"L'être se proclame, se revendique, s'affirme ou se nie, c'est parce que nommer c'est classer, classer c'est distinguer, distinguer c'est faire être".
ETYMOLOGIE & ONOMASTIQUE
Quelques notions très générales adaptées à notre sujet
Quelques notions très générales adaptées à notre sujet
Les langues que nous parlons, le nom que nous portons, celui des personnes qui nous entourent, comme les mots que nous employons pour nous exprimer, pour 'dire' ce que nous ressentons comme ce que nous imaginons, notre histoire, notre culture, presque tout ce que nous pensons connaitre, nous a été transmis, mémoire des vivants et des morts que nous partageons sans même l'avoir vécu. Beaucoup de ce que nous avons comme patrimoine, culture, nous l'avons reçu en héritage, il nous a été légué et augmenté de génération en génération. Et nous sommes intrinsèquement faits de la présence de l'absence, de ce qui demeure en nous de ceux qui nous ont précédés; nous serons nous-même, à notre tour, en complétant cet héritage, un maillon supplémentaire pour nos successeurs, puissions-nous l'avoir augmenté !
-1- Etymologie :
Les étymologies sont, disait-on autrefois, comme les bons mots : plus on les cherche et moins on les trouve, ce qui est moins vrai maintenant, cette science ayant fait avec les linguistes d'énormes progrès depuis le début de l'époque moderne. Bien entendu chaque cas est souvent particulier, tant il y a de paramètres à prendre en considération qu'il est quelquefois ardu de s'y retrouver. Mais c'est un sujet qui a intéressé les anciens depuis très longtemps.
Pour la langue "françoise" le premier est Gilles Ménage, un grammairien du XVIIème S., rédacteur du 1er dictionnaire de la langue française, qui avouait déjà qu'il était bien difficile d'assigner avec certitude l'origine des mots; voilà une opinion honnête qui rappelle un plus ancien, l'antique Cicéron, lequel écrivait un siècle avant notre ère cette opinion sur Chrisippe, philosophe stoïcien de son temps : Magnam molestiam suscepit Chrisippus, reddere rationem comnium vocabulorum , cet homme ayant formé alors une pénible entreprise, celle de "rendre raison à" (expliquer) tous les termes de sa langue. D'ailleurs les stoïciens firent de cette tâche une base de leur philosophie; les jurisconsultes romains purent y trouver quelquefois des solutions à leurs difficultés et même l'explication de l'origine de leur jurisprudence, par exemple le très célèbre Quintilien.
A la fin de l'Antiquité, à la charnière de deux mondes très différents, le goth d'Espagne Isidore de Séville (~562 - 636) écrivit une somme encyclopédique des connaissances de son temps tout à fait exceptionnelle dont "Etymologies" qui restera longtemps un ouvrage de référence : c'est un inventaire complet de la culture antique dont il est le dernier représentant littéraire; voulant saisir la réalité des choses à travers l'origine et l'interprétation des mots qui les désignent, il y définit pour cela une méthode et des développements qui seront importants au moyen-âge, grande période suivante dont il est, aussi, l'un des premiers écrivains.
Plus près de nous le philosophe anglais Locke, au XVIIIème S., consacre au sujet une part importante de son Traité de l'Entendement; "c'est une partie essentielle de l'histoire de l'esprit humain" selon le Président Desbrosses, juriste du même siècle qui écrivit un traité sur la "formation mécanique" des langues dans lequel il montre une science étymologique novatrice pour son époque. Diderot parlant de ce sujet dans son Encyclopédie estime que dans la science étymologique réside une part importante de l'analyse d'une langue et que le fruit de cette analyse est la comparaison qui en est facilitée des langues entr'elles sous tous rapports.
Tout cela s'applique particulièrement aux noms dits propres, et pour tout dire, au nôtre, mes recherches à ce sujet étant riches et disséminées souvent dans tel ou tel nom du présent wiki.
-2- Onomastique :
Le terme onomastique qui désigne la science de ces noms propres, qu'il s'agisse des noms de personnes (patronymie) ou des noms de lieux (toponymie) vient du grec "onomasteria". L'onomasteria était une fête de famille dans la Grèce ancienne, au cours de laquelle on donnait son nom à l'enfant nouveau-né. Elle avait lieu entre le 7ème et le 10ème jour de la naissance, on y invitait parents et amis. Elle était célébrée par des fêtes et sacrifices aux dieux afin que cette imposition nominative soit agréée par eux. Mais voyons comment s'est développé cette science par un rapide résumé de son évolution de ses lointaines origines à nos jours.
Voilà une science très ancienne dans ses principes mais très nouvelle comme science moderne; elle est même devenue à la mode de nos jours. La question du "nom propre", de son statut ontologique (cf. phrase en exergue) du sens des noms de lieux et de personnes a intrigué les philosophes et les érudits depuis toujours sans doute (cf. par ex. Platon dans le "Cratyle") mais il a fallu arriver à l'époque contemporaine pour la considérer comme une science à elle seule car sa difficulté tient au fait qu'elle doit affronter sans cesse le "sens commun" et qu'étant complexe elle nécessite pour ses explications de s'appuyer sur des disciplines nombreuses et aussi ardues comme la linguistique et ses spécialités, la géographie (idem), l'histoire et ses multiples branches ou la paléographie...Tant et si bien que, pendant très longtemps l'onomastique dans ses aspects les plus connus (noms de personnes et noms de lieux) n'a été pratiquée que par des érudits amateurs (des religieux, des enseignants ou des notables) tous curieux d'en savoir plus sur leur patrimoine local afin d'être à même de le valoriser. De nos jours elle a acquis ses lettres de noblesse, plusieurs revues lui sont consacré, elle fait l'objet de colloques nationaux et internationaux. Les pratiques onomastiques ont enfin toujours fait l'objet d'enjeux politiques : la lecture de la presse suffit pour entrevoir combien ces noms de personnes et de lieux servent toujours quelque intérêt identitaire sur la planète; l'attribution ou la modification voire la suppression de noms propres en l'occurrence d'anthroponymes ou de toponymes appuie l'histoire et la géographie de notre temps, plus que jamais peut-être en raison de la mondialisation et de l'uniformisation des sociétés dans lesquelles ils restent des repères.
En conclusion on peut dire que l'onomastique et notamment l'anthroponymie et la toponymie, sont des systèmes de classification qui inscrivent les êtres humains dans des espaces sociaux et des réseaux car la liberté première de la nomination a été rapidement et durablement enserrée et contrôlée par les puissants, pouvoirs religieux, politiques, économiques... Que serions-nous sans notre identité personnelle de nos jours, sans le cadre historique et géographique de nos peuples, pays, régions, sans tous ces noms propres qui, finalement, encadrent voire règlent notre existence ? Et cependant comment comprendre dans le sens d'accepter, de faire sien, la vogue actuelle suscitée par nos intellectuels, mondialistes à tout va, de "l'anonymat" dans des secteurs clé de la société (droit civil, au travail, à la santé, au logement, aux loisirs...) qui, au prétexte d'une égalité de façade, aboutira plutôt à une certaine dépersonnalisation et donc à une fade uniformité, basique et universelle ?
(=> en partie pour les deux derniers § d'après "Onomastique, marqueurs identitaires et plurilinguisme. Les enjeux politiques de la toponymie et de l'anthroponymie" H. Guillorel. Résumé Revue Droit & Cultures n°64 2012-2).