composé de carbone, d'un diamètre de 125 km et que sa période de rotation est de 1,05 j. !) pour ce qui est des sciences. C'est aussi par exemple et au hasard des attributions diverses le nom d'un navire de guerre de l'amiral Maarten Tromp, bâti en 1632 pour l'Amirauté de Rotterdam, qui fut le plus grand alors dans la région; une opération militaire de la IIème Guerre Mondiale a porté ce nom aemilien; et puis en droit français des obligations on parle encore d'action paulienne, c'est l'une des trois types d'actions factices déjà reconnues par le droit romain, son nom lui vient d'Aemilius Paulus Papinianus, très grand juriste de l'empire; etc, etc ...... La province d'Emilie-Romagne nous rappellera notamment ces Aemilius antiques : Cette vaste et riche région de l'Italie septentrionale dans l'antiquité en Gaule Cispadane, fut créée lors du partage de l'Empire, à la mort de Constantin Ier en 337; ayant la Ligurie à l'ouest et la Flaminie à l'est elle doit son nom à la Via Aemilia qui la traversait et avait comme villes principales outre Reggio de Emilio, Bologne et Placentia. Une curiosité onomastique et étatique est ici surtout à souligner : Monaco a pour sainte patronne Ste Dévote comme on le sait; on a pu relier par elle trois générations 'monégasques' aemiliennes d'après les inscriptions d'épitaphes gallo-romaines: Marcus Aemilius Rufus parait le plus ancien; Ste Dévote est évoquée comme étant sa sœur et la sœur d'une Aemilia, voire d'un Publius Aemilius et c'est dans sa chapelle et non dans la cathédrale de Monaco que viennent s'agenouiller pieusement tous les nouveaux Princes de la famille des Grimaldi le jour de leur investiture; on a pu reconstituer la "stemma" (arbre généalogique des romains) de cette gens locale qui fut probablement l'une des familles aristocratiques de bas-empire de ce lieu. Enfin un trésor de monnaies découvert dans la Principauté contient par ailleurs des pièces à l'effigie d'aemiliens (cf. "Monaco antique" G. Raymond & J. E. Dugand, P.U. Nice, 1970). Voir mon développement à ce sujet page Empire / Gallo-romains.
D'une manière plus générale, l'intérêt pour la romanité va croissant de nos jours. Il n'est qu'à voir les foules qui se pressent tous les ans depuis deux décennies maintenant à Nîmes, pour les représentations données par de nombreuses troupes d'amateurs narrant la vie des latins et des gallo-romains dans les beaux monuments antiques de la ville ou proches comme le Pont du Gard. En 2003 par ex. on a pu croiser un certain Cornelius Aemilius, centurion de la Légion I Consulaire ! De même sont publiés des romans sur cette romanité, des BD et romans pour la jeunesse (cf. page littérature).
Sans parler de la toponymie et d'autres dérivés du grand nom antique aemilien qui contribuent à conserver sa popularité (assurée par le prénom dans tout le monde occidental tout autant que par les patronymes amieliens) et dont je donne dans ce wiki le plus de renseignements et détails possibles mais impossible de tout citer. Cependant pour ceux qui seront passionnés comme moi par cette période romaine et si vous entendez le latin car cette œuvre immense est en latin ! vous consulterez avec grand profit pour ce nom aemilien le tome I du "Totius Latinitatis Onomasticon de Vincent de Vit (version consultée celle d'Egidio Forcellini publiée en 1867, Typis Aldinianis).
Enfin un hommage. J'ai déjà dit combien les anglo-saxons étaient non seulement passionnés par Rome mais aussi par toute la mythologie qui entoure sa naissance, comme ils le sont par plusieurs sujets qu'en France nous considérons comme inutiles ou fumeux (cf. la page sur les anges par ex.). Je dois rendre hommage dans ce cadre à une étude en langue anglaise "The roman clan. The gens from ancient ideology to modern anthropology" de Christopher John Smith (Chap. 35, pp.35,36; Cambridge University Press, 2006) qui donne un panorama complet sur ces origines mythiques des Aemilii. S'appuyant sur les auteurs antiques qu'il cite il résume tout ce qui est développé ci-dessus, d'une manière remarquable.