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Il vaut bien peu le mois de Février, s'il ne fait pas fleurir l'amandier - Proverbe occitan
Cantique des Cantiques (5, 11; trad. Moines de Maredsous, Brepols, 1992)
Suivez-moi à travers la mythologie, la bible et l’ethnographie pour une découverte toute symbolique passant souvent par la métaphysique et ses métaphores et quelquefois par la philologie. Et lisez bien, car Lire, bien lire est avant tout comprendre; puis c'est juger, et s'approprier les pensées d'un auteur, c'est en faire son miel, à la manière de l'abeille, et les déposer, pour les y garder, dans le plus pur de son âme. (Edouard Charton in Le Magasin Pittoresque, Vol.30, 1862).
° Introduction : Depuis Virgile... :
Je t'offrirai - à partir de toutes petites choses - des spectacles admirables chantait le poète latin Virgile. A partir de ces toutes petites choses - les abeilles - qu'il célèbre tout comme il magnifie les fleurs d'amandier, à partir de ces presque rien, peut s'expliquer symboliquement du moins notre nom. Vois l'amandier, quand au bois mille fleurs / Vont vêtir et ployer ses branches odorantes..../ Voici l'abeille emplir les fourrés et les bois / Goûtant aux riches fleurs, à fleur d'onde elle boit / Légère. Alors joyeuse, une douceur l'habite. Pour Virgile l'amellum était la fleur salutaire pour les abeilles, lesquelles occupent une très large part dans Les Géorgiques (Quatrième Chant), c'est peut-être aussi de cet amellum que notre nom tient l'une de ses origines, du moins dans le Golfe du Lion et en Provence, ses terres d'élection en France. Pline dans son Histoire Naturelle parlera lui aussi de la fleur d'amandier et des abeilles (Liv. XI, Chap. VIII, 1).
C'est alors qu'il est à l'automne de sa vie, dans le dernier demi-siècle av. notre ère, que Virgile se retire en Campanie, dans un domaine rural situé près de Mantoue, au bord de la rivière Mincio, cours d'eau venant du lac de Garde; c'est là qu'il contemple et met en vers le spectacle de la nature dans ses Géorgiques. Ces poèmes recèlent de merveilleuses pages, de nos jours anthologiques, comme le chant de la vigne et celui des abeilles. Il a complété son inspiration par une documentation poussée; ses sources littéraires sont nombreuses allant d'Hésiode à un certain Varron, non le plus connu de son temps, mais celui qui a reçu, pour le distinguer du précédent, le surnom d'Atax, l'Audois dirions-nous aujourd'hui. Varron d'Atax, de peu son aîné, contribuera au perfectionnement de la nouvelle poésie latine que Virgile portera au sommet. Ainsi il sera en mesure de magnifier, dans un doux paysage verdoyant, frais et dormant, le murmure incessant des abeilles dans ses amandiers en fleurs ou ses haies de saule.
La vie en symbiose des amandiers et des abeilles est connue depuis longtemps; démontrée scientifiquement de nos jours, c'est un échange de bons procédés entre eux et l'on en parle depuis toujours donc. Jusqu'à nos poètes contemporains, occitans notamment. Max Rouquette l'héraultais qui, dans sa prose, souligne l'amandier, symbole de renaissance et emploie la métaphore, comparant la clarté blonde de la nuit à un vol d'abeilles: E coma aquel lum, meravelha / rossella coma un vou d'abelha / que tremola au front blau dau puog, dins ta carn de luna et de nuoch / t'ausisse, cor que sempre velha. - Et, comme cette clarté, merveille / aussi blonde qu'un vol d'abeilles / qui frissonne au front bleu du mont / dans ta chair de lune et de nuit / je t'entends, cœur qui toujours veille. - ("Veni pausar" in recueil "Los somis dau matin"; Paris, 1984), le cœur de la terre (ou celui de la femme aimée ?) bruissant de ses battements sourds et incessants; dans son œuvre en prose "Verd Paradis", l'abeille, avec la lune, seront des motifs récurrents. L'audois René Nelli, dans son style surréaliste, a commis sur les uns et les autres ces quelques vers : E lo tendre ametlièr ont le cel se rescond coma un mèl...es son non-res qu'al solelh pilhan d'avuglas abelhas - et ce gracile amandier où le ciel semble faire son miel...c'est son néant qu'au soleil pillent d'aveugles abeilles - du poème "E lo tendre ametlièr" ("Vesper de la luna dels fraisses" Ed. IEO, 1962) puis quelques années plus tard : D'aquel printemps profond, Tot en avenidor, Tot en lustror a viure, los ametlièrs s'alairan. - de ce printemps profond, tout un avenir d'homme, tout en lumière à vivre, les amandiers s'allègent. - Dans la strophe qui suit interviennent bien sûr les inévitables abeilles toujours aussi aveugles pour le poète, qui "pillent les amandiers", la seule ombre sur leurs jeunes corolles étant pour lui, "un regard ouvert.." (Obra Poetica Occitana IEO 1981, p.127 "La serp de folhum"). Enfin Léon Cordas, depuis Minerve, affirmera cet aphorisme: Tota paraula es una abelha / qua porta sa carga d'amor. - toute parole est une abeille / qui porte sa charge d'amour. - , rappel moderne de l'amoureuse comtesse de Die du moyen-âge vue précédemment.
Pour ma modeste contribution, je parlerai des abeilles et de l’amandier comme de leurs productions respectives si mêlées dans les lignes qui suivent, indifféremment, avec amour j'espère, allant des uns et des unes aux autres au gré du discours comme le fait l'abeille sur les fleurs d'amandier mais en essayant de souligner opportunément les liens entre ces symboles dans ces domaines de la représentation de la pensée humaine. Et ce qui va suivre ici peut constituer pour une grande part, une préface, des prolégomènes au chapitre suivant ayant trait aux hébreux.
° Le miel et les abeilles:
"La terre de lait et de miel", ainsi appelait-on la Palestine dans l'Ancien Testament comme on le sait; ces deux aliments sont fournis par des animaux sans pour autant les tuer ce n'est sans doute pas un hasard s'ils sont ainsi associés; et puis ce sucre exclusif des hommes durant des millénaires, qui veut exprimer la douceur de la vie en ces lieux, associé à la nourriture à profusion symbolisée par le lait, n'est pas qu'une métaphore biblique : en 2007, à Tel Rehov, ville biblique de la vallée du Jourdain, des fouilles ont mis au jour une trentaine de ruches qui sont les plus anciennes découvertes dans le monde à ce jour, datant du règne de Salomon et dont on pense qu'elles produisaient une demi-tonne de miel par an ! L'amandier dans ces vieux textes aura lui aussi une bonne place mais l'association conjointe amandes et miel ne s'y trouve cependant qu'en un seul endroit, en Genèse 43,11, à propos d’un présent que les hébreux, par l'entremise de Jacob à son fils Joseph, firent à Pharaon : "un peu de baume et un peu de miel, des aromates, de la myrrhe, des pistaches et des amandes"; il sera plus généralement question soit de l’amandier avec la verge de Jacob ou la Menorah, soit du miel symbole du délice de la Terre Promise; le miel entre dans la composition si j’ose dire du fameux Cantique des Cantiques (ch. IV "Jai mangé le rayon de miel") et il est indiqué que la « manne » envoyée par Dieu lors de la traversée du Désert, cette nourriture quotidienne unique de son peuple errant du temps de Moïse, avait le goût d’un gâteau au miel (Exode 16,31). Plus tard le Coran des musulmans aura toute une sourate consacrée au miel et aux abeilles mais bien avant tous ces textes religieux monothéistes déjà à Babylone, le miel fut une nourriture offerte aux dieux et l’amandier sera un arbre présent dans la mythologie grecque avant de représenter et porter la lumière de Dieu au Temple de Jérusalem par le Chandelier à Sept Branches.
L'on cueille le miel depuis des milliers d’années : des peintures préhistoriques le confirment dans une grotte espagnole à Valence où un homme prend le miel avec un panier il y a 8000ans; en Egypte des hiéroglyphes datées d’environ 2500 ans avant notre ère montrent un apiculteur. Le miel était déposé sur les autels ou les marches des temples vers -2100 à Sumer puis à Babylone en Mésopotamie. En Grèce antique tout comme on l'offrait aux dieux, autant il honorait les héros et vainqueurs; on sait que les athlètes en absorbaient avant toute épreuve olympique, un dopage naturel en somme. On en parle aussi bien dans l'Iliade et l'Odyssée d'Homère que dans le Banquet des Sophistes de l'Athénée, dans les écrits philosophiques d'Aristote comme dans ceux de Démocrite et Hippocrate l'utilise aussi bien dans ses médecines qu'il le recommande comme aliment. Chez les romains, je l'ai montré dans ces premières lignes, Pline n'est pas en reste dans son Histoire Naturelle et Virgile dans ses Géorgiques lui écrivit une très longue Ode ainsi qu'à ses productrices; les latins aussi offriront du miel aux dieux. Et comme l'on connait beaucoup de la vie quotidienne des romains, on sait par ex. que ce miel entrait dans divers aliments comme le vin dit "mulsum" bu souvent en apéritif ("gustatio") que l'on produisait beaucoup en Languedoc et qui fut exporté dans tout l'empire, breuvage décrit par Pline l'Ancien; on usait comme condiment d'une moutarde au miel, le "mustum ardens" (vinaigre au miel, miel et graines de sénevé) et au dessert il y avait le "savillum" gâteau contenant beaucoup de miel, une recette du Ier S. que l'on servait réchauffé et nappé de...miel liquide !
L'histoire allégorique biblique du Lion de Samson et la tribu de Dan : La Bible parle des essaims libres d’abeilles sauvages; on peut citer des allusions prêtées à David ou à Isaïe mais surtout l’histoire de la victoire de Samson sur un jeune lion dont il fit une énigme : « De celui qui mange est sorti ce qui se mange et du fort est sorti le doux », allusion au miel qu’il trouva avec l’essaim dans la carcasse dudit lion terrassé. Mais au-delà se cache une allégorie religieuse d'une grande importance pour les hébreux : elle peut être lue comme la tentative pour la tribu de Dan (celle de Samson, aussi le juge principal d'Israël) de supplanter celle de Juda, afin de se venger du dieu omnipotent qui désapprouvait leur insolente idolâtrie (il vénéraient un veau d'or). Dan était de toute façon une tribu mal aimée, on lui donnait pour symboles une balance (celle du jugement, celle de Samson) et un serpent (pour sa ruse). Voilà comment alors on doit comprendre cette fameuse énigme : de la carcasse du jeune lion (dans le judaïsme naissant), la tribu de Dan (dont un Amiel fut un prince du temps de Moïse, cf. page hébreux), tribu symbolisée ici par les abeilles (!) tenterait de produire un 'âge d'or' symbolisé par ...le miel. Ainsi cette insolente tribu chercherait à s'octroyer indûment le droit d'aînesse messianique dévolu à celle de Juda (d'où viendra le Jésus Messie des chrétiens ou Marie-Madeleine). Il est vrai qu'étymologiquement 'dan' vient de la racine 'din' qui signifie gouverner, juger, administrer... et Samson n'en a pas fait mentir la symbolique ! Ajoutons que la tribu malaimée voire même maudite aurait migré selon certains bien loin, dans le territoire africain de ...Saba, celui d'une fameuse reine dont on reparlera, royaume fabuleux dont d'autres affirment qu'ils y partirent accompagner le fils qu'eut Salomon, petit-fils d'un autre Amiel, avec elle, le futur roi Ménélik Ier, ancêtre de la plus vieille dynastie du monde qui s'éteindra seulement en... 1979 avec Hailé Sélassié. Toujours est-il que ces Beta Israël furent effectivement reconnus comme bel et bien les descendants de Dan et donc authentiquement juifs par Israël, en 1973.
° Mythologies et réalités de l'amandier et du miel :
Comme l’amandier, l'abeille est dans la Bible un symbole régénérateur, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament. Et elle sera présente sur les tombeaux comme symbole de la résurrection tout comme l’ichtus, le poisson dont la forme servira plus tard pour la mandorle (amande) de tant de tympans d’églises comme je le détaille plus loin.
L’amandier est connu très anciennement aussi : on consommait déjà ses fruits il y a 780.000 ans selon les paléontologues; venu d’Asie, sauvage et ne produisant en ce cas que des amandes amères, il fut très tôt sinon cultivé du moins peut-on dire domestiqué pour produire des amandes douces; il est présent depuis des millénaires dans le Moyen-Orient et de là, il sera introduit autour de la Méditerranée où il parvint sur ses côtes ouest au Vème S. av. J.C.
La récolte du miel bien que très ancienne s’apparente encore en plusieurs endroits du monde à une cueillette. A Bornéo les hommes escaladent toujours les « arbres à miel » (!) tandis qu’en Inde on est un peu plus connaisseurs en cette science en aménageant un endroit dans les arbres où les abeilles pourront former leurs rayons d’une manière plus accessibles pour les cueilleurs, début d’une domestication. D'ailleurs on ne sait pas trop comment nommer ceux qui s’occupent des abeilles même sous nos latitudes; s’agit t-il d’une culture du miel, d’une domestication ou d’un élevage des abeilles?
Une symbiose entre les abeilles et les amandiers : Sans les abeilles les amandiers seraient stériles; l'amandier est un arbre monoïque, ses fleurs sont mâles et femelles d'où le symbole d'homme vert ou de l'androgynie conquise : ayant dépassé la dualité sexuelle il a conquis l'unité divine. L’arbre lui-même quelque part ‘conscient’ de l’intervention nécessaire des abeilles émet par ses fleurs immaculées une subtile odeur de miel pour inciter les abeilles à les féconder. Ce n’est pas exactement une culture agricole autonome : on ne sait comment remplacer ces pollinisatrices efficaces et gratuites surtout: Aux Usa premiers producteur d’amandes au monde, il est nécessaire de transporter de Floride en Californie tous les ans des essaims par camions entiers pour faire ce travail fastidieux de pollinisation et, vu la mortalité inquiétante des essaims un peu partout dans le monde "civilisé", les gens censés, là comme ailleurs, commencent à voir combien ces petites "mouches à miel" (!) sont précieuses pour l'avenir de la terre, et donc le nôtre !
La mythologie de l’amandier le rattache soit à Mercure soit à Vénus/Cybèle, c’est un paradoxe masculin/féminin qui perdurera symboliquement dans le monothéisme, chrétien en particulier. L’amandier serait né des parties génitales d’un hermaphrodite chez les grecs; on racontait qu'Io, fille du roi Midas, perdit son amant Atys; Agdistis prit sur lui cette mort et se mutila le pénis; une autre version dit qu'étant issu de la semence de Zeus, il fut émasculé par Dionysos et de ses parties génitales naquit l’amandier aux amandes amères, symbole de la douleur. Une autre histoire continue ou modifie la précédente : De l’amandier né d’Agdistis tomba une amande sur Nana, la fille (!) du dieu-fleuve Sangarios et de cette union serait né Athys ; celui-ci aura des démêlés avec Cybèle qui le frappera de folie ; lui aussi s’émasculera (décidément!) et de son sang naitra le pin, toujours vert (symbole de l'homme vert) et...les violettes, fleurs parfumées du renouveau printanier.
Des amandes toxiques : Les fleurs il est vrai n’ont pas de sexe d'où la nécessaire pollinisation apicole et rien ne distingue les deux sortes d'amandes; dans l’antiquité on mangeait parait-il les deux types d’amandes mais pour se garder de l’amertume impitoyable des amandes amères (ce qui était une sorte d'avertissement naturel), on ne les consommait que tendres, alors que l’amygdaline ne pouvait produire ses effets (mortels si absorbée en quantité). L' amygdaline étant chimiquement un glycoside produisant le ....cyanure !
Des miels toxiques existent aussi, mais c'est peu su; ils proviennent de plantes butinées sans inconvénient pour les abeilles mais toxiques pour l'homme et quelquefois gravement. A ce sujet l'histoire a retenu que des soldats grecs menés par Xénophon furent empoisonnés en -401 lors d'une retraite, par un miel dont ils s'étaient nourris en traversant les montagnes avoisinant Trébizonde et les bords méridionaux de la Mer Noire (le Pont-Euxin des antiques); une enquête moderne permit de savoir que ce miel fut produit par le butinage de l'azalée pontique de ce coin de l'Asie Mineure; nous savons de nos jours que ces miels vénéneux proviennent d'espèces précises comme les azalées, les rhododendrons et les aconits !
Des piqures dangereuses : Au danger toxique s'ajoute celui des piqures de ces insectes; le dard de ces dernières peut être parfois fatal, surtout lorsqu'elles piquent en nombre ! Vénus déesse de l'amour chez les grecs n'hésitait pas à avertir son fils le beau Cupidon : 'Tu as voulu le miel et tu récoltes les piqûres'. Pourtant analogiquement avec les amandes amères, c'est la quantité qui importe (sauf prédisposition individuelle): en Roumanie est pratiquée depuis longtemps l'apithérapie consistant à soigner par une piqûre d'abeille au bon endroit du corps !
La fécondité des abeilles est bien réglée et il est évident que la dimension sexuelle dans leur société est importante. Lors du vol nuptial le mâle abandonne ses propres organes génitaux dans le corps de la femelle : Il se castre et meurt ; la future reine est ainsi celle qui a provoqué cet acte de castration et de mort; c'est ce que reproduit la mythologie grecque de l'amandier comme on l'a vu ou quand la mythologie rejoint l’entomologie ! Longtemps on croira que les abeilles comme les fleurs d’amandier sont asexuées, qu’elles naissent spontanément de la terre ou de la décomposition d’animaux morts, un peu comme l’amandier qui sort de la mort hivernale apparente pour renaître à la vie par son incomparable parure florale inattendue, avant le feuillage, dans le paysage encore endormi de la fin de l'hiver. Les ouvrières, elles, se reproduisent par parthénogénèse, sans intervention de mâles et la production de mâles ne servira qu’à la fécondation royale qui ne donnera que des femelles, vous suivez ? Il est patent que chez les antiques, comme pour l'amandier, elles symbolisaient la résurrection et l’immortalité; comme lui elles sont en repos comme mortes durant l’hiver et semblent renaître avec les premiers rayons de soleil. Dans la plus haute antiquité déjà, en Egypte, d’après les modelés d’un stuc qui montre une abeille accompagnant un fœtus entouré d’épis, elle fut un symbole de fertilité.
D'Apis à Sérapis et au Veau d'or hébreu : Les latins préfèreront le nom d'apicula pour nommer les abeilles, un nom qui leur est peut-être parvenu par le dieu égyptien Apis : il est en effet parfois représenté sur les parois de leurs temples avec un manteau semé d'abeilles mais, chez eux, loin de symboliser une quelconque royauté comme chez nous, il s'agissait du cadavre d'un bœuf ou taureau duquel naissaient les abeilles et autres mouches. Dans quelques langues d'Asie enfin 'ser' ou 'zer' veut dire 'or'. Si l'on fait précéder cette syllabe devant Apis on a le nom de Sérapis, aussi dieu égyptien qui pourrait bien être ce "Veau d'Or" des origines, objet ensuite à plusieurs intervalles de l'histoire hébraïque de culte idolâtre de leur part dont l'un provoquera la destruction de Sodome et Gomorrhe.
La résurrection et la vie éternelle sont des concepts qui ne sont nullement exclusifs au christianisme; bien avant le Christ, les grecs Hérodote et Strabon rapportent qu’en Assyrie on enduisait de cire les corps des notables défunts avant de les ensevelir dans le miel; ailleurs on lit que Glaucus, fils de Minos et de Pasiphaé tombé mort dans une cuve, revint à la vie après que ses lèvres soient entrées en contact avec le miel dans lequel il gisait. On savait bien que ce produit spécial était incorruptible. Comme je l’ai dit le miel composant essentiel de l’hydromel entrait dans la composition du nectar des dieux, entretenant leur immortalité et conférant au petit insecte un même statut.
Dans le monde gréco-romain l’abeille est assimilée à la déesse-mère dont Demeter, Cérès chez les latins, déesse vierge des blés et Artémis sont des représentations. Comme l’amandier sera associé religieusement aux rites des hébreux comme on le verra plus loin, l’abeille est présente dans le culte grec d’Artémis à Ephèse dont le grand-prêtre, qui par sa consécration devenait parèdre de la déesse, était nommé « seigneur des abeilles ». Sans parler de la fameuse Pythie que l’on nommait « l’abeille delphique » ! Homère quant à lui, dans l’Iliade, qualifiera les Amazones et leur reine Artémis d’abeilles belliqueuses. Le rite des libations consistant au versement d'un liquide particulier usait, à l'instar du vin ou du lait aussi de miel; ces liquides précieux et nourriciers étaient répandus sur les autels, offerts en nourriture aux dieux, ou bien versés sur le sol ou dans des fosses pour ceux qui étaient censé vivre dans les entrailles de la terre.
Chez les chrétiens le peuple de Dieu sera souvent comparé à un essaim qui a pour tête le Christ, sa reine, l’ensemble formant une allégorie de l’Eglise. Le précurseur du Sauveur, Jean le Baptiste, celui qui n'était vêtu que d'une peau de bête, ne se nourrissait, selon l'Ecriture, que de sauterelles et de miel sauvage. Et au moyen-âge, on raconte qu'un jour, le grand St François d'Assise, celui auquel se réfère le pape François, celui qui sera le saint de la nature, s'est un jour approché d'un amandier et, soucieux, lui a demandé (on savait que le bon François parlait aux oiseaux, mais aux arbres ?) : Parle-moi de Dieu ! Et l'amandier se couvrit de fleurs, réponse évidente, simple et éclatante s'il en est. La communauté des abeilles, comme la floraison immaculée et en nombre de l'amandier, peuvent être encore vues comme un symbole de retour à l’unité divine première à laquelle tous les hommes sont appelés (cf. concept du monothéisme). Souvent au moyen-âge on comparait la société des abeilles à celle des croyants et la douceur du miel avec les lectures et homélies spirituelles. Se reproduisant sans intervention sexuée elles symbolisèrent la virginité de Marie bien sûr. On verra que l’on utilisera aussi la mandorle pour matérialiser ce symbole.
° L'amandier dans la Bible et l'ethnographie :
Fruit divin de l’immortalité l’amande est autant le symbole de l’éternité. En hébreu on la désigne par le terme luz dont l’homonyme loz signifie « mis à part » qui est la racine même du sacré, car écarté du vulgaire, du profane, du terrestre. Selon la tradition juive, c'est par la base d'un amandier que l'on pénètre dans cette ville mystérieuse de Luz, séjour d'immortalité, l'amande étant un fruit divin de lumière. C'est le nom aussi de la ville près de laquelle Jacob eut sa vision de l'Echelle (cette échelle étant le lien entre la terre et le ciel qui est devenu dans les temps modernes le lien permanent des pouvoirs de l'inconscient sur le conscient). De ce luz on aura, via le latin lux, Lug le dieu celte et la lutz occitane, la lumière de la vie.
Quand l’amandier fleurit …l’homme retourne à sa demeure éternelle (Ecclésiaste 13,7) :
Chez les hébreux on apportait des rameaux fleuris d’amandier à la synagogue lors des grandes fêtes et ses rameaux parent encore ces lieux de culte; dans les traditions populaires les ethnologues ont relevé que l’on cueillait des rameaux d’amandier avec leurs seuls boutons pour avoir le plaisir de les voir éclore et illuminer la maison avant même la fin de l’hiver, espoir du renouveau de la vie, dans les contrées méridionales; deux proverbes occitans s'en souviennent j'en ai donné un dans l'en-tête en voici un autre qui est semblable : "Quant l'ametlièr es en flor la velhada passa sason" soit 'quand l'amandier est en fleur la veillée n'est plus de saison', enfin la nature se réveille et l'on pourra travailler la terre. Son bois servit dans les rituels honorant les dieux dans l'antiquité et c'est parait-il un bois idéal pour fabriquer...les baguettes magiques ! L'amande est mentionnée dans le livre de contes "Les mille et une nuits" pour la fabrication d'une diversité notoire de gâteaux. En France mérovingienne, dans une charte de Chilpéric datée de 716 sont aussi mentionnées les amandes où elles côtoient 'autres épices, et en 812, l'empereur Charlemagne ordonne l'introduction des amandiers dans les fermes impériales. Au moyen-âge la consommation des amandes dans la cuisine est importante et au XIVème S. elles constituent une part remarquable du commerce à Venise. Mais revenons à l’ancien testament biblique ; la parole divine est un signe de l’alliance de Dieu avec son peuple, de même l’amandier est signe de l’alliance entre époux comme aussi de virginité préalable par sa blancheur immaculée. Comme le miel avec le nectar et la gelée royale, l’amandier et ses amandes sont signes ou symboles de croissance et de fertilité (cf. Genèse 30 sur le stratagème de Jacob pour que les brebis conçoivent des agneaux conformes), pensons ici aux dragées faites d’amandes enrobées de miel distribuées lors des mariages et naissances ou baptêmes. Ce sont là quelque part des réminiscences des mythes, notamment grecs que l'on a vu plus haut : si le symbolisme de l'amande est bien féminin, celui de l'amandier est bien masculin : les grecs voyaient en l'amande pressée l'éjaculation phallique de Zeus en tant que puissance créatrice. C'est Pausanias qui a raconté qu'au cours d'un rêve, il vit Zeus perdre sa semence et qu'elle tomba à terre d'où la naissance de l'hermaphrodite Adgistis que Dionysos fit émasculer comme on l'a vu, et de ses 'vires' tombés à terre également naquit un amandier....puis l'histoire autour de Sangarios etc.. Donc il ressort de ces légendes que l'amandier remonte directement à Zeus par le sang d'un hermaphrodité et que son fruit peut féconder une vierge sans même une union sexuelle d'où la croyance populaire européenne de la jeune fille endormie sous un amandier qui, rêvant à son fiancé, peut se réveiller enceinte !
La verge d’Aaron est ce bâton d'amandier dont Dieu voulut qu'il symbolise la conduite de son peuple, dont il permit que lui seul refleurisse et se couvre même de feuilles afin de désigner celui qu'il avait choisi parmi les douze chefs de tribus; il aurait refleuri en une seule nuit malgré qu'il fut coupé et donna même des amandes. Dieu lui confère par ce prodige la charge de diriger son peuple (Genèse 30,37). Ce symbole fort de pouvoir se retrouvera dans les crosses des abbés et des évêques, les taus en usage au moyen-âge (car terminés en forme de T au lieu de P des crosses) ou la férule papale (comportant pour sa part une croix sommitale). L'analogie avec le sceptre des rois, consacrant symboliquement et conférant par la puissance divine la puissance et le droit de diriger les peuples sera ainsi évidente. Son prolongement chrétien sera l'amande mystique, symbolisant la virginité de Marie, vue plus loin.
Le Chandelier à Sept Branches (Exode 25,33) est tout autant important : c'est un objet hautement symbolique dont les prescriptions liturgiques, relevant de la Révélation divine, rapportées par Moïse sont très précises. En lisant le texte on voit à quoi ressemblait ce symbole essentiel de la foi des hébreux : ciselé en un seul bloc d’or pur, d’une hauteur d’homme, il aura avec ses calices, ses boutons et ses fleurs d’un seul tenant, six branches, sur chacune d’elles trois calices en forme de fleur d’amandier, avec un bouton et une fleur ; puis au tronc du chandelier il y aura quatre calices en forme aussi de fleur d’amandier avec leurs boutons et leurs fleurs et ainsi au départ de chaque branche; enfin cet amandier en fleurs, étincelant, sera éclairé lui-même par sept lampes ! Et cette Ménorah comme les juifs la nommeront sera ciselée, elle constituera le plus ancien symbole hébreu; elle fut unique, sa lumière identique à celle du buisson ardent de Moïse, brûlant en permanence (le cohen de service y veillait un peu comme les vestales à Rome) représentait la lumière divine, la présence vivante de Dieu dans ce lieu unique; elle était placée dans le Mishkan (le tabernacle démontable) qui accompagnait le peuple dans ses pérégrinations jusqu’à l’époque de David puis devant le voile du Temple séparant le Saint du « Saint des Saints », face à la Table d’or des Offrandes à Dieu ; objet principal du Temple après l’Arche d’Alliance, signalant sa présence, elle fut selon ce que l’on peut voir sur la colonne de Trajan à Rome, emportée par les romains dans le butin de Titus lors du sac de la ville juive en 70 de notre ère et depuis on ne sait ce qu’elle est devenue; certains pensent qu'elle fut pillée par les wisigoths lors de leur sac de Rome en 410 puis transportée successivement avec eux au gré de leur périple jusqu'en Languedoc, à Toulouse d'abord, puis Carcassonne et enfin Rennes-le-Château où elle aurait été facilement dissimulée....
La vision de Jérémie a également illustré la valeur symbolique de cet arbre. Le texte biblique (Jérémie I, 11-12) dit ceci : "Que vois-tu Jérémie ? - Jérémie répond : "Je vois une branche d'amandier." Et l'Eternel déclare : "Tu as bien vu, car je me hâte d'exécuter ma parole. Dieu qui est ici un veilleur qui révèle au prophète que le malheur va venir du nord; lui ouvrant les yeux à l’Esprit Saint, il lui montra une branche d’amandier, symbole de vie hâtive confiante, de pouvoir et d’éternité ; il lui dit qu’ainsi il se hâte d’exécuter sa parole. Cette vision sera commentée dans l’Evangile de Marc (9,23) : Dans les hivers de nos vies, il est bon de penser à l’amandier qui ne doute pas tous les ans de fleurir précocement malgré les apparences et, à son image de se remémorer les promesses divines; la parole de Dieu se réalisera malgré tout ce qui apparait comme négatif; la foi réside dans la confiance en Dieu. De nos jours le chandelier à neuf branches (deux branches ont été rajoutées depuis pour un rappel rituel) est quand même le symbole officiel de l’état d’Israël, ornant son blason, égal à l’Etoile de David de son drapeau.
La présence divine par la lumière est connue de la même façon dans les églises chrétiennes : une lampe brille toujours près du tabernacle contenant l’hostie consacrée et l’on allume toujours un ou des cierges autour ou sur l’autel du sacrifice eucharistique. Dans l’Exultet, un hymne qui se chantait au moyen-âge le samedi saint pour la bénédiction du cierge pascal, on faisait voir aux fidèles qui ignoraient le latin, au moment de la lecture du passage consacré à la virginité de la Vierge marie, une illustration montrant une ruche autour de laquelle virevoltaient des abeilles et un arbre (un amandier ?); les vierges étaient d'ailleurs censé échapper aux piqûres de ces insectes. Sans les abeilles et leur cire il n’y aurait pas de cierges, pas de cierge pascal symbole de la résurrection; patiemment cette matière en fondant autour de la mèche brûlant pour entretenir la lumière et donc la présence divine, soutient celle-ci et dirige la flamme vivante vers le ciel. Cet hymne qui disparut du rite des vigiles pascales au XIIIème S. nonobstant sa référence au cierge pascal, faisait notamment référence à un passage de l'Evangile de Luc (24,42) qui indique que, lorsque le Christ ressuscité demanda à ses apôtres s'ils avaient de quoi manger "ils lui offrirent un morceau de poisson grillé et un rayon de miel." Ce dernier élément ne figure plus dans les traductions modernes. François Bovon dans son commentaire de cet évangéliste ( 19, 28-54,53; Labor Fides, Genève, 2009) indique "très nombreux sont en effet les manuscrits, les versions et les témoignages patristiques qui ajoutent un rayon de miel à la portion de poisson. Or l'on sait que sur les tables de communion de l'Antiquité figurait souvent à côté du pain et du vin traditionnel, du poisson et du miel ! Comme le miel était considéré alors comme une nourriture paradisiaque, une connotation eschatologique ne peut être écartée." Parmi les pères de l'Eglise on peut citer notamment St Grégoire de Nysse dans son 1er discours sur la résurrection qui note que lors de la Pâque, l'amertume des laitues amères avalées auparavant est alors adoucie par un rayon de miel; St Bède Le Vénérable explique pour sa part que le poisson grillé représente J-C dans sa passion qui devient pour nous un rayon de miel après sa résurrection. Ce miel fait référence à sa double nature car le rayon repose dans la cire et ce miel dans la cire c'est la divinité dans l'humanité. Dans ce chant pascal, repris toutefois par des communautés actuelles, est souligné l'œuvre des abeilles qui le produisent et un passage veut indiquer qu'elles sont intimement liées au mystère de la résurrection et à sa lumière. Le cierge entretenant la flamme de la vie renouvelée est ainsi chanté : "Mais déjà nous connaissons les louanges de cette colonne qu'en l'honneur de Dieu un feu éclatant fait briller...Car il se nourrit de cires fondantes, que la mère abeille a produites pour former la substance de ce précieux flambeau." On pourrait aussi citer les roues de cire au moment de la mort dans le folklore breton ou auvergnat ou son emploi, encore de nos jours pour la fonte des cloches!
D'une connotation sexuelle à la mandorle chrétienne :
En langage profane, "manger l'amande" c'était dire autrefois 'pratiquer le coït' car l'amande était le nom vulgaire de la vulve féminine, le "yoni" dant les Upanishad hindous nous disnet qu'elle est "le symbole des eaux cosmiques et de l'agitation tournoyante des infinies possibilités de l'existentialité de la vie", cette conception pourrait bien être à l'origine de la mandorle, cet élément figurant la virginité de Marie dans l'amande mystique que l'on verra plus loin. De cette matrice originelle jaillissent, dans la lumière de la Révélation, l'Homm et Dieu confondus !
° Des valeurs symboliques essentielles liées à l'abeille et au miel :
Il est évident que le symbolisme lié à l'abeille à miel confère à celle-ci une haute portée spirituelle, comparable à l’amandier de la Bible. Comme lui elle peut symboliser :
- Le principe vital, l’éternité et l’âme. Dans certains textes hindouistes l’abeille est l’esprit s’enivrant du pollen, lumière de la connaissance. Ce symbolisme de l’âme est présent dans l’ethnologie comme je l’ai dit dans le blog comme dans l’histoire antique ainsi que je l’ai dit plus haut. Analogiquement avec le symbole du sceptre pour l’amandier, dans l’antiquité on disait des abeilles qu’elles « étaient bonnes à celui qui doit être chef et capitaine », c’est ce qui arriva lors du couronnement du roi wisigoth Wamba : Julien de Tolède raconte que lorsqu’il fut oint par l’évêque de ce diocèse par l’apposition sur son front de l’huile sainte, on vit celui-ci fumer et une abeille s’en élever « signe de bonne fortune ». Faut-il rappeler qu’elles furent présentes dans la symbolique impériale de Charlemagne ou de Napoléon pour la même raison ?
- L’éloquence, faculté si chère aux aemiliens latins comme on le verra. En hébreu ancien l’abeille se disait dvorah, mot venant de la racine dbr qui signifie parole ; souvenez-vous du surnom de la Pythie à Delphes (voir plus haut). On dit que des bêtes à miel se posèrent sur les lèvres d’un certain nombre de futurs beaux parleurs comme Pindare ou Platon dès leur berceau ! d’Homère comme de Virgile, excusez du peu ! L’Eglise dira la même chose pour St Ambroise de Milan qui fut un ardent défenseur de la foi par la parole au moyen-âge.
- La sagesse, représentant l’ordre et la prospérité en référence à leur organisation sociale exemplaire et leur efficace travail ; bien que les héros civilisateurs aient obtenu l’harmonie autant par le glaive que par la sagesse, les ouvrières et leur ruche furent prises comme emblèmes par nombre d’associations populaires à but social.
- La fidélité : Plutarque put les comparer aux femmes légitimes, fidèles et vertueuses, ne piquant donc que les infidèles. Ce qui conduisait à ce que les apiculteurs romains aient une conduite conjugale irréprochable. De même les Tesmophores des fêtes de Demeter étaient réservées aux épouses vertueuses que l’on nommait « melissai » les abeilles (nom grec, aussi melitta, et dont on a gardé le prénom féminin Mélissa mais aussi le miel); pensons ici à la « lune de miel » des nouveaux époux confiants mutuellement en la fidélité de l’autre et espérant goûter aux délices de l’amour! Le miel est doté de vertus aphrodisiaques dans le Moyen-Orient et les Hindous en font un aliment de l'amour que le célèbre Kama Soutra n'oublie pas de conseiller avantageusement !
-Pour une métonymie de vertus : Autant dans la mythique gréco-romaine que dans la pensée théologique et scientifique chrétienne du haut-moyen-âge, elles ont été vues comme des êtres vierges et chastes, épargnés par la luxure. Ainsi, elles ont souvent servi de métonymie de vertus et, dans cette fonction, associées à la notion de multiplication humaine paradisiaque définie par quelques penseurs. Ainsi pour Grégoire de Nysse encore une telle reproduction pure serait identique à celle des anges; chez St Augustin est utilisé le terme d’antepeccatum, sans concupiscence et sans les douleurs de l’enfantement non plus. N’oublions pas que le plan de Dieu pour l’humanité, dans l’idéal, était comparable à celui des anges mais c’était sans compter avec la liberté de choix et le mal dans lequel l’humanité s’est engouffrée, dans lequel elle patauge encore ! Pourrons-nous retourner à la demeure éternelle qui est dans l’unité divine retrouvée ?
-Symbole des croyants : Les abeilles peuvent éclairer le mystère de l'Eglise par opposition aux guêpes qui sera alors le symbole des hérétiques. Tertullien dit que bien qu'ayant des rayons et imitant les abeilles, ces imitatrices n'ont pas de miel à y déposer. Ce miel c'est enfin celui des Martyrs formé au milieu des persécutions dans les temps apostoliques comme ce fut celui que Samson trouva dans la gueule du lion qu'il terrassa.
° La forme symbolique de l'amande: de l'amour terrestre à l'amour spirituel par la mandorle chrétienne :
On a là le véritable œuf de lumière, le cadre des engendrements successifs de l’homme naissant de lui-même dans le mystère de l’amour selon certains; on notera ici plus prosaïquement l’identité de forme de ce symbole avec le sexe féminin; de même on pensera à la verge biblique symbole de la virilité masculine complémentaire ou à nos galettes des rois, faites de pâte d’amande recélant la fève autre symbole fort mais de nos jours oublié, de fertilité, régénération, de re-naissance et d’immortalité espérée en plein hiver! Savez-vous qu’au IIIème S. un amandier fut planté sur la tombe d’un certain Valentin de Terni, le saint des amoureux, par la fille qui l’aimait et qui lui aurait rendu la vue? Plus tard ce symbole fort de l’amour (thème qui est reliable aussi à notre nom en passant) peut se retrouver en maints endroits comme chez Italo Calvino qui fera vivre son « Baron perché » philosophique dans un amandier. Sexuellement parlant on pensait que l’amande amère avait des effets positifs contre l’impuissance; son lait chez les grecs symbolisait l’énergie créatrice (et pourquoi pas chez d’autres comme les hébreux ?), sa texture comme sa couleur étant semblable au sperme humain. On a vu ce qu’en dit la mythologie grecque! De même près de nous, les poètes comme Brassens l’ont chanté en lien avec l’amour tout comme Van Gogh ne put s’empêcher de peindre cet arbre en fleurs magnifique dans la campagne provençale annonçant le printemps régénérateur. Le verbe dont est issu le substantif amandier signifie en hébreu veiller ou se hâter; c’est la signification qu’il a dans la vision de Jérémie et la mandorle issue de l’amande acquiert ainsi ses propriétés, connote l’espérance, le renouveau autant que la résistance. C’est un signe chrétien de nos jours oublié qui apparait au VIème S. dans les mosaïques de l’Eglise d’Orient empruntée sans doute à des dieux orientaux : les bouddhas ont été représentés aussi dans des mandorles. En rattachant sa forme à un losange aux angles arrondis, comme lui elle signifiera l'union du ciel et de la terre, des mondes supérieurs et inférieurs, dépassant le dualisme matière - esprit, eau - feu, ciel - terre, dans une unité harmonieuse du macrocosme et du microcosme.
Formée géométriquement de la superposition de deux cercles de même diamètre passant chacun par le centre de l’autre, prenant alors la forme connue de nos jours d’un ballon de rugby, par ailleurs symbolique de l’échange croisé des anneaux des mariés, elle est définie déjà par le grec Euclide dans ses "Eléments". Absorbée par l’ésotérisme chrétien elle symbolise la Trinité et entoure de sa protection ourlée la plupart du temps les représentations de Jésus en gloire ou la Vierge Marie; elle fut diffusée durant tout le moyen-âge sur nombre de tympans, de sculptures et mosaïques, fresques et enluminures religieuses chrétiennes. Posée dans le sens transversal elle devient la « vesica pescis » la vessie de poisson qui sera le symbole primitif des chrétiens durant les temps apostoliques et dont le nom grec Ichtus écrit IXTYS forme l’acronyme du Christ (langue des oiseaux !).
Une autre interprétation la fait dériver de l’usage romain (voir page Aemilii République) des « clipeatae », ces boucliers sur lesquels on gravait non seulement le nom des personnes illustres de sa gens mais aussi leurs portraits (un usage qui revivra d’ailleurs à la Renaissance) et ces médaillons disons étaient portés, environnés de figures ailées semblables à des anges païens ! On ne peut pas ignorer ici l’ancille (modèle original!) qui est tombée du ciel dans la mythologie des débuts de Rome et dont l’habile artisan bronzier du nom de Mamertus forgea des copies pour le roi Numa (ce Mamertus étant l'un des ancêtres de la gens Aemilia, peut-être le plus plausible, en tous cas le plus estimable). Ainsi furent célébrés l’apothéose de la montée vers les cieux et les dieux de mortels inoubliables, emportés par une nuée avec ou sans l’aide d’Iris, l’arc-en-ciel, souvent évoquée chez Virgile ou Ovide. Et chez les chrétiens la symbolique de la mandorle en tant qu’ascenseur vers Dieu en est la suite indéniable; pensons à la Transfiguration, à l’Ascension, au Jugement Dernier, au Christ en Majesté et jusqu’à la Parousie de l’Apocalypse.
° En conclusion :
Cette longue promenade commentée à travers les arcanes de la métaphysique, des ésotérismes, des mythologies, des religions du livre comme aussi des simples croyances populaires dont certaines nous sont encore connues voire que nous pratiquons sans pour autant en connaitre le sens profond, comme on découvre des éléments archéologiques sans pouvoir les relier à quoi que ce soit de connu aujourd’hui, m’ont permis de montrer qu’entre le vieux fonds mythologique proche-oriental et l’histoire des croyances bibliques puis chrétiennes, s’insérait parfaitement cette symbolique propre à tous les peuples et pour ce qui concerne notre nom identifiable dans les notions relatives aux deux domaines de l’amande et l’amandier d’une part qui me semble principale, intimement liée à celui de l’abeille et de son produit miracle, le miel, d’autre part. L’histoire de notre nom ainsi cimentée symboliquement dans ses fondations profondes mythologiques, métaphysiques, bibliques et linguistiques, symboliquement rattaché à quelque racine possible perdue, peut enfin véritablement commencer….. Nous voilà amenés à la porte de pas moins trente-deux siècles d’Histoire que je vais dérouler devant vous méthodiquement, résultat du travail de fourmi que j'ai entrepris voilà plusieurs années; au fait savez-vous qu'il existe aussi des "fourmis à miel" qui présentent d'ailleurs quelques similitudes avec les mouches à miel, notamment leur ingéniosité industrieuse et leur organisation sociale collective, bien qu'elles ne produisent pas le miel dont elle se gavent, préférant assujettir d'autres insectes pour le leur fournir aisément ? ! On pourrait encore citer "l'oiseau à miel" un guêpier dont parle l'audois voyageur Henri de Montfreid, ou l'ours que Paul Morand dans "Rien que la terre" tient à nommer "ours à miel", les arbres "mouche à miel" dont l'un porte le nom scientifique de weinmannia tinctoria ou un autre celui de euodia danielli ....richesse infinie de la langue des oiseaux comme de la langue latine !
Vous allez découvrir maintenant les traces, les jalons du parcours de notre nom suivant le temps et l'espace depuis ses traces cunéiformes jusqu'à notre temps, passant de peuple en peuple, de langue en langue, d'histoire(s) en histoire(s). Et n'oubliez pas que le miel fut le sucre de nos ancêtres .... durant l'antiquité les romains ont notamment prisé le miel de Narbonne, celui du pays des Amiel. Le pays aussi de Varron d'Atax que j'évoquais dans mon introduction et dont plusieurs grands écrivains antiques utilisèrent les écrits : non seulement Pline qui y a puisé des parties de sa géographie, mais Virgile soi-même qui a, si l'on en croit Sénèque le rhéteur et Julius Montanus, emprunté plusieurs passages pour son chef d'oeuvre, l'Enéide bien sûr. Jusqu'au célèbre juriste Quintilien, bon juge en la matière (!) qui put dire de lui :Dans les oeuvres qui lui ont valu quelque renommée, Varron d'Atax, quoique traducteur, n'est point à mépriser. Ovide quant à lui, l'admire sans réserve dans ses "Amours": Quel siècle ne connaîtra Varron, et le premier esquif, et cette toison conquise par le chef Ausonien ? nous rappelant que c'est grâce à sa traduction du grec que l'on connut dès ce temps chez les latins, l'histoire de Jason, des Argonautes et de la fameuse Toison d'Or....la quête d'une immortalité mythique que l'on a déjà vu chez eux par l'analogue et symbolique "Songe de Scipion". Cette quête immémoriale de l'homme est l'un des motifs religieux essentiels et "Dieu est" bien alors comme le dit Jung dans son étude comparative des religions "le symbole des symboles".
NB : Et, naturellement, pour bien assimiler ce qui va suivre tout en restant dans le ton vous pourrez accompagner votre lecture de quelques douceurs préparées depuis des lustres à partir de miel et d’amandes comme dragées, nougats, tourons, miélats, auxquels on pourrait ajouter d’autres desserts méditerranéens de même composition et boire quelque hydromel, chuchen, sirop d'orgeat, lait d'amandes (en vogue) voire amaretto (raisonnablement) ! Savez-vous que l'hydromel est la plus vieille boisson alcoolisée connue, apparue bien avant le vin : Des livres sacrés indous d'il y a 4000ans le mentionnent; les dieux grecs sur l'Olympe se nourrissaient eux-mêmes d'un de ses composés, l'ambroisie, "la nourriture des dieux, des immortels" encore une manne olympienne ! Mais nous commencerons notre périple dans l'histoire au début de celle-ci, un peu plus loin, en Mésopotamie......
PS : Ayez près de vous, comme les soldats romains avant un combat, un flacon de propolis (produit des abeilles, cicatrisant, anesthésique et anti-inflammatoire !) au cas où vous chuteriez de votre siège à la lecture d'une information 'renversante' de ce wiki et, lorsque vous serez fatigué de me lire, faites-vous masser, là aussi comme les romains mais cette fois aux thermes, avec de l'huile d'amandes douces !
Références pour cette partie : « Encyclopédie de la mythologie » Auerbach & all., Parragon Books Ltd, GB., 2004 ; « Mythologie, mythes et légendes du monde entier » G. Bailey M. Carden P. Clarke & all., Ed. de Lodi, Paris, 2006 ; « Mythologie des arbres » J. Brosse, Ed. Payot & Rivages, Paris, 2001 ; « Le sang des fleurs : une anthropologie de l’abeille et du miel » G. Tétart, O. Jacob, Paris, 2004. « "Dictionnaire des symboles » J. Chevalier & A. Gheerbrandt, R. Laffont, Paris ; « Dictionnaire des symboles universels » H. Normand, Dery, Paris, 2005 (T. I) ; « Encyclopédie des symboles » H. Hermann & M. Cazenave, Lib. Gén. Fr., Paris, 1996. Pour Varron d'Atax : Bulletin de la Soc. Archéologique de Narbonne, 1er semestre 1892; Gaillard Ed. Narbonne.