Un autre fruit de l'EXIL : La TRADUCTION EN GREC des ECRITURES :
C'est à l'occasion d'un nouvel exil des juifs que cette traduction se déroula. Dans la 2ère moitié du IIIème S. avant notre ère, Ptolémée Lagus, parce qu'il avait envahi la Syrie et la Palestine, emmena captive une grande partie des juifs. Bien qu'issus du même peuple sémite, leur éloignement (Palestine, Egypte) et leur immersion dans une autre société fera que leurs langues se différencièrent et leur lecture des Ecritures aussi mais là n'est pas le principal.
- Selon l'histoire :
Ptolémée II ordonna donc à 72 juifs d'effectuer la traduction en grec des textes hébreux, curieuse idée ? Pourquoi et comment ? On est à Alexandrie, cité nouvelle alors fondée en -331 comme on le sait par Alexandre Le Grand, roi de Macédoine et colonisateur non seulement de l'Egypte mais du Moyen-Orient jusqu'en Inde. Si ces colonies vont se réduire comme peau de chagrin rapidement, les grecs resteront assez longtemps en Egypte. La diaspora juive de Grèce, d'Alexandrie va s'y développer fortement, notamment autour du Palais Royal, tellement même que deux des cinq quartiers de la ville seront occupés par les "descendants d'Abraham". Ils y parlent la langue hébraïque, y lisent et étudient leurs textes religieux dans cette langue et dans son écriture même si il y aura quelques pertes de l'authenticité originale. Il y pratiquent évidemment aussi leur culte, enfin tout cela, si éloigné des mœurs grecques va intriguer leurs maîtres lesquels vont se montrer curieux de ces "sagesses barbares", une expression liant des termes antinomiques mais c'est bien ainsi qu'il faut le voir.
Selon un document antique nommé Lettre d'Aristée du IIème S. av. J-C. l'idée de cette traduction serait due au fondateur même de la fameuse bibliothèque d'Alexandrie, Démétrios de Phalère : il aurait suggéré lui-même à Ptolémée II vers -270 d'ordonner cette opération littéraire qui concernera non seulement les textes sacrés mais aussi les textes profanes. Le souverain hellénistique lagide était un personnage très cultivé qui apparut soucieux de mieux connaître les peuples qui lui étaient soumis et donc leur culture, ceci apparemment dans cette occasion en vue d'une réorganisation de son royaume.
Cette traduction dont les modalités différent suivant les auteurs qui en ont parlé a été effectuée par un groupe, individuellement ou non, de 72 juifs soit 6 par chacune des 12 tribus selon la tradition, un nombre qui a été arrondi à 70 pour nommer cette traduction, la Septante. Réalisée en lettres grecques onciales elle nous est connue de nos jours par trois Codex originaux : celui du Vatican, celui d'Alexandrie et le Codex Sinaïticus, du Sinaï. Il y a entre eux quelques différences dont pour ce qui nous concerne, une différence de lecture et de traduction d'un toponyme, celui de Amiel quelquefois traduit en Amad (cf. page Amiel hébreux, noms bibliques). J'indique dans la même page plusieurs ex. de ce qui est indiqué ci-après concernant le nom biblique Amiel.
- La traduction et la philologie de ces textes:
Hormis de nombreux problèmes de traduction comme vocalisations, permutations de consonnes, ou liés au contexte, d'évocations culturelles, des tournures propres aux langues sémitiques, il y a également des problèmes liés au passage entre langues anciennes et modernes dont celui qui conduit immanquablement à l'abandon d'une partie du champ sémantique comme à la recréation d'un autre. Passer d'une langue sémitique (hébreu, araméen et variantes) au grec ancien n'est pas évident donc. Quelques ex. : la seule désignation pourtant essentielle du divin, notamment en ce qui nous concerne doit partir de la multiplicité du texte hébreu qui parle d'El, Eloah, Elohim, El Shadday ou Sabaoth et ne trouve pas de solution satisfaisante ou alors banalisée en grec par Theos, 'dieu' impersonnel, Kyrios seigneur ou Pantocrâtor tout-puissant; heureusement les majuscules grecques (inconnues chez les sémites) sont là pour lever cette ambiguïté ! On peut citer aussi le chaos initial de la Genèse, ce 'vide et désert' du "tohu va bohu" qui devient la matière 'invisible et inorganisée' des philosophes grecs ou le souffle divin qui devient 'pneuma' lequel, dans d'autres contextes pourra désigner le vent comme ailleurs une composante de l'âme humaine, le 'souffle vital'...
-Et le sujet des anges ? :
On a vu dans l'article précédent que l'angélologie est venue aux juifs par leur exil à Babylone quelques siècles plus tôt. Mais parmi les différences qui se firent jour au cours de l'exil à Alexandrie, il est patent que cette matière se développa bien plus largement chez les juifs palestiniens que chez leurs frères d'Egypte; il y eut chez les premiers toute une pléiade d'anges qui furent déterminés par des noms propres qui, presque tous, ont un rapport direct aux fonctions qu'on leur attribua auprès de Dieu. On a vu dans l'article sur les anges qu'il y en eut de supérieurs, ce sont les archanges; ils se nommaient habituellement Raphaël, Amiel, Micaël, Gabriel, Zaphtiel, Zadhiel et Gabael, bien que plus tard la liste de ces derniers soit plus courte et que leur noms soient différemment orthographiables. On ne retiendra que ceux de Michel, Gabriel et Raphaël comme on le sait. Les Septante, ces juifs d'Egypte qui furent chargés de traduire en grec les Ecritures, eurent donc aussi leur propre théorie angélique mais chez eux les noms furent plus rares et les personnalités de ceux-ci moins définies et déterminées; leur nombre n'y est pourtant pas limité et l'on s'y borne à définir leurs fonctions.
- Septante et Vulgate :
La Septante sera revue postérieurement par d'autres traductions puis le grec perdra de son importance et dès le début du christianisme triomphant de tous les paganismes, utilisant le latin surtout, c'est avec Saint Jérôme que l'on verra la 1ère traduction dans cette langue devenue universelle, cette fois non seulement de la Torah mais de tous les livres de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament. Pour cette traduction qui lui prendra plusieurs dizaines d'années entre la fin du IVème S. et le début du Vème, il sera accompagné dans son ermitage de Bethléem d'Aemilia Paula, connue sous le nom de Ste Paule de Rome, qui assurera auprès de lui beaucoup de tâches de la vie quotidienne tout en étant dévouée à Dieu, comme sa fille, Ste Eustochie (cf. article sur les Aemilii et les premiers chrétiens, page Aemilii dans l'empire romain). Quant aux traductions dans les langues modernes qui sont toujours les nôtres, il faudra attendre la renaissance et l'impulsion des protestants !
(=> en partie d'après "Origine de la théorie du Logos...." J. J. Gaillard (thèse) Fac. Théologique Protestante de Strasbourg, 1864).