Cet Ameil, dont le nom est souvent retranscrit Amiel dans les journaux est un descendant direct des barons Ameil du temps du Ier Empire (voir notice du Général Ameil); il était un ingénieur efficace en poste à Moscou pour Thomson à la fin des années 1970, début des années 80. Par sa position il put durant trois mois, de février à mai 1981 débuter une courte carrière d'agent secret ou d'espion comme l'on veut au profit de la France son pays de naissance. Officieusement il fit passer durant ce court laps de temps à destination du gouvernement français (François Mitterand venait d'être élu président de la république), des documents frappés du secret-défense tout en faisant croire qu'il s'agissait d'appels d'offres pour des contrats industriels. Par ces premières fuites Ameil fut à l'origine d'une affaire très importante de découverte de taupe de la DST de l'époque (Dir. de Surveillance du Territoire). Comment et pourquoi ces actions devinrent-elles si importantes alors ?
"Je sais tout ce que vous avez fait" ainsi s'exprima François Mitterand à son encontre en 1983 alors qu'il lui remettait les insignes d'officier de la Légion d'Honneur, officiellement pour "services rendus au commerce extérieur"; et aussitôt à la surprise générale le président le serra dans ses bras en lui murmurant quelques mots dont ne savons que ce qu'Ameil a bien voulu avouer. On sait que la raison essentielle repose sur ce que l'on a appelé "L'affaire Farewell".
Car Xavier Ameil par les prémices indiquées est à l'origine de cette énorme affaire et l'un de ses témoins clés. Ce polytechnicien de formation, qui est en poste à Moscou depuis deux ans en tant que Délégué général de Thomson chargé de négocier les contrats de modernisation de la télévision soviétique et âgé déjà de 58ans, va être approché par Vladimir Vetrov, alias agent Farewell, taupe russe la plus fameuse du contre-espionnage français, lequel lui glissera dans la main des dossiers russes signés Andropov, parmi d'autres noms. Comme dans les films du même genre, Ameil aura des rendez-vous secrets dans sa voiture de fonction, une Renault20, des copies des originaux seront faites le week-end sur des machines photocopieuses d'âge antédiluvien, dans son bureau moscovite. Son épouse Claude en brave MoneyPenny l'aidera à trier les documents et mettra au point des méthodes empiriques pour ne pas éveiller l'attention des services russes. Enfin une grande inconscience mêlé à un certain héroïsme et à beaucoup de chance pour ces espions en CDD ! Car dans l'URSS d'alors un tel acte d'espionnage aurait valu à l'ingénieur, non protégé diplomatiquement, un aller direct sans retour vers les geôles soviétiques..... Pendant longtemps Vetrov ne fut pour Xavier Ameil que Volodia, nom de code au goût slave, quasiment romantique.
Comment donc le couple Ameil en est il arrivé là ? Début 1981 lors d'un des multiples voyages allers-retours d'Ameil à Paris, à la maison-mère, son patron lui présente dans son bureau un agent de la DST. Et voilà ces deux hommes qui lui proposent une mission tout à fait inhabituelle; il s'agirait de rencontrer à Moscou un agent du KGB qui a lancé un "appel à l'aide". Et la DST a besoin de confronter ce contact à une "personne neutre", pourquoi pas le directeur de bureau de Moscou s'est dit Jacques Prévost, le patron de Thomson. Xavier Ameil tout à fait inconscient accepte sans réfléchir, immédiatement, car, dira t-il, il aime rendre service ! Muni d'un bon conseil de Prévost, "Débrouillez-vous!" (!) il repart à Moscou avec seulement une photo et un n° de téléphone de ce Volodia. Il va falloir pas mal improviser.
Le 1er contact sera établi pour deux kopeks par un appel téléphonique passé depuis l'un des nombreux postes publics de Moscou. Un R-V est convenu devant une bériozka (magasin pour étrangers); l'homme arrive, à la bonne figure russe paraissant un bon vivant. Ils montent tous deux dans la R20 pour discuter un peu plus loin à l'abri des regards. Le russe remet à Ameil une page manuscrite en lui demandant de la faire parvenir à ses supérieurs. Ameil qui pensait avoir affaire à un homme traqué est un peu surpris mais parvient à comprendre le souhait de cet homme. Celui-ci sans doute déçu par le manque de considération de ses supérieurs à son égard est déterminé à renier son pays en fournissant à la France les documents secrets auxquels il peut avoir accès. Prenant alors son rôle au sérieux Ameil feint de passer pour un véritable agent français et dit tout aussitôt au russe : "Mais tout ce qui est là nous le savons déjà !" exclamation qui prit la taupe au vif, lequel lui réplique "Je vous ramènerai mieux la prochaine fois".
Xavier Ameil s'empresse d'envoyer au plus vite à Paris la page manuscrite par la valise diplomatique; et il se souvient, bien des années plus tard, avoir écrit ce commentaire d'une candeur enthousiaste "On se croirait dans un roman policier" !! Et c'est même un roman policier qu'aucun auteur n'aurait pu imaginer; car c'est alors au fil de cinq autres rendez-vous que Volodia remettra à Ameil plusieurs documents capitaux. En échange le français offrira de petits cadeaux destinés à la maitresse du soviétique, souvent pas grand chose, un objet qu'il avait chez lui, alors que les documents remis devenaient de plus en plus épais et importants.
Et Ameil dut mettre au courant son épouse de ce qu'il manigançait; un jour il rentre de l'un de ces R-V avec sous le bras le dossier Smirnov signé d'un homme important, Andropov. Avec l'aide indispensable de son épouse ils vont photocopier ce rapport et bien que le gardien du bureau moscovite de Thomson ait l'habitude de voir venir travailler Xavier Ameil le week-end, l'affaire se compliqua car la tâche sur ces machines d'un autre âge est vraiment fastidieuse....et il manqua 50 pages lors de la lecture à Paris! Enfin bref, fin avril 1981 Volodia remet encore une liasse de papiers. On est à la veille du 1er Mai et la mission commerciale de l'Ambassade de France ne peut prendre en charge les documents via la valise diplomatique comme cela était l'habitude désormais. Laisser ces documents dangereux pour leur sécurité dans leur appartement alors qu'ils s'apprêtent à effectuer une échappée dans les républiques musulmanes de l'empire soviétique leur parait très risqué, ils décident tout simplement de les emporter avec eux en veillant constamment à avoir un œil dessus, ce qui peut tout autant être dangereux mais il n'y avait pas à tergiverser plus longtemps. Au retour de ce week-end Xavier Ameil prend l'avion pour Paris avec ces fameux papiers. A la douane il ne se démonte pas; ayant gardé sous son bras les documents à transmettre, le douanier lui posant la question de savoir ce qu'il tenait ainsi, il répond tout de go : "C'est de la publicité" et il fut assez convaincant puisque le douanier fut berné en beauté; il est quand même passé la peur au ventre. En arrivant à Paris il apprend qu'il est remplacé dans ce rôle bien grand pour lui par un spécialiste plus aguerri, un certain Ferrant, dont l'épouse vint récupérer les fameux documents.
S'en était fini de son rôle de composition qui pourtant semblait d'après lui, lui aller comme un gant. Les époux Ameil nullement jamais soupçonnés de quoi que ce soit par les services secrets russes restèrent en Union Soviétique jusqu'en 1982 avant de retourner en France, sans toutefois retourner à Moscou. Encore en 2007 ils se sont rendus en Biélorussie où l'ancêtre général encore seulement colonel des armées de Napoléon Ier sauva une partie de ses hommes en les faisant traverser à temps un cours d'eau : Lui aussi fut comme son lointain descendant au bon moment au bon endroit et tous deux eurent une certaine idée du devoir pour la Nation.
Cette affaire eut des retentissements forts sur les relations internationales, plaçant la France et son président en position de force en un moment où le pays se dotait d'une gouvernance socialiste, ce qui ne s'était pas vu depuis avant-guerre avec Léon Blum, notamment envers les Etats-Unis; mais c'est une autre histoire qui n'a plus rien à voir avec celle que je viens de conter ici.
Un film fut réalisé sur ces faits peu ordinaires par Christian Carion sorti en 2009; Xavier Ameil ne se retrouve pas dans le personnage qui le figure, jugeant Guillaume Canet peu crédible, coquetterie légitime d'un vieux monsieur sans doute qui s'y voyait bien plus à l'aise qu'il ne le fut sans doute. Il est vrai que le cinéaste a pris certaines libértés avec la réalité mais n'est-ce pas le propre du cinéma souvent ?