LA FIN DE L'EMPIRE ROMAIN D'OCCIDENT :
Alors que le trop vaste empire avait été scindé en deux, occidental et oriental pour tenter de juguler les incursions toujours plus massives, autant des peuples du nord de l'Europe que de ceux d'Orient, les romains perdaient progressivement de leur aura. Non seulement sur leurs frontières mais aussi dans l'intérieur. L'état et la société étaient ruinés de l'intérieur même: Un peu comme dans plusieurs époques postérieures, dont peut-être la nôtre, on assiste à une décadence supplémentaire des mœurs, un incivisme patent (de l'armée sur les barbares recrutés ou cette loi qui dut interdire la démolition des bâtiments publics par exemple), une crise économique dans laquelle il n'y a plus d'esprit d'entreprendre car il y a belle lurette qu'il n'y a plus de conquêtes, donc plus de revenus commerciaux et pourtant une pression fiscale insupportable, une forte dénatalité due à la dépravation des mœurs, et un système politique sclérosé dans lequel l'opposition à toute réforme risquait de mettre en péril la situation confortable des gouvernants et des puissants en tous genres... Enfin bref toute la société était brinquebalante, on allait bientôt parler de Rome au passé.
En Septembre 476, l'empereur du nom de Romulus Augustule (clin d'œil ironique de l'histoire !) sera enfin déposé par Odoacre, le roi des Hérules, peuple féroce germanique, qui se proclamera ni plus ni moins roi d'Italie. Depuis le IIIème S. les romains perdaient pied sur toutes les frontières européennes de leur empire; les coups de boutoir allèrent en s'accentuant, les traités honteux pour eux aussi, il y avait eu le pillage de Rome en 410 par les Goths d'Alaric puis un nouveau pillage encore en 455 par Genséric, roi des Vandales (d'où le nom de vandalisme de notre dictionnaire) et cela s'accéléra à partir de 461 tantôt encore avec les Ostrogoths tantôt avec les Burgondes.
Sur le territoire de la Gaule, les romains vont aussi voir leur présence territoriale progressivement se restreindre; leur dernier pré-carré sera autour de Soissons avec le général Syagrius devant les Franks et ne représentera qu'environ 5% de la population de toute la Gaule romaine. La Gaule du sud sera envahie par les Wisigoths de la Loire à l'Espagne (419 à 440) et de l'Atlantique jusqu'à Lyon (440 à 472), du Languedoc (475) aux Alpes Maritimes (476); par les Alamans en Alsace, Suisse et sud de l'Allemagne; par les Franks en Belgique, autour de Tournai; seules resteront la Bretagne celte et pour peu de temps le nord et est de la future France.
Et pourtant Rome eut à ce moment-là en Gaule un grand général : Flavius Aetius; cet homme d'armes vécut l'effondrement de l'empire alors que celui-ci avait apporté aux gaulois depuis longtemps déjà la paix, la prospérité et surtout la civilisation. Il en fut le dernier rempart en Gaule, la dernière chance et il fut stupidement foudroyé en pleine charge.
Il est déjà général alors que les Grandes Invasions commencent à submerger l'empire; fuyant les hordes sauvages du centre-est de l'Europe, poussés par les terribles Huns d'Asie, les peuples germains déferlent les uns après les autres en Gaule. En 433 Aetius devient Patrice; il fixe les Burgondes en Savoie (436), contient les Goths dans la moitié sud, stoppe la progression des Franks sur la Somme et même les repousse en Belgique (440). La Gaule survit encore à ces invasions mais le pire est à venir : Attila (un nom qui effraie encore, "là où il passe, l'herbe ne repousse pas"), roi des Huns, le "Fléau de Dieu", au printemps 451, passe le Rhin ! Metz est brûlé, puis Verdun, Laon, St Quentin, Reims, la ville métropole du nord ! A Lutèce, comme cela aussi se verra en plusieurs autres circonstances plus récentes, l'administration romaine plie bagages et se replie sur Orléans et Tours mais Ste Geneviève exhortera les parisiens à prier pour éloigner la menace des Huns; ils reprennent courage, se défendent, Attila renoncera en Mai 451 à prendre Lutèce. Les historiens pensent qu'en réalité ce qui était plus important pour lui fut de foncer vers les territoires wisigoths d'Aquitaine sans perdre de temps. Pourtant il commettait là une lourde erreur car par son déplacement vers le sud il rendait libre la route du nord et ainsi les Franks pourraient venir en aide aux gallo-romains (mais ils finiront par prendre leur place).
Orléans s'apprête à succomber mais le 24 mai 451 les troupes romaines qu'a pu rassembler Aetius sur sa route de retour de Rome, vont attaquer Attila; c'est le premier heurt que doit affronter ce peuple féroce; jusque-là tous les peuples rencontrés dans leur épopée depuis leur lointaine Mongolie, ont toujours détalé devant eux. A Orléans c'est le premier revers pour eux : la ville est sauvée (elle le sera à nouveau près de mille ans plus tard avec Jeanne d'Arc tout aussi "miraculeusement"). L'administration romaine sera ramenée à Lutèce par Aetius et il ralliera à lui tous les grands peuples de Gaule (tout comme le fera près de 1500 ans plus tard un autre général plus connu) et même les Wisigoths indépendants de Rome (voir page suivante leur histoire en Gaule), ces barbares en voie de romanisation, alors que leurs frères ostrogoths sont restés fidèles à Attila. Le 20 septembre 451 l'armée coalisée d'Aetius surprend les Huns aux fameux Champs Catalauniques, la grande plaine entre Troyes et Chalons en Champagne; même les bretons sont là; le vieil Empire Romain moribond parvient encore à relever la tête, une dernière fois. S'engagera alors l'une des plus importantes batailles de l'Histoire; les combats durèrent trois jours et furent atroces. Attila s'enfuiera avec ses rescapés pendant la nuit du 21 au 22 septembre 451. Les coalisés ont sauvé la Gaule de la barbarie; le roi wisigoth Théodoric Ier y laissa sa vie mais on ne reverra plus jamais Attila. La gloire d'Aetius est alors immense; elle finit par porter ombrage au pleutre empereur romain d'occident Valentinien III, qui se terra à Ravenne pendant tout ce temps; il finit par faire assassiner le grand Aetius. Cet acte odieux et imbécile provoqua la dislocation de la belle coalition et, qui sait, si , comme l'Empire Romain d'Orient, sans cet acte inqualifiable, l'Empire Romain d'Occident, aurait lui aussi, pu vivre encore mille ans. On a là l'une des plus tragiques et injustes bêtises de l'Histoire. De plus la mémoire collective française a complètement oublié l'homme valeureux que fut Aetius; aucune gloire pour lui, aucun souvenir parlant (nom de voie, statue) alors qu'il avait réussi contre toute attente, à sauver l'unité de la Gaule et à préparer sans le savoir sa suite, la France.
LA FIN DE LA GAULE, LES FRANCS, CLOVIS et REMI :
Le grand-père de Clovis, roi des Franks, est Mérovée (d'où le nom dynastique de la première race des rois de France), son père est Childéric. Ce dernier meurt en 481 il n'a alors que 15ans et son royaume est assez modeste, il est en Belgique, autour de Tournai comme je l'ai dit. Son nom exact est Childovich ou Chlodovechus et signifie "célèbre pour ses combats". Le prénom en latin se dira Ludovicus et se traduira en français par Louis, un prénom de roi qui traversera les siècles et les races dynastiques, le dernier ayant été Louis-Philippe qui règnera de 1830 à 1848 ! Clovis donc saura étendre son petit territoire, par une alliance en 484 avec son parent le roi frank rhénan mais il entrera en conflit avec Syagrius, ce général romain qui tient toujours le Soissonnais dont j'ai déjà indiqué le nom; pourtant il n'y a plus de fonctionnaire romain alors, l'empire n'existe plus, et ce romain entretient de plus des liens étroits avec les wisigoths, peuple décidément opposé aux Franks, avec raison, l'avenir le confirmera. Mais en 486 Clovis écrasera le brave Syagrius, le tout dernier des Romains et pillera la région; Clovis pensera hériter par là de cette légitimité romaine qui garde toujours un belle renommée. Et là c'est bien fini pour Rome mais les Franks n'en ont pas pour autant fini avec leurs 'successeurs naturels', les Wisigoths; la Gaule est bien loin encore d'être franque, du moins pour sa moitié sud !
On ne peux parler de Clovis sans parler de sa conversion au christianisme, sans évoquer Rémi, le saint évêque de Reims qui obtint sa conversion et qui le baptisa (voir dossiers spéciaux), sans parler aussi du peu et anecdotique de ce que connaissent tous les Français (du moins peut-on encore le penser) je veux parler du fameux "Vase de Soissons". Ce vase serait un objet liturgique en argent provenant du diocèse de Reims qui fut intégré au butin des Franks à la suite de la bataille avec Syagrius. Rémi, fils du Comte de Soissons Amelius, demandera la restitution de l'objet; mais la règle du partage des prises de guerre est précise chez les Franks : chaque part, celle du chef y compris, est tirée au sort. Ce vase sera donc tiré au sort, et le sort ne l'attribue pas à Clovis. Clovis comme on le sait aussi entretenait de bonnes relations avec Rémi, qu'à cela ne tienne il prétexte un passe-droit pour s'attribuer le vase. Mais un soldat va s'y opposer, il se met à frapper le vase avec une hache et dit au roi "Tu n'auras rien d'autre que ce que le sort t'attribuera vraiment". Clovis s'incline mais parviendra à échanger des objets de son lot contre le vase cabossé qu'il restituera à Rémi. On voit par là qu'il ne faut pas considérer le verbe "cassé" dans le sens de brisé, non il fut cabossé. Le plus important est sans doute le fin mot de cette histoire : L'année suivante, en 487, selon certains, lors d'une revue de son armée, Clovis remarqua que les armes du soldat qui avait frappé le vase étaient mal entretenues; il les lui jette par terre et alors que le soldat les ramasse, il lui fracasse le crâne en lui disant : "Ainsi as-tu fait à Soissons avec le vase" ou "Souviens-toi du vase de Soissons", profitant du droit de vie et de mort que le roi avait sur ses sujets, et notamment sur ses soldats.
Clovis s'appropriera tout le nord de la Gaule jusqu'à Lutèce, ce futur Paris dont il fera sa capitale, Ste Geneviève, toujours vivante, s'en remettant à son autorité car le barbare est devenu chrétien, ce qui excuse tout. Le baptême par Rémi et la Sainte-Ampoule directement envoyée du Ciel par Dieu, lui confèrera ce fameux droit divin, qui lui manquait vu ses origines barbares dont cet épisode du vase est une illustration, un droit unique et supérieur, absolu, devenu nécessaire mais qui sera la cause de bien d'erreurs, tourments dans le gouvernement ultérieur de la France pendant tout l'Ancien Régime, pendant près de treize siècles ! Ce sera la même chose pour l'autre puissance qui émerge en même temps l'église catholique avec la toute puissance que s'arrogeront progressivement les papes, en bien comme en mal !