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Le seul viatique pour faire la traversée de la vie, c'est un grand devoir et de sérieuses affections.
Journal Intime
QUELQUES JALONS ESSENTIELS DE SON EXISTENCE
-1- Cadre historique :
L'Europe au début des années 1820 commençait enfin à goûter à la paix depuis le remue-ménage provoqué par la Révolution Française suivie de l'Empire Napoléonien encore français. Plus loin, aux Amériques, l'Indépendance acquise par les premiers états fédérés grâce en partie à la France (pas encore révolutionnaire pourtant, mais très anglophobe c'est sûr), déteint sur l'autre Amérique, celle du sud avec le Général de San Martin, "Libertador de Argentina, Chile y Pérù" mais là 'sin révolucion' en vue pour le moment, les monarchies européennes y veillant encore depuis le vieux continent pour servir de base arrière à un éventuel repli si nécessaire pour elles. Pourtant que pouvaient-elles craindre ? La mort de Napoléon Ier bien au loin de chez elles, à Ste Hélène, le 5 Mai 1821, vira plutôt au vaudeville. En effet, lorsque le 1er Ministre anglais reçut la nouvelle, il vint rapidement l'annoncer au roi Georges IV en lui disant : "Sire, je viens annoncer à votre majesté la mort de son plus mortel ennemi", ce à quoi celui-ci, étourdi de joie, et surtout étourdi tout court, se leva et rétorqua : "Est-ce possible? Elle est morte?" Il désirait tant la mort de son épouse qu'il pensait qu'enfin il en était libéré, l'Ennemi d'il y a quelques années était déjà oublié! L'anecdote est tirée des mémoires de la Comtesse de Boigne et fut publiée au Mercure de France (Vol. II, p.69).Et c'est à ce moment-là, non en raison de cette petite histoire, comparable à celle très connue du majordome de Louis XIV venant lui annoncer le matin du 14 Juillet 1789 au réveil qu'il ne s'agit pas d'une simple émeute mais d'une vraie Révolution, mais pour ce qu'elle signifie, la fin de l'agitation, une page majeure qui se tourne enfin dans l'histoire de l'Europe, le début d'une nouvelle ère, de régimes timidement démocratiques, et une année 1821, qui, littérairement parlant est une belle cuvée, avec la naissance de Baudelaire, de Flaubert ou de Dostoïevski; et c'est en cette année que prend place la venue au monde de notre propre héros amiélien.
-2- La vie d'Henri-Frédéric Amiel :
° Sa jeunesse et ses origines : -Henri-Frédéric Amiel va donc achever de faire de cette année une année prodigieuse pour les Lettres en naissant à Genève, en Suisse, le 27 Septembre 1821 (où il mourra aussi le 11 Mai 1881). Sa famille paternelle de laquelle il tient son patronyme (qui se trouve être aussi le nôtre) lui vient d'une famille française installée à Castres, en Haut-Languedoc. Le dernier de sa famille a être né occitan est son bisaïeul Jean Amiel (voir plus bas); celui-ci protestant de confession, dût émigrer pour pouvoir protéger les siens et professer librement sa foi. Il vînt s'installer en Suisse et put recevoir la citoyenneté de sa ville d'adoption. La famille devient véritablement genevoise en 1791: Henri-Frédéric est le fils de Jean-Henri Amiel, négociant et de Caroline Brandt (originaire d'Auvernier, suisse également). Son grand-père Samuel-Frédéric Amiel était maître-horloger, la maison Melly & Amiel fut connue à Genève entre 1778 et 1821, le journal de cette entreprise est déposé aux Archives de l'Etat; c'est de Samuel-Frédéric que la famille tient son statut d'habitant de Genève acquis en 1778 et de bourgeois acquis en 1791. Dans ce cadre d'horloger si présent en Suisse on connait aussi déjà en 1755 Isaac Amiel qui transforme l'horloge de la Tour Marfaux à Boudry (canton de Neufchâtel) ou Laurent Amiel-Roux horloger à Genève en 1857; il y a encore la société Moquin & Amiel connue pour avoir inventé de nouvelles pièces d'horlogerie, de nouveaux outils de mécanique horlogère aussi; ces novateurs furent parmi les premiers industriels à exporter vers les Indes leurs produits; ainsi qu'un Amiel qui fut l'un des meilleurs ouvriers de la prestigieuse Maison Breguet toujours en ce début XIXème S. Mais revenons à Henri-Frédéric : son père fut parait-il tyrannique et tatillon quand sa mère sans doute, bien que l'on n'ait conservé que quelques maigres preuves, fut affectueuse, douée mais elle eut des problèmes familiaux avec sa propre famille; elle va décéder de maladie, alors qu'il est encore très jeune, et son père, ne se remettant pas de cette perte, se suicidera peu d'années plus tard en se jetant dans le Rhône (comme l'avait fait aussi un autre ascendant Amiel avant sa naissance). Le pauvre garçon verra aussi d'autres deuils, frère et soeur morts en bas âge, une cousine, un ami enfin qui se suicide comme son père dans le Rhône. Tous ces morts vont le marquer pour toujours, toute sa vie il sera hypersensible comme sa mère autant que dépressif comme son père. Devenu donc orphelin dès l'âge de 13 ans il sera pris en charge par son oncle Frédéric, frère de son père, un oncle très dur lui aussi qui l'astreindra à une vie assez virile, mais à l'abri du besoin, car ses parents ont laissé un héritage conséquent pour lui et ses soeurs. Il va faire de brillantes études dès son jeune âge (il entre au collège à l'âge de six ans), voyager ensuite étant jeune homme en Suisse mais aussi dans une bonne partie de l'Europe, notamment en Italie, en France, et en Allemagne. D'origine en partie germanophone par sa mère, il se passionnera pour cette culture; avide de connaissances il va s'attarder dans ce pays et étudier (à partir de 1844) à l'Université de Berlin dans plusieurs facultés notamment la théologie, la psychologie, la philologie et la philosophie.
° Ses études supérieures et la vie intellectuelle au milieu de son siècle:
Il étudie à Berlin jusqu'en 1848 et l'on sait suivant chaque semestre de ces années les cours qu'il a suivi, il ne manque pas de détailler tout cela dans son J. Intime (T.I); l'éventail des intitulés atteste de l'étendue de sa curiosité mais aussi du climat intellectuel de son temps. Temps d'un fécond humanisme moderne. L'éclectisme qui s'y exprime manifeste la visée universaliste qui caractérise la production intellectuelle de ce temps-là. Les disciplines qu'il suit cohabitent dans une relation de contigüité témoignant de leur affinité cachée. Et à cette universalité s'ajoute donc la modernité, une idée qui peut se résumer par le rapport entre science et foi et son enjeu bien que ce sujet ne soit pas une nouveauté. En revanche un hiatus va se creuser entre connaissance et croyance, la science avance alors que la croyance perd de son immédiateté séculaire. Les systèmes philosophiques en élaboration dans ce siècle s'appliqueront sinon à le combler, du moins à essayer de l'expliquer et en tous cas de le surmonter.
(=> "Histoire de l'histoire de la philologie..." P. Hummel, pp. 162-163; Droz, Genève, 2000).
° Sa vie de professeur et le devenir des siens :
Il ne délaissera pas pour autant la culture de langue française, notamment la littérature : Il devient d'ailleurs professeur pour un temps de littérature française et d'esthétique dès 1849 à l'Académie puis toute nouvelle université genevoise. A partir de 1854 et jusqu'à sa mort il occupera sans discontinuité la chaire de philosophie et d'histoire de la philosophie.
Bien qu'il ait eu beaucoup d'admiratrices, ces "Amielines" comme les appelaient les genevois, des jeunes filles à qui il donnait des cours du soir, et nombre d'amies, il n'eut pas la chance de se marier et d'avoir une descendance; on sait par ses écrits qu'il l'a beaucoup regretté. Des deux branches de sa famille directe, il voit s'éteindre l'une dès 1831 à Noyon (canton de Vaud) et l'autre s'éteint avec lui à Genève en 1881. Au début de l'hiver de sa vie, en septembre 1879, il écrivit quelques lignes sur son "mois des fouilles dans le passé" de sa famille; après des considérations pessimistes et l'évidence qu'il sait peu de choses sur les branches familiales des Amiel il conclut ainsi : J'assiste à l'extinction de la famille Amiel, et j'ai bien le sentiment que c'est une perte sèche que le dessèchement d'une souche humaine. Comme rêveur, je regrette cet anéantissement. Comme individu ayant fait l'expérience désolante que la parenté ne donne que peu de joies, et enfante mille peines, j'ai du mettre l'amitié de choix au-dessus de la parenté de nature. Mais je n'en fais pas une théorie, cette expérience personnelle n'a pas de valeur générale. (Journal Intime, Vendredi 19 septembre 1879).
-3- Sa vie littéraire :
La découverte après sa mort de son 'Journal Intime' monument scriptural de 17.000 pages, en cahiers classés, numérotés et reliés, qu'il a tenu scrupuleusement jusqu'à la fin de sa vie va révéler un être supérieurement doué mais qui n'a pu assouvir ses ambitions autant intellectuelles qu'humaines. Nous avons avec cette oeuvre immense, une mine inépuisable de pages admirables abordant dans un style limpide et inventif tous les aspects de la connaissance; il est l'auteur du parangon des journaux intimes. Son regard est inlassablement occupé à fouiller le tréfonds de l'âme humaine. C'est aussi là un constant rappel de notre humaine condition et une tranche de l'histoire du monde par un témoin lucide, bien informé et sachant tirer 'la substantifique moelle' de notre évolution, un visionnaire enfin. Pourtant de son vivant il n'aurait sans doute jamais pensé que son Journal fut un chef d'œuvre; bien qu'écrire fut toujours son rêve ses publications diverses (poésies, pensées, études littéraires et philosophiques...) n'ont jamais été des succès d'édition. Il aurait voulu être pourtant reconnu comme poète ou philosophe, comme un Hegel ou un Hugo. Et dans l'attente de gloire il enseignait mais cette fonction était surtout une occupation pour lui. D'ailleurs il n'a jamais attiré ses étudiants; ses cours étaient parait-il d'un 'ennui mortel'; ses élèves l'avaient surnommé, non sans aménité, "le robinet d'eau tiède" (qualificatif qui pourrait être relié, au figuré, à celui de Marguerite Yourcenar un siècle après, que l'on nommait assez irrévérencieusement, "la Mère Denis de l'Académie" Française) ! De son propre aveu sa carrière n'est pas une réussite; lucide, il se plaint dans son Journal de ne pas parvenir à préparer convenablement ses cours, à les composer, et à intéresser son public. De même il échouera à réaliser l'essentiel de ses projets littéraires, dont il ne subsiste que des listes ambitieuses comme une 'Phénoménologie de l'esprit' ou un 'Art de la vie'.
-4- Son oeuvre littéraire :
Et sa propre vie privée n'était pas plus remplie: Sa vraie famille se limitait à la famille élargie de ses deux soeurs. Il aurait bien voulu fonder une famille et aimer une épouse, on le pressait d'en prendre une, mais il n'y est jamais parvenu. Il n'était pas doué pour le bonheur et la joie ne fut pas son fort. La vie passait sur lui, plate et monotone, entrecoupée de quelques publications poétiques, pensées ("Grain de mil" 1854; "Il Penseroso" 1858; "La part du rêve" 1863; "Jour à jour" 1880), d'études littéraires et philosophiques (sur Rousseau, Mme de Staël, Ronsard et Malherbe, La Poésie Française de Suisse), de critiques littéraires et musicales, d'un romancero historique sur Charles Le téméraire, beaucoup de traductions de poètes étrangers à partir de 1876 depuis l'allemand, l'italien, l'anglais mais aussi le portugais ou le hongrois (Chamisso, Goethe, Heine, Holderlin, Leopardi, Byron, Camoens, Petöfi) et même créations musicales patriotiques. En tant que l'un des premiers critiques musicaux de musique classique il écrivit à propos de cette culture : La musique, c'est l'harmonie, l'harmonie c'est la perfection, la perfection c'est notre rêve et notre rêve c'est le paradis. A ce propos par un article spécialisé de musicologie, bien qu'il fut un "pianiste mal assuré" comme un "choriste épisodique", on apprend qu'en revanche il a été un amateur éclairé de Beethoven par ex.; il commenta parfaitement les interprétations des œuvres du maître faites de son temps; un tel compositeur suscitant initiatives, commentaires et pratiques inédites, ses symphonies, quatuors et sonates demandent aux exécutants comme aux auditeurs un effort inaccoutumé (cf. "Aimer Beethoven : les années d'apprentissage d'H-F Amiel, amateur de musique genevois (1840-1860)", Revue de Musicologie T.88, n°1, 2002, pp 9-42). Mais il eut beaucoup d'heures et de journées mornes, des temps qu'il donna régulièrement à son Journal, journal thérapeutique en quelque sorte, qu'il appelle 'pharmacie de l'âme' ou 'musée des guérisons successives de l'âme'. Il se racontait en ville, dans la bonne société genevoise, qu'il n'avait pas d'autre meilleure compagnie, il l'écrit d'ailleurs lui-même. Son objectif dans cette occupation était de consigner sa 'météorologie intérieure', il voulait avoir conscience de tout ce qui le concernait et tout noter. Il a conservé tous les brouillons de ses 20.000 lettres (!) et n'hésitait pas à demander les originaux envoyés à la famille de ses relations qui venaient à décéder; tout cela était autant rangé que son Journal bien entendu. Il a correspondu avec les grands noms de la littérature de son temps dont l'un attachait comme lui beaucoup de prix aux correspondances, le français Sainte-Beuve ou son compatriote Félix Bovet chez qui même il demeura à Grandchamp régulièrement à partir de 1860. Mr Bovet fut son alter-ego dans l'enseignement à Neufchâtel, protestant il fit de son domaine de Grandchamp un foyer de vie spirituelle intense. Il faut pour cette dernière relation épistolaire que je cite une curiosité onomastique: Dans l'une des correspondances de Bovet on peut lire ceci : ...l'un de mes vœux les plus chers est de pouvoir adresser ma prochaine lettre de Nouvel An à Monsieur Amiel- , c'est-à-dire Amiel suivi d'un trait d'union et d'une apposition, suivant les habitudes de la nomenclature genevoise. Mais quel terme pour cette apposition, probablement un autre patronyme, celui d'une future épouse que son correspondant lui souhaite ? (mais qu'il n'eut pas) !
-5- De l'exutoire à la gloire posthume :
Et il y a lieu de penser qu'il fut un formidable observateur de lui-même au point qu'inexorablement ce journal semble être devenu le propre ennemi intime de son auteur. En plusieurs endroits on voit que son écriture, le couchage sur le papier de la vision de son être profond, son accouchement perpétuel, le fit souffrir; et la délivrance finale ne fut jamais là, comme il l'avait imaginé pour son épitaphe (J. I. 18 Août 1852) au cimetière de Clarens, "...il travailla toute sa vie à se préparer à vivre, et il allait vivre enfin quand il mourut". La délivrance attendue aurait été son oeuvre, un livre avec un début, un milieu et une fin, mais non, rien de tout cela. et le temps passait ... Baudelaire comme Flaubert ou Dostoïevski l'avaient fait, eux; leur propre œuvre accomplie, ils pouvaient disparaître: le premier cité meurt en 1867, le second en 1880 et le dernier début 1881. Comme le dit Alexandre Dumas :"Des quatre vaillants hommes dont nous avons raconté l'histoire, il ne restait plus qu'un seul corps". Mais pour peu de temps; son tour vînt inexorablement cette même dernière année 1881, alors que la montagne suisse se parait de ses beaux atours pour l'été alpin.L'échec de sa vie semblait total alors qu'il avait été doté de si grandes capacités : Il n'avait jamais cessé d'écrire, mais rien de solide, de construit, d'éditable et de vendable. Il n'y avait de vraiment construit que ces dix-sept-mille pages d'un journal-fleuve. Il avait bien laissé dans ses consignes post-mortem que ses exécuteurs testamentaires pouvaient extraire et publier après sa disparition, de ce monstre, quelque cinq cent pages (portées en réalité à mille par ses amis). Et dans le milieu qui formait autour de Mallarmé, ce que Maeterlinck (Prix Nobel 1911) appelait 'la terre chaude du symbolisme', comparable aux milieux concurrents de Brunetière à La Sorbonne et Anatole France (Prix Nobel 1921) au Faubourg St Germain, la publication effective et rapide de ces premiers extraits dès 1882 & 1884 sous le titre de "Fragments d'un Journal Intime" fit l'effet d'un véritable coup de tonnerre. Et faut-il le rappeler encore le premier surpris aurait été lui-même!
La Comtesse Tolstoï s'en fit même l'écho depuis la lointaine Russie; elle en traduisit les pages publiées et son mari, Léon Tolstoï, l'immense auteur russe de "Guerre et Paix" se fendit d'une préface pour cette édition. Tous ceux qui étaient du milieu littéraire comprirent immédiatement que ce Journal c'était du jamais vu. Aussi chacun crut obligé d'y aller de son commentaire, alors que l'on ne connaissait encore que des bribes de la grande oeuvre. Car c'était bel et bien sa grande oeuvre, mais il ne l'aura pas su.
-6- Un humain type ? :
On peut dire en effet qu'il est le représentant typique de l'humanité, avec ses grandeurs et ses faiblesses, ses élans et ses hésitations. Il montre le portrait lucide et sincère d'un type d'homme occidental, à cheval sur les cultures gréco-latine et germanique, judéo-chrétienne aussi car il fut sans doute chrétien mais avec quelques touches de bouddhisme, de stoïcisme voire de panthéisme. Appartenant c'est sûr à un milieu bourgeois, politiquement libéral et tolérant, pratiquant une morale élevée, quasiment puritain même, enfin un homme qui raisonne (et résonne !) comme beaucoup de ses congénères cultivés de son époque. Mais loin d'être quelconque car orienté vers la contemplation, l'auto-analyse et la méditation intérieure. Sans ambition ni volonté manifeste, paralysé par un excès de réflexion, il fit du renoncement l'une des maximes de son existence. Il est un égoïste qui ne vit que pour soi et qui a fini par se suffire à soi. Et en cela Amiel est un être unique et son Journal, comme lui, est unique, aucun de ceux qui l'ont précédé ou suivi connus ne l'égale et ne peut l'égaler. (cf. Bernard Gagnebin "Les fragments rejetés du Journal Intime d'Amiel" communication au XVIème Congrès de l'Assoc. Internat. des Etudes Françaises; cahiers publiés en 1965, vol. 17 n°1, pp. 123-132; Les Belles-Lettres, Paris).
-7- En résumé :
Ecrivain suisse d'expression française, il a laissé outre son oeuvre de philosophe et de philologue, un monumental Journal. Il enseigna l'esthétique en un temps où cette dimension de l'esprit avait encore de l'importance pour tout honnête homme et la philosophie à l'Université de Genève. Il publia des poèmes, un essai sur Calvin (1878), un autre sur Rousseau (1879) des recueils de critiques influencés par la philosophie allemande idéaliste de Schelling et de Hegel et des traductions de poèmes. Mais son œuvre majeure reste son Journal Intime (1847-1881) sans cesse étudié de par le monde depuis les premières publications d'extraits peu après sa disparition. En 1880 encore, quelques mois avant sa mort, le journal intime n'était pas reconnu comme genre littéraire. Il inaugura donc dans l'histoire des lettres françaises la rencontre d'un homme et de ce genre; rencontre exceptionnelle pour ce qui le concerne, de par sa continuité et son extraordinaire régularité. SON ASCENDANCE FRANCAISE:
Le plus lointain ascendant habituellement cité est "Jean Amiel" son bisaïeul direct en branche paternelle et qui lui a transmis son patronyme. Né vers 1708, il était bonnetier à Castres, ville industrieuse du Haut-Languedoc, située sur l'Agout, au sud du Massif Central, entre les collines lauragaises et les premières croupes des Monts de Lacaune. Si Jean Amiel avait été catholique il n'aurait eu aucun problème pour son négoce, son existence et celle de sa famille. Seulement voilà, il était protestant et, au XVIIIème S. il était difficile d'avoir et de proclamer cette religion réformée dans le royaume de France, surtout depuis la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV. Comme bon nombre de ses co-religionnaires et à leur exemple, il choisit de s'exiler avec son épouse castraise comme lui, Charlotte Morel, de partir vers 1730-1735 dans le pays le plus proche et qui respectait cette religion, la Suisse. Il sera naturalisé suisse en 1743 comme bourgeois, et mourut à Nyons en 1780 à 72 ans. Il eut de Charlotte un fils prénommé aussi Jean mais dont la descendance s'éteint au début du XIXème S. Son épouse décédée, il se remaria avec un vrai vaudoise qui lui donnera le fils dont descendra Henri-Frédéric.
Mais mis à part ce personnage qui finalement fit de son descendant Henri-Frédéric un suisse, on a retrouvé en Languedoc, à Castres des ascendants à ce Jean Amiel : son propre père se nommait Michel Amiel-Montserrat et son grand-père Denis Amiel, mort en 1685 fut maître-bastier dans la même ville. (cf. "Revue historique, sc. et littéraire du Tarn", Vol. XXVII; 1910).
SA FAMILLE : (dont il parle dans son journal, classement selon l'initiale du prénom)
- Alix Amiel : (1802-1874) née Roux, tante, 2ème épouse de son oncle Jacques Amiel.
- Caroline Amiel : (1826-1893), cousine, fille de l'oncle Jacques et Alix.
- Cécile Amiel : (1833-1849), cousine, autre fille de l'oncle Jacques et Alix.
- Eugène Amiel : (1823-1882), cousin, fils de Jacques alors négociant et de sa 1ère épouse Jenny Amiel.
- Fanchette Amiel : (1795-1862), née Joly, tante, épouse de l'oncle Frédéric.
- Fanny Amiel : (1825-1901), sœur d'Henri-Frédéric.
- Frédéric Amiel : (1794-1856), oncle d'Henri-Frédéric, droguiste, c'est lui qui recueille Henri-Frédéric à la mort de son père en 1834; il vécut 7ans chez lui.
- Jacques Amiel : (1797-1857), oncle d'Henri-Frédéric, agent d'affaires.
- Laure Amiel : (1829-1892), sœur cadette d'Henri-Frédéric; épouse du médecin Jean-Baptiste Stroehlin.
- Louise Amiel : (1835-1879) cousine.
- Marie Amiel : (1840-1857), cousine.
- et bien d'autres des familles Amiel-Joly et Amiel-Roux.
- et puis ....un inattendu cousin d'Amérique : Tardivement découvert, en 1920-21 par des lettres qu'H.F. Amiel écrivit à un certain Edward Lyanna en 1850-60, dont on a vu, par leur contenu, qu'il s'agissait en effet d'un cousin qui s'était installé fermier à Stella, dans l'état du Nébraska. Il est le fils de la demi-soeur de la mère d'Henri-Frédéric. Il quitta Genève en 1850 pour rejoindre une connaissance dans la communauté icarienne de Nauwoo (Illinois). Après avoir été journaliste en 1856 à Brownville il sera bien à partir de 1860 fermier à Stella où il décèdera.